Faut-il craindre l’arrivée de la 5G ?

Toujours plus vite, voilà le maître mot en matière de débit. La 2G, la 3G puis la 4G, cette année les marchés de la téléphonie mobile et des nouvelles technologies ont accueilli plus concrètement la 5G. À l’heure de la virtualisation grandissante de nos échanges, propulsée par la pandémie mondiale, la 5G est devenue incontournable.

Qu’est-ce que la 5G ? 

Elle est une technologie, un standard de communication. Elle est la 5ème génération de réseau mobile, c’est-à-dire un réseau dont les caractéristiques diffèrent par rapport au réseau 4G actuel. Quels sont-ils ? Multiplication du débit, diminution du temps de réponse et meilleure densité de connexion qui permet d’augmenter le nombre d’objets connectés simultanément au réseau. De nombreux espoirs sont placés dans la 5G en matière d’innovation dans plusieurs secteurs : la domotique, les smartcities, la sécurité publique, la télésanté, les voitures autonomes ou encore le contrôle énergétique. La 5G est un nouveau pas vers la société du « tout numérique » dans la mesure où elle améliore les services existants, d’une part, tout en favorisant le développement d’autres, d’autre part, et va, à terme, servir à nous connecter davantage et à plus d’objets qu’aujourd’hui. 

Cependant, ces échanges massifs embarqueront forcément de la donnée qui identifiera directement ou indirectement les personnes utilisatrices de la technologie.

Les enjeux de la 5G en matière de données

Les problématiques concernant les données, y compris de la donnée personnelle, sont de plus en plus présentes et augmentent avec le nombre de progrès technologiques. En ce sens, la 5G, à l’instar d’autres innovations, suscite des craintes en matière de protection et de sécurité des données de ses utilisateurs. Ces craintes ne sont pas nouvelles puisque des risques existaient déjà sous l’ère de la 4G. Toutefois, avec le volume de données qui va augmenter de façon exponentielle (175 zettaoctet sont attendus pour 2025) ce sont les utilisations qui pourront en être faites qui sont à craindre. La 5G apporte une meilleure performance qui va avoir pour conséquence le développement de biens et services plus gourmands en données, permettre la construction d’un réseau d’objets connectés encore plus vaste et plus puissant, passant d’un IOT (internet of thing) à un IOE (internet of everything). Or, les attaques contre les appareils dits « IoT » ont explosé en 2019 et par conséquent la vigilance doit être proportionnelle aux risques. 

Mais l’arsenal juridique est-il suffisant ? Parait-il que oui, il doit seulement être appliqué à la 5G, notamment le RGPD et les directives e-privacy et NIS, intégrés aux droits nationaux des États membres de l’Union. Ces derniers fournissent des garanties considérables et tentent de concilier progrès technologiques et sécurités des données numériques. Concernant la France, elle accorde une importance particulière à la matière.

Si les enjeux restent similaires, ils sont encore plus significatifs et fondamentaux dans la mesure où la 5G brassera de façon incontestable une quantité massive de données personnelles dans un contexte d’enjeu de souveraineté numérique européenne.

La 5G, outil régalien ? 

La 5G est une innovation et qui dit innovation signifie investissement. Or, tous les États ne sont pas égaux. Pour le moment, seules les puissances les plus riches ont investi, et quand certaines ont déjà lancé des offres commerciales d’autres en sont à déployer leur réseau. Or, cette technologie n’appartient pas au futur. À titre d’exemple, en Chine, les trois opérateurs téléphoniques nationaux proposent des abonnements 5G depuis octobre 2019. Idem pour le Japon et la Corée du Sud. L’Europe tente d’accélérer. Ce retard est jugé catastrophique par la Commission européenne pour la compétitivité de nos entreprises, car la Chine et les États Unis sont plus avancés, et ce faisant le Vieux continent est rapidement devenu un enjeu. Du point de vue de la Chine, gagner le marché européen s’intégrerait dans une stratégie plus large d’affaiblissement de la puissance étasunienne, et à terme créer un lien, sinon une dépendance, des États européens l’ayant choisi au détriment du concurrent américain. Cependant, cette course à la 5G est préoccupante concernant la possible captation d’information par les firmes asiatiques. L’Europe qui s’inquiète tente de résister et fait preuve de vigilance pour protéger ses citoyens et agir en dans leurs intérêts. 

Si chaque État tente de subvenir à ses propres besoins en matière de 5G, c’est en partie pour ne pas prendre le risque d’être dépendant d’autres puissances. L’Europe ne veut pas seulement être consommatrice mais aussi constructrice et, dans la même dynamique que le Cloud européen, souhaite déployer son propre réseau. Le but étant de minimiser le risque de dépendance mais également d’affirmer sa puissance sur le marché du numérique. Actuellement, l’UE dispose de deux entreprises à même de proposer leurs services en matière de 5G, Nokia et Ericsson. Si ces deux entreprises accusent un certain retard relatif quant au déploiement de la 5G, elles restent néanmoins compétitives. À titre d’exemple, Nokia est en mesure de proposer la même complétude de services que Huawei et d’assurer la totalité de la chaîne, de l’accès, aux câbles sous-marins en passant par le transport et la transmission optique. Et si ces deux entreprises sont favorites, c’est aussi parce que la pression anti-huawei américaine est partagée par certains gouvernements occidentaux. Le Royaume-Uni a annoncé une exclusion de Huawei de son nouveau réseau en raison d’un risque pour la sécurité, et l’Italie a pris une solution radicale : seules les antennes-relais de Nokia et Eriksson pourront être adoptées. La France de son coté n’entend pas non plus se laisser séduire quand bien même Huawei était un principal fournisseur en antennes 4G. L’agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a délivré des autorisations très contraignantes : l’achat de matériel Huawei est possible à condition qu’il soit démonté dans 8 ans. Un pari économique perdant.

La 5G soulève un certain nombre d’enjeux dont il est obligatoire de se pencher dessus. Elle est un pari sur l’avenir technologique et plus inconsciemment se pose la question de la maîtrise du monde de demain. 

Sources :