La 2ème réunion de l’observatoire de la haine en ligne : le survivant de la Loi AVIA

L’observatoire de la haine en ligne c’est quoi ?

Il faut remonter jusqu’à début de l’année 2018 pour comprendre l’origine de cet observatoire. En mars, à l’occasion du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) le Président de la République annonce vouloir lutter plus efficacement contre la haine en ligne. Le 28 mars, Édouard Philippe confiait cette mission officielle respectivement à la députée LREM Lætitia Avia, le vice-président du CRIF Gil Taieb et enfin Karim Amellal écrivain et professeur.  Le 20 juin 2018, le rapport « Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet » est remis au premier ministre Édouard Philippe.

Les choses s’accélèrent l’année suivante lors du diner du CRIF 2019, Emmanuel Macron annonce qu’une proposition de loi sur la lutte contre la haine sur internet sera soumise au Parlement portée par sa rédactrice la députée Laetitia Avia le 20 Mars 2019.

 

Le parcours d’une loi controversée

Après le dépôt de la loi en mars 2019, adoptée en première lecture par les deux assemblées après de nombreuses modifications. Un peu moins de 700 amendements pour l’assemblée nationale et 229 amendements pour le sénat. En cas de désaccord persistant des assemblées la commission mixte paritaire intervient pour les concilier sur un texte commun. Elle échoue à mettre en accord les assemblées sur les dispositions restant en discussion. À la suite de cet échec, la proposition de loi est de nouveau soumise en nouvelle lecture d’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Puis adoptée en lecture définitive, le 13 mai 2020 soit 1 an et deux mois après son dépôt.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.  En effet, 5 jours plus tard 60 sénateurs saisissent le Conseil Constitutionnel afin de vérifier la conformité des dispositions de la loi au bloc de constitutionnalité . Celui-ci censure alors le dispositif phare de la loi édicté dans l’article 1er. Ce dispositif prévoyait le retrait en une heure des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique. Ainsi qu’une obligation de retrait en vingt-quatre heures de contenus manifestement haineux. A la suite de la décision du Conseil Constitutionnel, la loi censurée de ces dispositions est promulguée le 24 Juin 2020.

 

Création de l’Observatoire de la haine en ligne 

C’est l’article 16 de la loi du 24 juin 2020, qui crée « L’Observatoire de la haine en ligne ». L’article poursuit en énonçant que celui-ci assure « le suivi et l’analyse de l’évolution des contenus mentionnés à l’article 1er de la présente », c’est-à-dire les contenus à caractère terroriste, pédopornographique et manifestement haineux. Son fonctionnement sera assuré par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Mais les opérateurs comme les plateformes, les associations ou encore les administrations et chercheurs de la lutte contre la haine en ligne y seront évidemment associés. Et c’est cet organe qui va définir la composition et les missions de l’Observatoire.

C’est début juillet, que se tient la première assemblée plénière afin de définir sa composition ainsi que ses missions. Il a donc été désigné membre de l’Observatoire quatre catégories d’acteurs :  des opérateurs, des associations, des administrations et enfin des chercheurs. Cette diversité dans la composition est une volonté affichée aux fins d’une représentation des publics concernés, que vous pouvez retrouver ici.

Dans la liste des opérateurs ont peut y retrouver trois des géants du Web : Facebook, Google et Microsoft. En outre Twitter y figure ainsi que la plateforme montante Tiktok détenu par les chinois et en négociation de rachat par les américains.  Pour son collège d’association on y retrouve les grandes associations nationales et internationales protégeant les intérêts des publics contre la haine sous toutes ses formes.

Penchons-nous sur les administrations qui siègerons. Ce sont essentiellement les ministères concernés par le monde du numérique et les publics concernés comme celui du numérique, de la jeunesse et des sports ou encore de l’intérieur. A noter que ce dernier apporte son outil « PHAROS » plateforme qui permet aux internautes de signaler les contenus et comportements illicites sur le web. Et enfin un collège de chercheurs dans des domaines diversifiés en droit, sociologie, sciences de l’information et de la communication ou expert en radicalisation et extrémisme.

Les missions de l’Observatoire ont été définies telles que :

–          Analyser et quantifier les contenus relatifs à la haine en ligne ;

–          Œuvrer à améliorer la compréhension du phénomène en suivant son évolution ;

–          Partager les informations des différents acteurs concernés, publics et privés.

 

La seconde réunion de l’observatoire de la haine en ligne

Le 15 octobre 2020 lors de sa seconde réunion, l’observatoire de la haine en ligne a mis en place son règlement intérieur et quatre groupes de travail thématiques. Le premier groupe devra travailler sur une définition commune de la notion de contenus haineux. Notamment à la lumière du droit, des recherches mais aussi des travaux politiques ainsi que des définitions d’autres états et acteurs.

Le second groupe se penchera sur l’amélioration de la connaissance du phénomène de la haine en ligne. Il analysera les contenus haineux et leur évolution avec leurs diversités. Et en feront une comparaison à l’échelle européenne et mondiale.

Le troisième groupe travaillera sur l’analyse des mécanismes des moyens de lutte. Avec l’analyse de la diffusion et de la propagation des contenues haineux sous tous ces aspects. Ainsi qu’une réflexion sur leur détection et enfin une comparaison avec les systèmes d’autres pays.

Pour finir le quatrième groupe se concentre quant à lui sur les actions pour le public avec la prévention, l’éducation et l’accompagnement des publics. Cela sera mis en place au travers de l’échange de bonnes pratiques en matière d’éducation aux médias et à l’information, des veilles à l’international. Ainsi que l’analyse de l’impact des actions menées sur le public. Et des réflexions autour des dispositifs d’accompagnement des victimes et des auteurs.

L’observatoire doit se réunir au moins une fois par trimestre. La date d’une troisième réunion n’est pas encore connue.

Ces missions et sa composition paraissent prometteuses avec une diversité et un champ d’étude éclectique. Pour autant, plane toujours au-dessus de cette initiative pleine de bonne volonté le spectre des textes légaux censurés. En effet, après la censure quasi-totale du texte de la loi AVIA les outils de sanction pour les contenus sont inexistants, puisque la mesure phare du texte, l’article qui permettait le retrait des contenus haineux a été censurée. Les missions de l’Observatoire de la haine en ligne seront-elles suffisantes pour endiguer ce phénomène en pleine expansion ? Phénomène notamment permis par l’anonymat du web. En l’absence de textes légaux forts, les outils de cet Observatoire pourront-ils être efficaces ?

 

 

 

SOURCES :

https://www.csa.fr/Informer/Espace-presse/Communiques-de-presse/Lutte-contre-la-haine-sur-internet-le-CSA-met-en-place-un-observatoire-de-la-haine-en-ligne

https://www.vie-publique.fr/loi/268070-loi-avia-lutte-contre-les-contenus-haineux-sur-internet

https://www.gouvernement.fr/partage/10528-rapport-visant-a-renforcer-la-lutte-contre-le-racisme-et-l-antisemitisme-sur-internet?fbclid=IwAR0gN4jrOMsh9jccSBBhSyZznXPzsqlRniuW79H8lNxoA9Im78TUbjj5xTc

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/02/21/proposition-de-loi-contre-la-haine-sur-internet-cinq-questions-pour-comprendre_5426395_4408996.html

https://www.lemonde.fr/emmanuel-macron/article/2018/03/08/diner-du-crif-macron-veut-lutter-contre-la-cyberhaine_5267299_5008430.html

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020801DC.htm

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/lutte_contre_haine_internet

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042031970?r=LJw52smy7T

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decisions/affaires-instances?id=32246