Avec l’émergence des services de médias audiovisuels tels que Netflix, Amazon Prime ou encore Disney +, la chronologie des médias se retrouve bouleversée. Les consommateurs veulent avoir la capacité de voir les films rapidement après leur sortie au cinéma, internet offrant cette capacité, il devient ardu pour le législateur d’opérer un juste équilibre entre les sorties en salles, en DVD, sur les chaînes de télévision payantes et enfin… sur les plateformes de streaming payant.
De récentes avancées sont apparues quand à de nouvelles réformes de cette chronologie des médias, notamment avec la directive SMA (Services de Médias Audiovisuels) qui offre la possibilité aux Etats-Membres de légiférer par eux-mêmes cette chronologie.
La chronologie des médias
La chronologie des médias peut se définir comme les règles établissant les successions de diffusion des films selon les moyens de communications, ce après leur diffusion au cinéma.
Initialement créée pour protéger le cinéma qui perdait en public avec l’avènement de la télévision, les règles se sont précisées au film du temps en prenant en compte la possibilité d’acheter des films en format physique (via la cassette et le DVD), mais aussi avec la diffusion de ces films sur les chaînes de télévision payantes et gratuites et enfin avec l’explosion des plateformes de diffusion streaming comme Netflix qui ont encore joué un rôle dans les changements liés à la chronologie des médias.
Depuis le 21 décembre 2018 un ordre était établi, prenant notamment en compte que les chaînes de télévision payante possédant des accords avec les organisations du cinéma devaient attendre 8 mois après la sortie en salle afin de pouvoir diffuser les films et que les services de médias audiovisuels de type Netflix devaient attendre 36 mois pour avoir accès à la diffusion de ces films.
Avec le monde en perpétuel mouvement et en perpétuel besoin de renouvellement qu’est internet, les acteurs de diffusion des œuvres cinématographiques ont commencé à vouloir changer cette fameuse chronologie des médias. Suivant les plateformes de streaming qui estimaient que 3 années étaient trop longues pour qu’elles puissent diffuser les films, l’acteur historique de la diffusion de films en première place après leur sortie au Cinéma, Canal +, a annoncé sa volonté de changer lui aussi le temps qui lui était consacré dans la chronologie des médias afin de toujours faire compétitivité aux nouvelles plateformes en ligne.
Les différents accords trouvés et en voie d’être trouvés
Une nouvelle chronologie prochaine
Canal +, premier diffuseur du Cinéma français depuis sa création en 1984, soucieux de ne plus avoir son avantage quant aux nouvelles plateformes en ligne, a réussi à signer un accord avec les organisations du cinéma passant d’une attente de 8 mois après la sortie du film en salles, à seulement 6 mois. Mais cet accord, pouvant se prolonger jusqu’en 2024 au moins, prévoit un « investissement garanti de plus de 600 millions d’euros pour les trois prochaines années dans le cinéma français et européen pour Canal+ et Ciné+ » selon un communiqué, soit 200 millions d’euros par an en faveur d’un investissement du cinéma français de la part de Canal +.
Comme le prévoit la transposition de la directive SMA, des accords ont aussi été réalisés entre les plateformes des diffusion de films en streaming et les organisations de cinéma, passant de 36 mois après la diffusion du film à 15 mois, ce qui est légèrement supérieur aux 12 mois prévus initialement mais dont le délai était perçu comme trop court par Canal +.
Dans un communiqué, partagé le 9 décembre, le CSA a annoncé la fin des négociations et l’intégration des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) au système français de financement de la création.
“Dans un contexte de mutation profonde de l’offre audiovisuelle et d’un accès croissant aux œuvres à la demande et par voie délinéarisée, ces conventions et notifications confirment l’inscription concrète de grands acteurs internationaux dans l’industrie audiovisuelle et cinématographique.”
Le dispositif prévoit notamment la participation des SMAD concernés à hauteur de 20% de leur chiffre d’affaire en France pour les services par abonnement, dont 80% sont consacrés à la production audiovisuelle, et 20% à la production cinématographique. A noter que le montant total attendu des contributions à la production audiovisuelle et cinématographique devrait se situer en année pleine dans une fourchette de 250 à 300 millions d’euros.
Une nouvelle chronologie contestable au vu des supports numériques
De tels changements dans la chronologie des médias paraissent profitables aux services de médias audiovisuels tels que Netflix, Amazon Prime ou encore Disney +, reste à savoir si à l’avenir elles vont « jouer le jeu ». Cette chronologie des médias s’appuie sur la protection des salles de cinéma et des bénéfices qui peuvent en être retirés, mais qu’en serait-il si les studios de production arrêtaient de passer les films en salles de cinéma pour se consacrer uniquement au streaming ?
L’entreprise Disney envisage notamment de diffuser ses films uniquement par le biais du streaming en France afin de contourner la chronologie des médias, une telle stratégie lui serait profitable mais dégraderait l’état des entrées au cinéma en France. Ce studio possède notamment les franchises Marvel, Star Wars et continue de produire des films pour enfants : Avengers Endgame a attiré près de 7 millions de français en salles, Star Wars IX près de 6 millions. L’entreprise aux oreilles de souris pourrait causer du tort aux salles de cinéma français, un manque à gagner serait à noter en cas de telle stratégie.
Le gouvernement français tente de fournir des efforts en conciliant les intérêts de chacun, notamment au prisme de l’accélération du numérique dans la vie des individus, reste à savoir si cette chronologie des médias sera respectée et si les plateformes de streaming ne tenteront pas de la contourner pour leur propre intérêt. Dans un tel cas, le législateur prendra-t-il des mesures afin de protéger d’autant plus les salles de cinéma du streaming ?
Sources :
- “Canal + fait la paix avec le cinéma français“, Nicolas Madeleine, Les échos, 2 décembre 2021.
- “Canal + et le cinéma français s’accordent sur la chronologie des médias“, source AFP, Le point, 2 décembre 2021.
- “La transposition de la directive SMA révisée : quelles conséquences pour les acteurs de l’audiovisuel ?“, Bernard Chaussegros, Entreprendre.fr, 12 juillet 2021.
- “Cinéma : une nouvelle chronologie des médias en France pour 2022 ?“, Valentin Cimino, siecledigital.fr, 7 décembre 2021.
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“Netflix, Disney+, Prime Video : combien vont-elles investir dans le cinéma français ?“, Julie Hay, journaldugeek.com, 13 décembre 2021
- “Le régulateur intègre les principaux #SMAD internationaux au système français de financement de la #création”, Twitter du CSA, 9 décembre 2021