La LPPR, une loi qui finance les universités au détriment de leur identité.

Le 17 novembre 2020 la loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche a été adoptée après un accord trouvé le 9 novembre 2020 par la commission mixte paritaire composée de 7 députés et 7 sénateurs. Il s’agit d’une loi prévoyant le plan de financement du domaine universitaire et de la recherche moyennant une refonte profonde des principes académiques.  La LPPR (loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche)  devrait entrer en vigueur pour l’année 2021 malgré des débats houleux et une polémique conséquente du fait des modifications qu’elle apporte dans le milieu universitaire.

  • Les principaux points de la LPPR au cœur de la polémique :

Tout d’abord, la LPPR prévoit un investissement de 25 milliards d’euros dans la recherche et les universités entre 2021 et 2030 permettant ainsi un budget annuel de 20 milliards d’euros par an en 2020 ce qui entrainerait une augmentation de 5 milliards d’euros par rapport au budget actuel.

Au delà de l’aspect financier, la LPPR est venue modifier plusieurs points essentiels propres à l’identité des universités en France.

Tous d’abord, la LPPR prévoit la diminution du statut d’enseignant chercheur ainsi que la dispense de qualification nationale dans les concours de Maitres de Conférence et professeurs.

Concernant les jeunes enseignants-chercheurs la LPPR prévoit le droit à une tenure-track à savoir une mise à l’épreuve malgré l’obtention de ce titre pendant 5 ans. Au terme de ce délais, l’enseignant chercheur passera soit professeur titulaire ou sera rétrogradé.

De plus, la LPPR prévoit également la pénalisation des rassemblements non autorisés au sein des facultés. En effet dès lors que le doyen d’une faculté n’a pas autorisé un rassemblement sur le campus, son occupation peut entrainer des poursuites pénales pouvant donner lieu à des sanctions pécuniaires ou une incarcération.

Enfin, la LPPR a vocation à mettre en place une augmentation de l’évaluation des chercheurs en charge des financements mais également de multiplier les appels à projet afin d’obtenir des financements plus important qu’aujourd’hui.

  • Les risques liés à la LPPR :

Il est clair que cette loi a vocation à rendre plus compétitifs l’université française ainsi que le monde de la recherche en se calquant en partie sur un modèle anglo-saxon. Cependant, il semble que cette loi encourage une augmentation de la production universitaire au détriment de sa qualité. De plus, concernant cette influence anglo-saxonne, la LPPR semble supprimer l’exclusivité de l’université sur certains diplômes telle que les licences, afin d’ouvrir cette mention aux écoles privées. Sous couvert d’une plus grande efficacité et compétitivité il semble que cette loi va venir transformer le paysage universitaire français en accentuant la distinction entre les universités publiques et les écoles privées reproduisant ainsi un système anglo-saxon.
La preuve en est notamment la mise à mal du statut d’enseignant chercheur qui va tendre à dévaloriser la qualité de l’enseignement dans les universités publiques en introduisant notamment des enseignants non pas pour la reconnaissance de leur travaux par leur pairs mais par une validation administrative.

Enfin, la pénalisation des rassemblements non autorisés au sein des facultés est une dangereuse atteinte à l’identité et au rôle de l’université. En effet, c’est par le biais des facultés que l’esprit de chacun s’affute, que chaque individu se construit et que certains mouvements sociaux peuvent naître, le meilleur exemple étant mai 1968. Cette pénalisation vient répondre aux différents blocages des facultés se développant ces dernières années notamment avec le cas de la faculté de Tolbiac. Cependant, sous réserve d’assurer un bon accès aux enseignements il semble que cette mesure traduise davantage un échec de la politique gouvernementale à répondre aux problèmes sociaux en amont des mouvements de contestation.

Ainsi il convient de préciser que le choix du législateur concernant cette loi peut s’entendre en ce sens qu’il y a eu un souhait de relancer l’attractivité et la compétitivité des universités françaises et l’univers de la recherche sur la scène internationale. Cependant, ces modifications sont en réalité motivées par le fait que depuis quelques années la France ne respectait pas les quotas de financement des universités imposés par l’Europe. Partant il apparait que cette loi n’est pas issue d’une volonté sincère mais plutôt d’une contrainte et par conséquent cette dernière a été structurée afin de rentabiliser une structure dans laquelle l’Etat doit investir d’avantage.

Avec le contexte sanitaire, la LPPR a été votée sans rencontrer de forte opposition si ce n’est de la communauté universitaire. Il faut désormais espérer que le Conseil constitutionnel vienne intervenir quant à la validité de cette loi. 

 

Sources :

  • Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, Vie publique.fr, publié et modifié le 30 novembre 2020.
  • Loi de programmation de la recherche 2021-2030, Ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation.
  • J.Gossa, Docks en stock: dans les coulisses de la démocratie universitaire, blog educpros, publié le 5 novembre 2020.
  • Communiqué de presse: retrait des 3 amendements sénatoriaux à la LPPR, Société Savante Académiques de France, publié le 31 octobre 2020.