L’impact du numérique sur l’environnement au coeur de l’initiative législative

Selon un sondage Elabe pour BFMTV, l’écologie est un sujet majeur pour les Français avec près de 26% d’entre eux la citant en top 3 de leurs préoccupations. Par ailleurs, ces dernières années ont été marquées par de nombreuses marches pour le climat, par la Convention citoyenne pour le climat, par la condamnation de l’État français dans “l’Affaire du siècle”, ou encore récemment par la COP26. Tous ces événements sont l’illustration parfaite d’une opinion publique favorable à des évolutions en matière de protection de l’environnement.

En parallèle, plusieurs initiatives législatives mettent en lumière une tendance évolutive en matière de politique environnementale. La loi Climat et Résilience, la loi AGEC, et plus récemment, la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

Selon une mission d’information de la Chambre haute, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre en France était de 2% en 2019. Ces émissions pourraient augmenter de 60% d’ici 2040 atteignant 6,7% des émissions totales en France (par comparaison, la part du transport aérien est de 4,7%).

La loi est rédigée autour de trois grands objectifs. Le premier est de former et sensibiliser les citoyens à l’impact environnemental du numérique. Ce volet prévoit notamment une formation à la sobriété numérique des le plus jeune âge et dans l’enseignement supérieur. La création d’un nouvel observatoire des impacts environnementaux du numérique, placé auprès de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et de l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) est également prévue. Enfin, l’intégration d’un module éco-conception sera obligatoire en école d’ingénieurs des la rentrée 2022.

Si l’immatérialité du numérique nous laisse parfois penser qu’il est sans impact sur l’environnement, cette loi vise à sensibiliser les français sur l’existence de tout un secteur bien matériel composé de centres informatiques, de réseaux, de terminaux qui permettent au numérique de subsister. Tous ces éléments ont eux mêmes un impact environnemental non négligeable. 

Le deuxième objectif est de réduire l’empreinte écologique des équipements numériques et de limiter leur renouvellement. L’enjeu pour le législateur est alors de trouver des solutions pour allonger la durée de vie des appareils.

La loi prévoit ainsi de rendre opérationnel le délit d’obsolescence programmée, et de renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle. Il est interdit pour les fabricants de terminaux électroniques de restreindre la liberté du consommateur d’y installer un logiciel ou un système d’exploitation différent à l’issue de la garantie légale de conformité, sauf si cette installation empêche le terminal de se connecter à un réseau téléphonique. De manière similaire, toute restriction à la restauration de l’appareil est interdite. Le texte envisage, en outre, des objectifs contraignants de recyclage, de réemploi et de réparation spécifiques pour certains biens numériques.

Le législateur met l’accent sur la nécessité d’un recours massif aux appareils reconditionnés, et sur l’interdiction de l’obsolescence programmé. La fabrication des terminaux numériques (smartphones, tablettes, ordinateurs…) représente 70% de l’empreinte carbone du numérique en France. Au total, la production et l’utilisation de ces terminaux représente 84% des émissions françaises du numérique. En revanche, la durée de vie moyenne d’un appareil est de vingt trois mois. Partant, on ne peut que déplorer l’incohérence d’un tel modèle. Ces mesures prises par la loi du 15 novembre 2021 visent à contraindre les fabricants d’appareil et plus généralement les principaux acteurs du numérique. En misant sur des mesures volontaristes et éthiques, le législateur tente de faire émerger un nouveau modèle de consommation.

Le troisième objectif vise à inciter les opérateurs de datacenters à intégrer la contrainte environnementale dans leurs choix énergétiques. Cet objectif est notamment permis par le respect de conditions plus sévères à l’obtention du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité applicable aux datacenters. Enfin, la loi prévoit qu’à partir de 2025, les communes et leurs inter-communalités de plus de 50 000 habitants devront élaborer une stratégie numérique responsable.

Le législateur français se place grâce à cette loi parmi les plus avancés en matière de régulation environnementale du numérique. Cette loi du 15 novembre 2021 semble répondre avec finesse aux enjeux de l’impact du numérique sur l’environnement.

En misant sur la formation et la sensibilisation des français, le législateur fait le choix d’une solution éducative et sociétale qui dépasse le droit. Par ailleurs, en proposant une lutte contre l’obsolescence programmée et un recours aux appareils reconditionnés, le législateur tente de modifier nos comportements et notre mode de consommation. On ne peut que souligner de telles propositions, qui satisfont les enjeux de la protection de l’environnement qui passe aussi bien par la régulation que par des évolutions de nos habitudes. 

Cette loi confronte deux des principales problématiques du 21e siècle, le numérique et la protection de l’environnement. Elle nous pousse à nous interroger en tant que consommateur et en tant que citoyen sur nos capacités à limiter, ou en tout cas à repenser nos usages du numérique pour le bien de la planète ?

Sources :

https://info.haas-avocats.com/droit-digital/le-droit-au-secours-de-lempreinte-environnementale-du-numerique – Gérard Haas, Anne Charlotte Andrieux et Virgile Servant-Volquin, publié le 29 novembre 2021
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFSCTA000044327275 – JORFF, publié le 16 novembre 2021
https://www.vie-publique.fr/loi/278056-loi-15-novembre2021-reen-reduire-empreinte-environnementale-du-numerique – publié le 16 novembre 2021