Le 3 novembre 2021, Bruno Studer accompagné d’autres députés de La République En Marche ont déposé une proposition de loi « visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à Internet ». Cette proposition de loi devrait être débattue en 2022 à l’Assemblée Nationale. Pour rappel une proposition de loi émane du législatif, c’est-à-dire du Parlement, tandis qu’un projet de loi émane de l’exécutif donc du Gouvernement.
Certains pourraient y voir une atteinte dans la vie privée des enfants, mais les chiffres sont assez inquiétants : selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et un sondage de l’Institut français d’opinion publique (IFOP), « 82% des enfants de 10 à 14 ans indiquent aller régulièrement sur Internet sans leurs parents » et « 70% des mineurs interrogés expliquent regarder seuls des vidéos sur Internet ». Seulement « 46% des parents de jeunes âgés entre 8 et 17 ans ont mis en place des solutions pour suivre l’activité de leur enfant sur Internet ».
Face à ces données, le but de la proposition de loi est de responsabiliser les parents et protéger les mineurs qui utilisent Internet. En effet, ces derniers peuvent facilement tomber sur des contenus inappropriés pour eux, notamment sur des vidéos pornographiques. Fin 2019, lors de son discours à l’Unesco, Emmanuel Macron avait d’ailleurs expliqué vouloir « lutter contre l’exposition des mineurs aux vidéos pornographiques ». Selon un sondage OpinionWay de 2018, « à 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à la pornographie ».
Apports de la proposition de loi du 3 novembre 2021 et arsenal juridique en vigueur
En France, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) oblige déjà les fournisseurs d’accès à Internet à informer et à offrir aux abonnés des outils du contrôle parental. L’objectif de la proposition de loi, si elle est adoptée, sera d’obliger tous les fabricants d’objets connectés comme les smartphones, les ordinateurs ou encore les consoles, d’installer un système de contrôle parental gratuit. Ce dernier ne s’activera pas automatiquement, de sorte qu’il reviendra aux parents de l’activer pour leurs enfants. Si cette proposition de loi est adoptée, l’Agence nationale des fréquences sera en charge de contrôler ces nouvelles obligations des constructeurs.
Le législateur protège également les mineurs sur Internet grâce à la loi pénale et aux sanctions qui en découlent, notamment avec les articles L.227-22 et suivants du Code pénal. Il accentue cette lutte en renforçant les peines prévues par le Code pénal lorsque les infractions sont commises par un réseau de télécommunications.
Par ailleurs, pour renforcer la protection des mineurs, la LCEN prévoit que même si les fournisseurs d’accès à Internet et les intermédiaires techniques, dont les hébergeurs, n’ont pas d’obligation générale de surveillance des contenus qu’ils transmettent ou stockent, ils doivent mettre en place des dispositifs permettant à tout utilisateur de signaler des contenus illicites. Ces contenus devront ensuite être rendus inaccessibles sinon le juge judiciaire pourra être saisi afin de retirer ces contenus.
De plus, au niveau de l’éducation nationale, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République contraint les enseignants de sensibiliser les élèves sur les droits et devoirs liés à l’utilisation d’Internet et des réseaux.
Des sites web comme l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication permettent d’informer et de signaler des contenus illicites ou encore la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS) est un site permettant de signaler des comportements et contenus illicites en ligne.
Echo à l’adoption d’une loi visant à encadrer la pratique des enfants « influenceurs »
Le 6 octobre 2020, le Parlement avait adopté une proposition de loi qui encadre la pratique des enfants « influenceurs ». Il s’agissait ici aussi d’une évolution relative aux enfants et à Internet. Désormais, la loi réglemente les vidéos des mineurs de moins de 16 ans diffusées sur Internet, notamment en mettant en place un encadrement relatif aux horaires et aux revenus. Un des problèmes majeurs était que les revenus étaient perçus par les parents, qui pouvaient profiter de l’activité de leurs enfants pour arrêter leur profession puisqu’ils pouvaient parfois percevoir jusqu’à 150 000 euros par mois. Depuis la mise en place de cette loi, si la relation de travail est avérée, le dispositif relatif aux enfants du spectacle et aux enfants mannequins s’appliquera. Les rémunérations seront placées auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à la majorité de l’enfant. Si la relation de travail n’est pas établie, la loi prévoit une déclaration du temps consacré aux vidéos et une déclaration des revenus qui en découlent.
Par ailleurs, un droit à l’oubli est mis en place c’est-à-dire que tout enfant concerné peut demander à la plateforme de retirer les vidéos et les plateformes de partage de vidéos sont amenées à effectuer davantage de contrôle pour éviter toute exploitation commerciale des enfants.
Sources :
• Pauline CROQUET, « Une nouvelle proposition de loi vise à renforcer l’usage du contrôle parental sur Internet », Le Monde, 12 novembre 2021
• « Le Parlement adopte à l’unanimité une loi pour encadrer la pratique des enfants « influenceurs » », Le Monde avec AFP, 6 octobre 2020
• « Exposition des mineurs au porno : une loi pour un contrôle parental par défaut sur les smartphones », Ouest France, 12 novembre 2021
• « Porno en ligne : une loi pour proposer le contrôle parental par défaut sur les smartphones », RTL, 12 novembre 2021
• Jeprotegemonenfant.gouv.fr
• Murielle CAHEN, « La protection des mineurs sur Internet », décembre 2019