La responsabilité en cas d’accident avec un véhicule à délégation de conduite dit “véhicule autonome”

Source photo : Volvo.

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle aire, celle des véhicules à délégation de conduite autrement appelés “véhicules autonomes”. En effet, les constructeurs de véhicules développent de plus en plus de modèles de véhicules automatisés, et cette technologie prend différentes formes d’appellation selon la marque du constructeur. Par exemple il s’agit de la technologie Autopilot chez Tesla, Drive Pilot de Mercedes, disponible sur la nouvelle Classe S, ou Autonomous Drive chez Renault. 

La signification de véhicule à délégation totale ou partielle de conduite 

Le véhicule à délégation totale ou partielle de conduite, ou véhicule autonome, est un véhicule qui intègre des dispositifs d’intelligence artificielle lui permettant d’assurer tout ou partie des tâches de conduite. Il s’agit donc d’un véhicule sans conducteur qui peut réaliser les différentes actions de conduite en fonction de son niveau d’automatisation. En effet, il existe divers stades d’automatisation, allant du niveau 2, pour lequel l’automatisation n’est que partielle, au niveau 5 où l’automatisation est complète. Ce véhicule sans conducteur serait en mesure de suivre une voie de circulation, de réguler sa vitesse ou de dépasser si nécessaire, comme le ferait tout conducteur. (1)

Les différents niveaux de véhicules à délégation de conduite 

La voiture autonome de niveau 1 permet d’assister le conducteur. Il existe aujourd’hui des voitures autonomes de niveau 1 sur le marché automobile. Ce sont les modèles qui sont équipés d’un régulateur de vitesse ou d’un système anti-blocage des roues par exemple. Le conducteur doit toujours gérer la direction du véhicule.  

La voiture autonome de niveau 2 est doté d’une autonomie partielle. Le conducteur peut lâcher le volant des mains dans certaines situations, contrairement au niveau 1. Concrètement, la voiture peut corriger sa trajectoire pour rester correctement dans une file de circulation et ce sans l’intervention du conducteur. Autre exemple : la voiture est équipée d’un système d’aide au stationnement. Même avec une voiture de ce niveau d’automatisation, le conducteur doit rester au volant et surveiller l’environnement dans lequel il se trouve. Il doit à tout moment pouvoir reprendre le contrôle de son véhicule en cas de problème.

La voiture autonome de niveau 3 dispose d’autonomie dans certaines conditions.

L’environnement est surveillé à partir du niveau 3 d’autonomie d’un véhicule. À ce stade, certaines phases de conduite sont totalement prises en charge par le système de pilotage automatique de la voiture. Sur autoroute par exemple, la voiture peut doubler seule un véhicule quand le clignotant est actionné. Elle est également capable de garder toute seule les bonnes distances de sécurité et de décélérer dès que la situation de conduite l’impose. Ici encore, l’humain reste indispensable quand la voiture autonome lui demande de reprendre le contrôle.

La voiture autonome de niveau 4 est caractérisée par une conduite automatisée presque totale. Mais ceci n’est possible que dans certaines conditions comme sur autoroute par exemple. En cas de problème, la voiture doit pouvoir continuer à rouler toute seule et donc, sans que le conducteur n’intervienne.

La voiture autonome de niveau 5 est un véhicule entièrement autonome. Elle peut rouler sur tous les types de route, sans l’intervention d’un conducteur. Le conducteur peut s’adonner à d’autres activités comme lire ou regarder un film par exemple. Sa voiture le conduit où il le souhaite sans qu’il n’ait à intervenir. (2)

La réglementation en terme de véhicules à délégation de conduite.

L’autonomie de niveau 3 est autorisée à compter du 1er septembre, sur les voies rapides et jusqu’à 60 km/h. Il faudra toutefois attendre que des véhicules soient homologués pour pouvoir en profiter. Les opportunités de laisser la voiture piloter toute seule resteront donc assez rares ! Toutefois, c’est un premier pas important vers une conduite autonome plus évoluée. C’est ce qu’il en ressort du décret n° 2021-873 du 29 juin 2021 portant application de l’ordonnance n° 2021-443 du 14 avril 2021 relative au régime de responsabilité pénale applicable en cas de circulation d’un véhicule à délégation de conduite et à ses conditions d’utilisation qui vient d’entrer en vigueur (3). 

Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transports, expliquait qu’avec ce décret, « nous faisons un pas de plus vers la mobilité du futur. La France s’impose comme l’un des premiers pays à adapter son droit aux véhicules autonomes. Nous donnons dès aujourd’hui à nos industriels et à nos opérateurs de transports la visibilité nécessaire pour les développer – et demain, les faire rouler ». 

Le niveau 3, qui a obtenu le feu vert de l’Union européenne le 14 juillet dernier, signifie que le conducteur n’a plus à garder en tout temps les yeux sur la route. C’est la voiture qui gère l’ensemble de la conduite. Cependant, le conducteur doit pouvoir à tout moment reprendre le contrôle du véhicule et intervenir en moins de dix secondes (4). Dorénavant avec le décret paru le 1er juillet 2021, il y a une adaptation du code de la route à l’arrivée des véhicules autonomes. Le nouvel article 123-1 du code de la route prévoit d’exonérer le conducteur de toute responsabilité en cas d’accident. Pour cela, le système automatisé doit être activé, et le conducteur doit suivre les conditions du constructeur. Mais pour l’heure seule la nouvelle Mercedes Classe S est homologuée pour une conduite de niveau 3, donc cela reste encore très inédit. À ce propos, la Macif a créé un contrat adapté et est le premier assureur français à créer un contrat relatif à la conduite de véhicule autonome, ouvrant la marche vers cette nouvelle ère. (5)

Avant cette nouvelle réglementation

Les conducteurs usant de voiture à technologie de délégation de conduite étaient systématiquement considérés responsables en cas d’accident. En effet, la responsabilité du conducteur était emportée car l’on considérait qu’il était maître de son véhicule et qu’il devait toujours maintenir le contrôle de sa conduite, même si son véhicule disposait de technologies lui permettant de relâcher sa vigilance. Cependant, s’il pouvait démontrer la faille du système empêchant sa reprise en main, notamment grâce au travers du dispositif de boîte noire mis en place dans tous les véhicules à délégation de conduite, et même repris dans le nouveau décret, alors la responsabilité du constructeur pouvait être retenue. Mais cette hypothèse n’a jamais été retenue, aussi bien dans les cas d’accident sur le territoire français qu’aux États-unis. 

En effet a eu lieu à Paris en décembre 2021 un accident mortel impliquant un modèle de Tesla à délégation de conduite. Le conducteur de la Tesla Model 3 affirme qu’il a tout tenté pour arrêter sa voiture, mais que rien n’a fonctionné. En 2017, un autre accident impliquant une Tesla Model S avec l’Autopilot activé a été recensé sur l’autoroute A6. L’expertise technique avait ensuite relevé que ni le freinage d’urgence automatique ni quelconque mouvement du volant n’avaient été enregistrés pour éviter le choc. Après plusieurs enquêtes des autorités américaines compétentes, on constate que lors d’accidents avec l’Autopilot Tesla, les conducteurs n’étaient pas concentrés sur la route ou avaient tout simplement lâché le volant des mains, ce qui est formellement interdit. D’ailleurs, via l’écran tactile, Tesla avertit les usagers qui n’auraient plus le volant entre les mains. (6)

Nous entrons donc dans une nouvelle ère de véhicule et de technologies d’intelligences artificielles permettant des prouesses techniques, cependant celles-ci ne sont pas dépourvues de faille aussi bien sur le plan technique que juridique. Tout est encore à construire en la matière…

Sources : 

  1. https://www.avocat-boissiere.com/avocat-droit-routier-montpellier/quest-ce-que-les-vehicules-a-delegation-totale-ou-partielle-de-conduite/
  2. https://www.matmut.fr/assurance/auto/conseils/vehicule-autonome-differents-niveaux-autonomie
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043729532
  4. https://www.journaldugeek.com/2022/08/13/la-conduite-autonome-de-niveau-3-autorisee-en-france-a-partir-du-1er-septembre/
  5. https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/le-code-de-la-route-modifie-pour-s-adapter-a-la-voiture-autonome_AV-202107050058.html
  6. https://www.caroom.fr/guide/voiture-propre/electrique/neuve/laquelle-choisir/tesla/gamme/equipements/autopilot/responsabilite-accident