En juillet 2021, un rapport a été remis au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) relatif aux métadonnées et aux photographies exposant les difficultés et les possibles solutions en la matière.
Que sont les métadonnées liées aux photographies ?
Ce sont « des informations sous forme de texte qui sont embarquées dans le fichier numérique accueillant l’image et qui ont vocation à circuler avec elle sur internet ». Les métadonnées sont un assemblage de champs IPTC (International Press Telecommunications Council) permettant de renseigner de nombreuses informations relatives aux photographies, comme par exemple le nom de l’auteur, le nom du titulaire des droits, la date et le lieu de la prise de la photographie, des paramètres techniques, la description de la photographie, certaines restrictions et bien d’autres informations. Ces informations sont disponibles en dehors de tout logiciel. Elles sont donc des informations dites embarquées. Désormais, la norme XMP (Extensible Metadata Platform) remplace l’IPTC permettant de stocker davantage d’informations et de plus en plus variées.
A quoi servent les métadonnées ?
Du point de vue de la propriété littéraire et artistique, les métadonnées ont de nombreux avantages et utilités. Tout d’abord, toute personne souhaitant utiliser une photographie peut assez facilement obtenir le nom du titulaire des droits afin de lui demander une autorisation d’utilisation, d’où l’importance de connaitre leurs utilités et de bien renseigner ces informations. En cas d’utilisation non autorisée, il est possible d’évaluer le volume de la contrefaçon et donc le montant des dommages-intérêts.
De plus, elles permettent de retracer le parcours de l’œuvre afin de savoir qui l’utilise et ainsi de savoir si une utilisation illégale existe. Cela permet également de mesurer le volume des redevances dues au titulaire de l’œuvre en cas d’utilisation non autorisée à condition que la rémunération soit proportionnelle.
Par ailleurs, les métadonnées permettent de savoir si la photographie est une œuvre orpheline (sauf pour les photographies et autres images fixes qui sont des œuvres indépendantes), permettent de renseigner sur la numérotation des différents exemplaires de l’œuvre, de vérifier si le droit de paternité et le droit au respect de l’œuvre n’ont pas été bafoués puisque pour ce dernier une comparaison du contenu de l’œuvre est opérée par les métadonnées, et enfin de vérifier si les modalités de divulgation de l’œuvre ont été respectées.
D’un point de vue extérieur au droit de la propriété littéraire et artistique, les métadonnées existent afin de « classer et archiver les photographies », permettent de lutter contre les fake news puisqu’il est possible de savoir si le contenu a été modifié et garantissent enfin une meilleure accessibilité à l’œuvre pour tout internaute.
Que prévoit le droit positif en la matière ?
Avant d’établir le droit actuel, il convient de rappeler que les métadonnées font partie de ce que l’on appelle des mesures techniques d’information. Le droit est assez complet puisqu’il comporte des dispositions générales relatives aux mesures techniques d’information et plus généralement aux œuvres de l’esprit et des dispositions conventionnelles comme par exemple celles issues des conventions-cadres entre l’État et les entreprises de presse.
L’article L. 131-9 du Code de la propriété intellectuelle pose un premier élément du régime légal. Il est possible d’en comprendre que tout exploitant (« producteur ») souhaitant utiliser les mesures d’information liées à une image fixe, comme une photographie, doit obtenir en amont l’autorisation du titulaire de droits.
L’article L. 311-11 du même code prévoit quant à lui que le régime de la contrefaçon s’appliquera en cas de modification ou de suppression des métadonnées. La doctrine parle de « para-contrefaçon » puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une représentation ou d’une reproduction non autorisée de l’œuvre de l’esprit. Mais pour davantage de protection les métadonnées sont protégées au même titre que l’œuvre.
Le droit pénal prévoit des sanctions pénales en cas de violation des mesures d’information tandis que le Code de la propriété intellectuelle prévoit des sanctions civiles.
Les métadonnées permettent donc de protéger les œuvres de toute contrefaçon et ainsi de mieux conserver les droits des auteurs de ces œuvres. Sans cette protection, ils seraient découragés de créer ou encore d’utiliser Internet pour permettre l’accessibilité de leurs œuvres à tous.
Quels sont les problèmes relatifs aux métadonnées et aux photographies ?
En amont, un problème peut être soulevé quand à l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 qui impose aux plateformes de fournir leurs « meilleurs efforts pour conclure des contrats avec les titulaires de droits et rendre indisponibles les œuvres dont la diffusion n’a pas été autorisée », tandis qu’il impose aux titulaires de droits d’apporter aux plateformes « des informations pertinentes et nécessaires » sur leurs œuvres. Mais le problème est que les métadonnées apportent déjà ces informations. Par conséquent, les titulaires de droits ne peuvent pas déroger à cette obligation, ce qui n’est pas toujours le cas des plateformes. Par conséquent, il existe un déséquilibre entre ces deux acteurs, au profit des plateformes.
Par ailleurs, il existe un problème lié au phénomène de l’écrasement des photographies. Ce phénomène signifie que la photographie va perdre de ses métadonnées quand elle circule sur internet. Il s’agit d’une suppression des informations. Ainsi, le rôle des métadonnées est réduit. Une étude de la société Imatag démontre qu’il existe une suppression de certaines métadonnées sur quelques sites de presse et réseaux sociaux. Il existe plusieurs raisons pour expliquer cette suppression, à savoir que cela réduit la taille du fichier pour plus de fluidité dans les transferts. Pourtant cet argument peut être balayé facilement puisque les capacités de bande passante sont aujourd’hui plus développées, permettant ainsi de supporter des métadonnées plus lourdes. Il s’agit donc d’une contrefaçon et d’une atteinte aux œuvres.
De plus, l’arsenal juridique ne permet pas de lutter activement contre cet effet d’écrasement des métadonnées bien que les articles L. 331-11, L. 335-3-2 et L. 335-4-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoient des sanctions pénales et civiles. Le manque d’efficacité de ces dispositions s’explique, premièrement, par le fait qu’il est nécessaire de saisir le juge afin qu’il prononce des sanctions, or les titulaires de droits n’osent pas se lancer dans une procédure judiciaire contre les éditeurs de presse par peur que ces derniers, également clients, renoncent aux services proposés. Deuxièmement, bien que les entreprises de presse aient conclu des conventions-cadres avec l’État français précisant qu’en cas d’écrasement ce dernier n’apporterait plus son soutien financier, le ministre de la Culture est le seul qui peut prononcer ces sanctions et il ne l’a jamais fait, possiblement par peur d’affaiblir davantage le secteur de la presse.
Quelles solutions seraient envisageables ?
Le professeur Tristan Azzi de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne explique qu’il revient aux éditeurs de presse et aux plateformes de respecter leurs obligations et de ne plus écraser les métadonnées. Mais pour cela, il faudrait que des sanctions soient appliquées en cas de non-respect, sinon aucune efficacité ne pourra apparaître.
Il serait également possible pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) d’agir en effectuant par exemple des « actions de sensibilisation et de prévention, recommandations, guides de bonnes pratiques, modèles, clauses types, codes de conduite, etc. ».
Il serait aussi préférable de faciliter la mise en œuvre des sanctions puisqu’il est aujourd’hui nécessaire que la violation ait été commise « sciemment » et « dans le but de porter atteinte à un droit d’auteur [ou voisin], de dissimuler ou de faciliter une telle atteinte » selon les articles L. 335-3-2 et L. 335-4-2 du Code de la propriété intellectuelle. Il y a un alourdissement des conditions, ce qui ne permet pas de sanction aussi facilement que ce qui serait nécessaire. Il faudrait alléger l’élément moral de l’infraction pour plus de résultat.
Sources :
– Tristan AZZI, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Dalloz IP/IT 2021 p.645, « Les métadonnées relatives aux photographies : enjeux et perspectives », Observations sous CSPLA, Rapport sur les métadonnées liées aux images fixes, juillet 2021.
– Ministère de la Culture, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Rapport de mission « Les métadonnées liées aux images fixes », 5 juillet 2021.
– The Mag, 2020, « Vers la protection des images par les métadonnées »