Depuis son lancement, la plateforme Molotov ne cesse d’être en conflit avec les autres acteurs de l’audiovisuel français, notamment avec le groupe TF1 et le groupe M6 contre qui elle vient d’être condamnée.
Présentation de la plateforme Molotov
Créée par des anciens de TF1, Canal+ et Allociné, Molotov a vu le jour le 11 juillet 2016 avec pour ambition de révolutionner la télévision en proposant une plateforme moderne et inédite dans l’hexagone. Ainsi, depuis sa création, Molotov permet à ses utilisateurs de regarder les chaînes de télévisions françaises directement sur son application qui est disponible sur de nombreux écrans comme les télévisions connectées, les smartphones ou même les tablettes. A l’image d’un service de vidéos à la demande par abonnement, les programmes sont divisés en différentes catégories, par genres, par acteurs et par types. En outre, à l’instar de Netflix, il est possible de visionner des contenus sur différents écrans et chaque membre de la famille dispose de son propre profil. L’offre de base permet l’accès à 36 chaînes, tandis que des offres payantes sans engagement permettent le visionnage de 164 chaînes. Depuis 2016, Molotov s’est aussi étendue à l’internationale et est disponible dans tous les pays membres de l’Union Européenne mais aussi en Norvège et en Islande. Cette expansion a connu une dimension plus internationale en 2021 avec l’arrivée de la plateforme en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou bien aussi en Tunisie. Le prochain objectif pour Molotov est de développer des versions locales de son offre dans les pays dans lesquels elle est accessible.
Cependant la plateforme, qui compte à présent plus de 17 millions d’utilisateurs à travers le monde, dont 250 000 abonnés à ses offres payantes, est très régulièrement en litige avec les autres acteurs de l’audiovisuel français.
Le conflit avec le groupe M6 : condamnation de Molotov pour contrefaçon et parasitisme
Molotov est notamment en conflit avec le groupe M6, avec qui les hostilités ont débuté en 2018. En effet, le contrat de distribution entre les 2 sociétés a expiré le 31 mars 2018. A la suite de cette expiration, le groupe M6 avait effectué plusieurs requêtes au service en ligne comme le paiement d’une rémunération pour la diffusion de ses chaînes gratuites, ainsi que de bloquer l’avance rapide sur les programmes enregistrés sur ces dernières. Face à ces exigences, Molotov a alors alerté le CSA, la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence et a multiplié les poursuites judiciaires à l’encontre de M6, estimant que le groupe faisait preuve de pratiques restrictives de concurrence. De surcroît, la plateforme a continué à diffuser les chaînes du groupe et ce malgré l’expiration du contrat de distribution.
C’est dans ce contexte que le 7 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné Molotov pour contrefaçon et parasitisme. Par ailleurs, le juge judiciaire a condamné la plateforme à payer 7 millions d’euros au groupe M6 et lui a imposé d’arrêter la diffusion des chaînes de ce dernier.
A la suite de cette condamnation, Molotov et le groupe M6 ont conclu un nouvel accord. La plateforme dispose à présent de l’autorisation de diffusion des chaînes du groupe, mais seulement dans le cadre de son offre payante. Il n’est donc plus possible pour un utilisateur de Molotov de visionner, entre autres, M6, 6ter ou encore Gulli, s’il n’est pas abonné à une offre telle que Molotov Plus, accessible pour 3,99 euros par mois. Un abonné pourra aussi bénéficier du replay, des bonus et la fonction d’enregistrement dans le cloud des chaînes du groupe M6.
Nouvelle condamnation de Molotov à l’encontre du groupe TF1
Parallèlement, Molotov a connu de nombreux conflits avec le groupe TF1. Elle l’avait notamment accusé de rupture contractuelle abusive en 2019. En effet, dans la nuit du 1er juillet, TF1 lui avait coupé l’accès de ses chaînes, estimant qu’il y avait eu une rupture de contrat suite aux retards de paiement successifs de la part de Molotov. De plus, le groupe TF1 souhaitait augmenter la facture annuelle de la plateforme à 5 millions d’euros par an, contre 1,5 millions précédemment. En situation de crise, le service en ligne avait rétabli la diffusion des chaînes du groupe alors même que le contrat de distribution avait pris fin, ce qui lui avait valu une assignation de la part de la société appartenant au groupe Bouygues. Ce dernier estimait que Molotov était coupable de contrefaçon de marque mais aussi de violation de droits voisins. De plus, le groupe lui avait réclamé des indemnités de près de 8 millions d’euros.
Comme pour l’affaire avec le groupe M6, le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement en faveur du groupe TF1. En effet, dans une décision rendu le vendredi 7 janvier 2022, le juge judiciaire a condamné la plateforme à payer 8,5 millions de dommages et intérêt au groupe TF1 pour contrefaçon et lui a ordonné de cesser la diffusion des chaînes du groupe dans un délai de 15 jours. Si Molotov ne le respectait pas, la plateforme serait tenu de payer 75 000 euros par jour de retard.
Molotov espère à présent trouver un terrain d’entente avec le groupe TF1 qui permettrait la conclusion d’un nouveau contrat de diffusion, comme ce fut le cas avec le groupe M6. Néanmoins, si un contrat similaire venait à être signé, c’est-à-dire une convention qui impliquerait la diffusion des chaînes du groupe TF1 uniquement dans les offres payantes de la plateforme, l’attractivité de Molotov pour le consommateur serait questionnable. C’est ainsi que la plateforme déclare vouloir alerter les pouvoir publics sur l’attitude du groupe TF1 qu’elle considère dangereuse pour la gratuité d’accès à ses chaînes « dites gratuites » auprès de millions d’utilisateurs. De plus, Molotov s’inquiète des conséquences du projet de fusion du groupe TF1 avec le groupe M6, notamment parce qu’il compromettrait la gratuité d’accès à des chaînes essentielles pour les téléspectateurs, remettant en cause le principe de pluralisme, d’autant plus important dans cette année d’élection présidentielle.
Sources
ESCANDE (P.), « Même américaine, Molotov TV fait face à une concurrence redoutable », Le Monde, publié le 12 novembre 2021
GALTIER (L.), « La plateforme Molotov condamnée à verser 7 millions d’euros à M6 », Pure Médias, publié le 8 décembre 2021
GOURLIN (T.), « Molotov : voici pourquoi vous ne pourrez plus y regarder M6, W9 et 6ter », FRANDROID, publié le 8 décembre 2021
MEFFRE (B.), « Molotov condamnée à verser 8,5 millions d’euros au groupe TF1 et à cesser de diffuser ses chaînes », Pure Médias, publié le 10 janvier 2022
MERTENS (J.), « Molotov TV : La plateforme de streaming française se lance à l’international », 20 minutes, publié le 15 janvier 2021
MOUSSIE (S.), « Molotov trouve un accord avec M6 : les chaînes du groupe réservées aux offres payantes », iGeneration, publié le 17 décembre 2021
VITT (R.), « Molotov : après les condamnations de M6 et TF1 quel avenir pour l’application TV ? », Presse Citron, publié le 12 janvier 2022
ZOLTOBRODA (M.), « La plate-forme française Molotov condamnée à verser 7 millions d’euros à M6 », Le Parisien, publié le 7 décembre 2021