La protection de la vie privée face au traçage sur Internet
En quelques années, les géants du numérique ont été à l’origine d’un bouleversement économique mais aussi social aux conséquences directes sur nos vies. Nous les avons intégrés à nos habitudes, ils sont devenus pour beaucoup d’entre nous des outils indispensables à la réalisation de diverses taches du quotidien. Ils sont aussi bien primordiaux dans la sphère professionnelle que dans la sphère personnelle.
Nous éprouvons à leur égard beaucoup de fascination, mais paradoxalement, beaucoup de défiance sans doute issue d’une incompréhension générale de leur fonctionnement. Ce mélange d’impressions contradictoires fait naitre un vif débat concernant l’impact de cette technologie sur nos droits et libertés les plus fondamentales.
Au cœur du débat, se trouve notamment le respect de la vie privée, méconnue au profit de techniques commerciales visant à individualiser et à cibler la publicité sur Internet. Pour mener à bien cette course aux profits, les entreprises ont recours au traçage de l’internaute, permis en outre par les « cookies ».
A cet égard, la Commission Nationale Informatique et Libertés a prononcé, au début du mois de janvier 2022 une sanction à l’égard de Google et Facebook pour non respect du droit à la vie privée sur les fondements de la directive 2002/58/CE modifiée en 2009 et du RGPD (Règlement Européen Général sur la Protection des Données). L’autorité reprochait notamment aux deux entreprises de ne pas permettre aux utilisateurs de rejeter facilement les technologies de traçage publicitaire. Sujets de vives critiques, les cookies préoccupent aussi bien les internautes que les pouvoirs publics lorsqu’ils tentent d’élaborer une réglementation. En outre, selon le cabinet eMarketer, 28,6% du marché publicitaire numérique mondial en 2021 est détenu par Google.
La fin des cookies : le début d’une nouvelle ère ?
Dans ce contexte, le 25 janvier 2022, Google a publié son projet « Topics » qui devrait voir le jour à la fin de l’année 2023 en remplaçant les cookies. Il s’agit d’un nouveau système dans lequel l’internaute a la main sur son profil publicitaire par le biais du navigateur Google Chrome. Le navigateur identifierait des thèmes « représentatifs des principaux centres d’intérêt » de l’internaute « pour une semaine donnée, tels que fitness ou voyages, en fonction de l’historique de navigation » a annoncé l’entreprise. Ces thèmes seraient « gardés en mémoire » sur l’appareil utilisé, et non plus sur les serveurs de Google pour permettre de générer d’éventuelles publicités ciblées « pendant seulement trois semaines, avant qu’elles soient supprimées », a précisé Google.
Ce système fonctionne toujours grâce à l’établissement d’un lien entre les internautes et leur centres d’intérêts; néanmoins le ciblage semble plus large. Par ailleurs, l’internaute a un accès direct aux Topics référencés et peut décider de les supprimer, de les modifier et même de totalement désactiver la fonctionnalité. Ce système semble plus transparent, et permet un réel contrôle aux mains de l’internaute.
Ce n’est pas la première fois que l’enseigne tente d’imaginer une alternative aux cookies. En février 2021, un système « FLoc » pour Federated Learning of Cohorts (peut se traduire par foule, troupeau) avait été rendu public. Ce système reposait sur du ciblage groupé, un ciblage de « foule », de « troupeau » remplaçant le système de cookies qui repose sur un ciblage individuel.
Il avait été jugé, notamment par l’autorité de la Concurrence britannique comme irrespectueux des droits et libertés. Le système aurait permis le référencement d’un si grand nombre de « cohorts », qu’il serait devenu plus intrusif que le système des cookies.
La tentative habile de Google pour redorer son image et renforcer son positionnement
Le risque pour l’entreprise étant de perdre la confiance de l’internaute, elle continue de proposer de nouveaux systèmes, d’imaginer des solutions qui lui permettrait de séduire l’opinion publique.
Ces propositions sont stratégiques. Dans un premier temps Google souhaite renouveler ses pratiques, les moderniser, les rendre plus conformes aux droits et libertés fondamentales pour ne plus être au cœur de controverses médiatiques. Dans un second temps, cette initiative dont il est précurseur, pourrait certainement lui garantir d’imposer son propre système qui viendrait remplacer le système actuel des cookies.
L’autorité de la concurrence britannique s’est d’ailleurs penché sur ce projet, et a décidé d’ouvrir une enquête afin de vérifier que les propositions de l’entreprise n’entraînent pas « une concentration encore plus importante des dépenses publicitaires sur l’écosystème de Google au détriment de ses concurrents ».
L’initiative de Google démontre une volonté de moderniser le système actuel. Néanmoins, il est important de s’interroger sur la finalité de ces changements. L’intérêt de l’internaute est il réellement au cœur des préoccupations de Google ?
Sources :
LeMonde.fr : « Google présente son nouveau système destiné à mettre fin aux cookies publicitaires »
GoogleBlog.fr : « Get to know the new Topics API for Privacy Sandbox »