PayPal : Vers une privatisation de la lutte contre les fausses informations ?

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Dans le cadre d’un partenariat, cet article a également été publié sur le site internet du média Les Surligneurs.

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Le 10 octobre dernier, une modification des conditions d’utilisation de PayPal, peu mise en avant par la firme américaine, fût mise en lumière par The Daily Wire, un média américain, et des utilisateurs sur Twitter. Cette modification porte sur le régime de sanctions que PayPal impose à ses utilisateurs.

Un régime de sanctions financières imposé par PayPal

Ce n’est pas nouveau, PayPal prévoit des restrictions pour certaines activités, pour la plupart illégales ou portant sur des marchés réglementés comme celui des armes, de l’alcool ou du tabac. Dans un chapitre intitulé « ACTIVITÉS INTERDITES ET SUSPENSIONS », un sous-chapitre, intitulé « mesures que nous pourrons prendre si vous vous engagez dans des activités interdites », prévoit un régime de sanctions financières en cas d’activité illicite ou d’activité contraire aux conditions d’utilisation du site. Il est en effet mentionné que PayPal pourra saisir la somme de 2 500 $ (ou équivalent) directement sur le compte PayPal d’un utilisateur lorsque celui-ci contrevient aux conditions d’utilisation. La firme américaine estime que c’est le montant du dommage qu’elle subit.

La mise à jour de ces conditions d’utilisation début octobre rajoute une sanction portant sur le financement de fausses informations.

PayPal, par cette mesure, se place en policier de la liberté d’expression sur Internet. En effet, l’entreprise privée, démunie de toute prérogative publique, s’octroie le droit d’infliger ce que l’on pourrait assimiler à une peine d’amende à ses utilisateurs. L’entreprise est restée évasive sur la condition de mise en place de cette sanction. Effectivement, nul ne sait si une condamnation pénale préalable était requise. Cependant dans ses conditions d’utilisation, l’entreprise affirme que c’est par le jeu de la responsabilité que cette somme peut être prélevée, cela étant considéré comme un dédommagement de PayPal.

L’indignation des internautes qui force une marche arrière de l’entreprise

Cette révélation du média américain n’a pas laissé les internautes indifférents, en effet PayPal s’est vu extrêmement critiqué pour sa mesure. Des utilisateurs de Twitter ont par exemple conseillé leurs followers de retirer tous les fonds qu’ils avaient laissés sur la plateforme de paiement en ligne. Aujourd’hui, aucune information supplémentaire sur les projets de PayPal en la matière n’est communiquée. Cette mesure a fait grand bruit chez les soutiens de Donald Trump. Ceci n’a rien d’étonnant lorsque l’on voit que ce dernier fut banni de Twitter à cause de la propagation de fausses informations.

Ce ne sont pas les seuls à avoir critiqué cette mesure, des anciens cadres de PayPal l’ont publiquement dénoncée comme l’ancien président David Marcus, notamment en qualifiant cette mesure de « folie ». Elon Musk, quant à lui, fervent défenseur de la liberté d’expression et co-fondateur de PayPal, a manifesté son accord avec les propos de l’ex-président.

Bien que la lutte contre le financement de fausses informations soit un objectif louable, le fait de donner cette prérogative à une institution privée peu poser problème.

Dans une note communiquée, la multinationale fait marche arrière et accuse une erreur de communication.

Une volonté des entreprises privées de se substituer au juge ?

Malgré l’abandon du projet, cette tentative met en exergue deux mouvements complémentaires des acteurs d’Internet. D’une part la préservation de l’image des entreprises. En effet, si PayPal décide de sanctionner la promotion de fausses informations, c’est avant tout dans un climat où ces dernières imprègnent la sphère politique tout particulièrement aux États-Unis, notamment durant les dernières élections présidentielles américaine. Dans une autre mesure, ce genre de comportement que l’on remarque chez d’autres entreprises telles que Meta, montre une privatisation des règlements des litiges, dépassant ce qui avait été vu jusqu’à présent. En effet, ce n’est pas simplement une utilisation d’une plateforme où l’on régulerait les messages postés ; ici, on parle de financement d’informations extérieures. Et PayPal en tentant de sanctionner financièrement ces comportements, prend le rôle des administrations publiques. Il est évident que PayPal ne peut se substituer aux autorités nationales en ce qui concerne la sanction d’infraction.

Nous savons que la plupart des utilisateurs ne lisent pas attentivement les conditions d’utilisation. De ce fait, imposer une sanction financière que l’entreprise fixerai elle-même est manifestement disproportionné et critiquable. Comment accepter qu’une entreprise privée détermine elle-même les dommages qu’elle subit, et exécute elle-même la sanction sans aucun contrôle judiciaire ?

Peut-être devons nous craindre que dans le futur, une telle mesure ne crée plus une telle indignation et finisse par être acceptée par les utilisateurs.

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Sources :

Condition d’utilisation PayPal :

https://www.paypal.com/fr/webapps/mpp/ua/useragreement-full#actions-restricted-activities

Article de The Dayli Wire :

https://www.dailywire.com/news/new-paypal-policy-lets-company-pull-2500-from-users-accounts-if-they-promote-misinformation

Article libération :

https://www.liberation.fr/checknews/la-plateforme-paypal-veut-elle-sanctionner-la-desinformation-avec-des-amendes-de-2500-dollars-20221010_ZGLCREIDG5FQZBUONZHQ6FSDDY/