Plan de sobriété énergétique : réduire les consommations liées au numérique 

La stratégie énergétique française, annoncée par Emmanuel Macron, Président de la République, repose sur quatre piliers :
– la sobriété énergétique, c’est-à-dire consommer moins ;
– l’efficacité énergétique, c’est-à-dire consommer autrement ;
– l’accélération du développement des énergies renouvelables (EnR) ;
– la relance de la filière nucléaire française. 

Le gouvernement français s’est donc fixé un objectif : baisser de 10% notre consommation d’ici 2024.
La volonté d’une mobilisation générale est à l’œuvre, avec la prise en compte de différents acteurs : État, entreprises, collectivités, citoyens.

« La mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique est la meilleure réponse aux crises énergétique et climatique que nous traversons.»

Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la Transition énergétique

Élisabeth Borne, première ministre, considère que la sobriété doit être adaptée à chaque filière et venir des solutions du terrain.
Afin de couvrir l’ensemble des consommations des grands acteurs, neuf groupes de travail sectoriels ont été lancés par la ministre de la Transition énergétique depuis fin juin, avec les ministres du Gouvernement concernés dont Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications.
Les représentants du secteur numérique pour la première réunion du groupe de travail « Numérique et télécommunications » étaient le Comité stratégique de filière « Infrastructures numériques », la Fédération Française des Télécoms et notamment les quatre principaux opérateurs de télécommunications, représentants de l’écosystème French Tech, France Digitale, Numeum et Start Industrie.

La sobriété, c’est un concept simple : des économies choisies plutôt que des coupures subies.
Le plan de sobriété énergétique est donc une réponse pour l’urgence et un rempart contre des mesures plus contraignantes.
Mais, plus largement, pour le gouvernement, « la sobriété est une nouvelle manière de penser et d’agir, qui sera une des clés de notre transition écologique et de notre souveraineté énergétique. »

«Chaque geste compte», une campagne de communication a été lancée, basée sur trois grands principes : « je baisse, j’éteins, je décale » elle vise à s’attarder sur les 5 gestes les plus efficaces : baisser son chauffe-eau à 55 degrés, son chauffage à 19° C, éteindre tous ses appareils quand on ne les utilise pas, décaler l’utilisation des outils électroménagers en dehors des périodes de pointe (entre 8 et 13 heures et entre 19 et 21 heures) et installer des thermostats programmables. 5 films courts mettant en scène ces gestes et un spot générique seront diffusés, dans les médias.

Comment orienter les comportements des individus ? Cette question se trouve au cœur des réflexions sur les outils et l’efficacité des politiques publiques.
À cet égard, un constat peut être dressé : une faveur nouvelle est aujourd’hui affichée au profit d’instruments de gouvernement des hommes qui encouragent, plutôt qu’ils ne contraignent.

Quelles grandes propositions pour le secteur du numérique ?

Le numérique, en tant qu’ensemble de dispositifs permettant de capter, traiter, transmettre, consulter et stocker de l’information (données sous toutes formes, programmes), irrigue largement l’économie française. La numérisation de certains services (télévision, vidéo…) et des réseaux de télécommunications multiplie les modes d’accès.

Dans le cadre des concertations au sein du groupe de travail, une distinction a été opérée entre les acteurs disposant d’infrastructures techniques et les acteurs de l’économie numérique, pour prendre en compte chacune de leurs spécificités.

D’une part, les acteurs disposant d’infrastructures techniques (opérateurs de télécommunications et startups dans l’industrie) vont, par exemple, étudier la mise en place de mesures d’optimisation de la consommation énergétique des réseaux mobiles. 

Les centres de données (datacenters)

Dans un contexte de tensions sur les approvisionnements en électricité, les hébergeurs de données vont davantage limiter leur recours à la climatisation dans les salles des centres de données, si l’infrastructure du site le permet. Un passage de 21 à 23°C est susceptible de diminuer la consommation d’énergie de l’ordre de 7 à 10% (chiffres France Data Center, 2022).

Par ailleurs, les data centers sont soumis au «décret rénovation tertiaire» qui impose aux bâtiments de plus de 1000 m2 une réduction de consommation par rapport à celle de 2010 ainsi qu’à l’obligation de gestion active des bâtiments.
Mais ces obligations sont en général en-deçà des pratiques courantes ou non appropriées. Les data center font également depuis 2019 l’objet de mesures d’accompagnement spécifiques comme la réduction de 22 à 12€ de la Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité.

Les opérateurs de télécommunication

Selon une étude de Green IT, un box ADSL/ fibre consomme en moyenne 158 kWh d’électricité par an et jusqu’à 300 kWh selon les modèles.
Les acteurs du secteur définiront les critères d’un paramétrage des box internet et des décodeurs TV pour une mise en veille en cas de non-utilisation.

Les entreprises de services numériques

D’autre part, les acteurs de l’économie numérique (notamment le Next40 et les capitales French Tech) réfléchiront à établir leur bilan carbone, préciser leurs engagements net zéro et à engager une démarche de mesure d’impact. Ils travailleront également à identifier des initiatives d’architecture technique des sites Internet à usage commercial pour que leur conception soit la plus légère possible en données.

Cependant, la sobriété est peu prise en compte dans les standards de définition du format des contenus image, fichier ou vidéo, eu égard au débit toujours croissant des réseaux alors que les instances de standardisation pourraient facilement s’en charger.

Concrètement, l’efficacité et l’impact de ce plan de sobriété restent à mesurer, et de plus en plus d’interrogations sont soulevées. Reste à voir si la communication du gouvernement autour du plan de sobriété va réellement inciter les différents acteurs à modifier leur comportement énergétique face à l’urgence et à l’hiver prochain.
L’opposition critique l’absence de toute mesure contraignante dans ce plan de sobriété, la Ministre de la Transition énergétique considère qu’« il n’y aura pas de police des températures» dans les entreprises ou chez les particuliers.

Sources :

Plan de sobriété énergétique : une mobilisation générale

Sobriété énergétique, lancement du groupe de travail “Numérique et Télécommunications”, le 28 juillet 2022 : Site des ministères Écologie Énergie Territoires

Plan sobriété énergétique, quelles actions pour le numérique ? : Mission interministérielle, numérique écoresponsable

Gouverner par les incitations : La diffusion d’une logique incitative dans le droit du travail – Olivier Leclerc, Tatiana Sachs Dans Revue Française de Socio-Économie (2015)

Rapport à Monsieur le Vice-président du Conseil Général de l’Economie « Réduire la consommation énergétique » (2019)

Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire