Voilà plus de 50 ans que l’homme n’a pas marché sur la lune et la NASA compte bien amener un nouvel équipage sur le sol lunaire d’ici 2024. C’est en 2019 pour le cinquantième anniversaire de la mission Apollo 11, que l’ancien président Donald Trump a enjoint la célèbre administration spatiale d’accélérer son programme « Artémis ». L’ambitieux projet consiste à amener un consensus entre les grandes puissances spatiales afin d’envoyer un équipage sur la lune. L’autre objectif était de commencer la colonisation lunaire et ainsi mettre en place une plateforme logistique pour la conquête de Mars, étape finale de l’agence spatiale. Le projet est un vrai challenge technique mais aussi juridique que nous allons découvrir.
Comment s’organise le projet ?
Le projet se divise en plusieurs points ou « phases » [1] :
- Le premier était de trouver un financement. Pour l’envergure d’un tel projet, la NASA s’est fixé un budget de 28 milliards de dollars en cinq ans. Le financement par le seul gouvernement Américain n’est pas suffisant (1.6 milliards pour l’année 2019). La NASA se tourne donc vers d’autres pays afin d’obtenir certains éléments nécessaires à cette odyssée spatiale : l’agence spatiale Canadienne doit par exemple fournir les bras robotisés permettant la manipulation d’objets dans l’espace [2].
- Le suivant, est la construction de « Lunar Gateway » : une station faite pour faciliter l’alunissage et le décollage lunaire afin de réduire les coûts sur le transport de matériels et d’humains entre le sol et l’orbite de la lune.
- Ensuite faire marcher l’humanité sur la lune une seconde fois et construire un début de colonie.
- Puis, tester les installations, procéder à diverses études et expériences scientifiques comme : tester la glace et l’eau lunaires, faire des vérifications géologiques sur les diverses ressources minières, présentes sur la lune et comment les exploiter.
- Enfin, préparer un point de départ facilitant la conquête de Mars. La gravité étant moins forte sur l’astre que sur la terre, le coût d’une mission spatiale en partance de la lune serait drastiquement moins cher que sur terre une fois les infrastructures installées.
La mise en place d’accords internationaux
Le 13 octobre 2020 l’agence spatiale Américaine met en ligne les accords Artémis [3] avec une force juridique au niveau international. Ces accords visent à trouver un consensus entre les différents Etats qui auraient le potentiel financier et technologique requis. Actuellement les signataires sont : l’Australie, le Canada, le Japon, les Etats-Unis, le Luxembourg, l’Italie, le Royaume-Uni et les Emirats arabes. D’autres pays sont attendus notamment des pays européens.
Le but de ces accords est pour la NASA de prolonger le traité de l’espace de 1967 sur une exploration spatiale pacifique et exempte de l’’arme nucléaire. Ces accords portent sur dix points : L’exploration pacifique, le secours d’urgence, la transparence des activités, l’interopérabilité des systèmes, la mise à disposition des données scientifiques, l’immatriculation des objets spatiaux, la gestion des débris spatiaux, l’utilisation des ressources spatiales, la protection du patrimoine spatial [4]
La création d’un espace politique extra-terrestre
Même s’il est d’initiative Américaine, la NASA se veut « apolitique » dans sa démarche, on peut néanmoins critiquer ces accords. En premier lieu sur la possibilité de mettre en place une « zone de sécurité ». Une telle disposition peut donner l’opportunité à une nation de s’approprier des zones stratégiques afin de s’assurer une primauté des ressources lunaires et se conférer un avantage économique [5]. D’ores et déjà certaines doctrines aux Etats-Unis envisagent d’utiliser les ressources spatiales à des fins économiques ou privés [6], démontrant l’importance que le gouvernement Américain donne à l’aspect financier de l’exploration spatiale.
Outre l’avantage économique, la gloire d’un deuxième pas pour l’homme engendre des conflits : de quelle nationalité sera l’astronaute qui foulera la lune ? Dans une question écrite, l’assemblée nationale s’interroge sur la participation de l’ESA (Agence Spatiale Européenne) au projet Artémis. Notamment sur une contribution Française que l’assemblée voudrait supérieure à celle de l’Allemagne «et permettre en l’occurrence au spationaute Thomas Pesquet de participer à cette nouvelle étape de l’exploration spatiale humaine. » [7].
Conclusion :
La conquête de l’espace est de retour, prévue pour le 55e anniversaire de l’alunissage d’Apollon 11. Il est cependant à noter qu’avec toute la bienveillance avec laquelle la NASA lance le projet, certaines grandes puissances spatiales sont absentes. Notamment l’Inde dont les missions spatiales Chandrayaan en feront bientôt une puissance ayant réussi un alunissage. La Russie ne s’est pas encore prononcée malgré une coopération marquée avec la station spatiale ISS ces dernières années. Enfin la Chine se pose en grande rivale sur la scène spatiale. Pour rappel il s’agit de la première puissance à avoir réussi un alunissage d’un module sur la face cachée de la lune, afin d’en étudier les ressources ceci en janvier 2019 [8]. Pour beaucoup l’espace est un point de convergence qui permettrait de mettre les différences de l’humanité de côté. C’est ce que semble vouloir la NASA dans le projet Artémis, néanmoins dans les faits il semblerait qu’une nouvelle course aux ressources vient d’être établie.
Source :
[1] : << Nasa’s Lunar exploration program Overview >> www.nasa.gov septembre 2020 [Extra lien PDF : https://www.nasa.gov/sites/default/files/atoms/files/artemis_plan-20200921.pdf ]
[2]: Mihir NEAL <<Canadarm3 to support Lunar Gateway space station>> 28 juin 2020 Nasaspaceflight.com
[3]: Nasa video << NASA and international Partners Sign Artemis Accords >> 13 octobre 2020 youtube [Extra lien video : https://www.youtube.com/watch?v=PkVxAJpb3Bk&feature=youtu.be&ab_channel=NASAVideo ]
[4]: Nasa << The Artemis accords>> 13 octobre 2020 [Extra-lien PDF : https://www.nasa.gov/specials/artemis-accords/img/Artemis-Accords-signed-13Oct2020.pdf ]
[5]: Julien LAUSSON << Les accords Artémis pour explorer l’espace se font pour l’instant sans les grandes puissances spatiales >> 15 octobre, www.numérama.com
[6]: Christopher D. JOHNSON << Renewed ambitions in Space-Exploration Lawmaking>> The air & space lawyer, volume 33, numéro 3, 2020
[7]: Question écrite N°24726, 26/11/2019 – Espace et politique Spatiale Bastien Lachaud – premier ministre 29 novembre 2019 [Extra lien : https://cutt.ly/wg800AW ]
[8] : L.Br avec AFP « Chine : un module se pose pour la première fois sur la face cachée de la Lune » 3 janvier 2019 20minutes.fr