L’heure de l’euro numérique a t-elle sonné ?

Une évolution certaine de la monnaie

Selon la Banque de France, en 2020 le nombre de transactions sans contact a augmenté de 65% par rapport à 2019. Cette augmentation, bien que principalement due à la crise sanitaire, permet d’illustrer l’évolution de nos modes de vie et le bouleversement inéluctable qu’entraine le progrès technique au sein de notre système monétaire.

Qu’il s’agisse des monnaies virtuelles, ou d’un recours de plus en plus fréquent à de nouveaux modes de paiements privés et indépendants, le constat est le même, le progrès numérique est un puissant outil difficilement prévisible auquel il convient de s’adapter au risque de se trouver noyé dans l’immense vague du progrès.

Face à ces évolutions, les banques centrales étatiques s’interrogent de plus en plus sur la pertinence d’une monnaie numérique. D’après la Banque des règlements internationaux, 80 % des banques centrales de la planète étudient la possibilité de créer une monnaie numérique. La Chine est pionnière puisqu’elle devrait en 2022 mettre en place le Yuan numérique. On parle alors de monnaie digitale de banque centrale. La banque centrale européenne n’échappe pas à cette tendance, elle lance en juillet 2021, le projet d’euro numérique pour 2026.

Cet euro digital ferait prendre une forme électronique à la monnaie de la Banque Centrale Européenne. Il serait envisagé que chaque ressortissant européen puisse déposer cette monnaie auprès de la Banque centrale dont l’accès est jusqu’ici réservé aux banques commerciales.

A l’origine, deux des principales missions d’une banque centrale sont la stabilisation du système financier, et la création de la monnaie. De nos jours, ces missions deviennent obsolètes. De nombreux systèmes de paiement indépendants voient le jour, de nombreuses monnaies virtuelles  échappant à tout contrôle étatique s’imposent et la monnaie fiduciaire n’est plus le premier moyen de paiement.

Christine Lagarde, présidente de la banque centrale européenne explique relativement à l’euro numérique « Le but de nos travaux est de veiller à ce que, à l’ère numérique, les ménages et les entreprises aient toujours accès à la forme de monnaie la plus sûre : la monnaie de banque centrale ». L’objectif est de combiner l’efficacité d’un moyen de paiement numérique, et la sécurité d’une monnaie de banque centrale.

Des enjeux difficiles à appréhender

L’enjeu d’une monnaie digitale de banque centrale est alors de s’imposer dans la vague du progrès pour maintenir la souveraineté monétaire des Etats sans porter atteinte au système bancaire actuel des banques commerciales.

En effet, si une banque centrale se met à proposer et émettre un équivalent numérique aux espèces et un compte pour les stocker directement, que vont devenir les banques commerciales qui vivent des dépôts clients. L’essentiel des euros que nous détenons aujourd’hui sur nos comptes et livrets d’épargne sont créés par les banques commerciales, par le jeu du crédit. Les monnaies numériques de banque centrale, elles, seraient l’équivalent des billets directement imprimés par les instituts monétaires étatiques. Elles pourraient être détenues directement par ces derniers, en contournant les banques commerciales. D’autres préoccupations sont au coeur du projet, notamment les enjeux de protection de la vie privée.

En revanche, l’euro numérique permettrait de nombreuses évolutions dans le quotidien des ressortissants de la zone euro. Celui-ci permettrait notamment d’accroitre la sécurité des paiements dématerialisés qui ne seraient plus émis hors de l’Europe.

Les questions que l’on peut soulever, sont ainsi de savoir comment l’euro numérique pourrait s’imposer face au succès des crypto-monnaies. Par ailleurs, comment pourrait-on un imaginer un système monétaire qui porterait autant préjudice aux banques commerciales, puissances incontournables de notre système économique.