Cette loi a pour objectif la lutte contre le séparatisme, les atteintes à la citoyenneté ainsi que la lutte contre le développement du radicalisme par le renforcement des principes républicains, et la modification des lois sur les cultes. Le projet est présenté au Conseil des ministres du 9 décembre 2020 par Gérald Darmanin. Le gouvernement a engagé une procédure accélérée sur ce texte. La Commission chargée d’examiner le texte, dans les 51 articles qui le composent, a terminé ce 23 janvier 2021.
Le projet se penche sur diverses questions et notamment sur les thèmes concernant la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne, l’instruction en famille, le contrôle renforcé des associations, ainsi que sur la transparence des cultes et de leur financement dans un esprit de contrôle et de sécurité.
Mais pourquoi la prise de telles mesures ? Le gouvernement reconnaît l’impuissance de l’arsenal juridique existant et veut y remédier.
La protection des agents publics et la lutte contre la haine en ligne.
« Nous allons faire en sorte que ceux qui diffusent ce poison qu’est la haine en ligne soient immédiatement jugés devant le tribunal correctionnel dans le cadre d’une comparution immédiate. » Eric Dupont-Moretti.
Ce texte se voit renforcé à la suite du terrible attentat contre Samuel Paty. Il sera complété par des dispositions contre la haine en ligne ou délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle.
Sera donc prohibé “le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens”.
Les dispositions sont en grande partie issues de la loi Avia du 24 juin 2020, qui a été en majorité censurée par le Conseil constitutionnel. Il est donc prévu de créer un délit réprimant la haine en ligne. Il est également attendu la création d’un pôle de magistrats dédié à la lutte contre ces infractions.
Seront également mises en place des mesures de protection contre les pressions exercées contre les agents de l’État. Les auteurs s’exposent à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Un signalement pourra être fait via un dispositif d’alerte.
La transparence du financement et des conditions d’exercice du culte.
Le texte a pour ambition, par la modification de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’État, la transparence en matière de financement des associations cultuelles. Pour cela, les dons dépassant 10 000 euros et provenant de l’étranger au bénéfice des associations cultuelles et des lieux de cultes, seront soumis à un contrôle via un régime déclaratif de ressources. Le but étant également l’autonomie financière, ces associations pourront exploiter des immeubles de rapport acquis par legs ou dons. Dans ce but de transparence et de contrôle, le service Tracfin est renforcé. Ce service se présente comme étant un service de renseignements sous le contrôle du ministre de l’action et des comptes publics. Il vise à la lutte contre l’économie souterraine, le blanchiment d’argent et le financement d’organismes criminels.
« Pour la première fois, on va savoir qui finance qui sur notre sol et nous allons donner plus de moyens à Tracfin pour s’opposer à tous les flux indésirables. » Gérald Darmanin.
Afin de lutter contre la prise de certaines mosquées par des extrémistes, un dispositif anti-putsch est prévu. Il est également prévu que l’interdiction de paraître dans des lieux de cultes pourra être prononcée par un juge dans le cadre de condamnation pour « provocation à des actes de terrorisme, a la discrimination, la haine ou la violence »
La réforme de l’enseignement à domicile.
Le projet prévoit une restriction de l’instruction à la maison dans son article 21. Les motivations des familles pour l’école à la maison sont très diverses. Le projet prévoit la mise en place d’une demande d’autorisation préalable du rectorat pour instruire les enfants à la maison. Le gouvernement veut réduire le nombre d’élèves, jugé beaucoup trop élevé. Celui-ci aurait triplé entre 2010 et 2020.
Selon le ministère de l’éducation, la fermeture d’écoles coraniques clandestines, composées pour la moitié d’élèves officiellement inscrits en enseignement à domicile, est envisagée. C’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui devra primer et c’est ce qui motiverait ce passage d’un système déclaratoire à un système d’autorisation encadrée.
Cette mesure s’insère dans ce projet de contrôle s’inscrivant dans un but de sécurité contre le radicalisme. L’objet est de s’assurer qu’une éducation laïque et républicaine soit dispensée à tous les enfants afin d’éviter les risques d’endoctrinement des plus jeunes.
Les critiques du projet : Victimes collatérales des mesures restrictives concernant l’école à la maison, la question de la stigmatisation de l’islam, l’inefficacité des mesures envisagées.
Laurence Fournier, porte-parole du collectif L’école est la maison reproche au projet le fait que certaines personnes se retrouvaient donc être des dommages collatéraux de cette lutte contre le radicalisme, notamment dans cette mesure restrictive concernant l’école à la maison.
De plus, il est notamment reproché de faire de la question du voile un sujet principal de la réforme, alors qu’il n’est absolument pas visé par le projet en cours. Des députés LR ont notamment voulu interdire dans les établissements publics d’enseignement supérieur le port de signes religieux. Le but étant l’interdiction du port du voile dans les universités, cette initiative s’est soldée par un échec.
Ce projet est qualifié de “liberté et non de contrainte” qui “ne vise pas les religions en général, ni une religion en particulier” par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Néanmoins, ce n’est pas l’avis de tous et notamment celui de Jean-Luc Mélenchon, qui la définit comme une “loi de stigmatisation des musulmans”.
Alexis Corbière, député de « La France Insoumise » affirme que pour lui ce texte n’ajoute rien de nouveau dans la lutte contre le terrorisme. Il affirme également qu’au contraire, le projet de loi pourrait affaiblir la loi de 1905 sur la laïcité et cela entres autres par le biais de la mesure visant à octroyer le droit aux associations et aux lieux de cultes de pouvoir détenir et exploiter des immeubles de rapport acquis par legs ou dons.
Il ajoute que le gouvernement enfonce des portes ouvertes en interdisant ce qui l’est déjà comme la haine sur internet, et invite plutôt au renforcement de mesures de sécurité préexistantes telles que le système PHAROS. Il ajoute que ce n’est pas à la laïcité de lutter contre le terrorisme, mais aux pouvoirs publics.
Sources :
Chaine YouTube de public sénat « Projet de loi contre le séparatisme : Corbière dénonce un texte « d’affaiblissement de la laïcité »
https://www.ouest-france.fr “projet de loi séparatisme le voile s’invite malgré tout dans les débats.”
https://www.20minutes.fr/ “Projet de loi sur les séparatismes : « L’amalgame entre les fondamentalistes et l’école à la maison est inadmissible », dénoncent des parents ”
https://www.france24.com/ “Projet de loi sur le séparatisme : les députés français lancent les débats”
https://www.vie-publique.fr/ “loi séparatisme confortant le respect des principes de la république”
https://www.lemonde.fr/ “le débat sur le voile en suspens”
https://www.20minutes.fr/ “Projet de loi sur les « séparatismes » : Que va-t-il se passer pour les familles qui ont choisi de faire l’école à la maison ?”