Une action réunissant 88 plaignants contre des influenceurs

Le 20 janvier 2022, deux plaintes collectives, menées à l’initiative du collectif AVI, réunissant 88 plaintes conjointes, ont été déposées au procureur de Paris. Les 88 plaignants considèrent dans cette affaire avoir été arnaqués par un couple d’influenceurs. Ces derniers, Marc et Nadé Blata, faisaient en effet la promotion de deux produits financiers. Le premier, Animmon portant sur la spéculation et la vente de NFT, le second produit Blata gang étant une plateforme dite de copy trading. Cela consiste en la reproduction de transactions réalisées par les traders en Bourse. Ils présentent cet outil comme un moyen de gagner de l’argent sur les marchés financiers malgré une absence totale de connaissances en la matière.

Devant la critique, Marc Blata s’était défendu dans un post sur les réseaux sociaux. Il affirme qu’il n’est pas responsable de la gestion de l’argent de ses abonnés. Il a en effet dit dans sa vidéo : « La manière dont les gens gèrent leur argent, nous n’en sommes pas responsables ».

Le collectif AVI (Aide aux victimes d’influenceurs) cherche à faire bouger les choses avec cette affaire. En effet, comme beaucoup, ils estiment que la publicité faite par les influenceurs ne respecte pas les règles applicables. De plus, la complexité vient de leur statut même d’influenceurs. En effet tout est dans le nom « influenceur » ; cela exprime bien le métier de ces personnes qui usent de leur influence afin de promouvoir des produits ou services, soit pour le compte de marques tiers, soit pour leur propre compte. Parmi les produits problématiques promus, on peut noter les produits financiers comme c’est le cas ici, mais aussi des produits de santé, promettant des pertes de poids ou la sculpture d’un idéal corporel. Bien évidemment, la plupart, si ce n’est tous ces influenceurs, n’ont pas les formations ou les compétences médicales ou financières adéquates pour conseiller les produits qu’ils plébiscitent. Cette affaire pose deux questions, des questions de responsabilité, que ce soit celle des réseaux sociaux et profitant du phénomène des influenceurs, ou encore celle des influenceurs eux mêmes promouvant ces produits. Car contrairement à ce qu’affirme Marc Blata, il n’est pas totalement irresponsable. On parle en effet de plus de 6 millions de dollars qui ont disparus avec le projet Animmon. Même si ce dernier n’est pas à l’initiative du couple Blata, ces derniers l’ont très largement diffusé.

Les réseaux sociaux agissant pour limiter les dégâts

Meta ne s’est pas fait attendre pour réagir. Instagram étant la principale plateforme en cause dans cette affaire, la firme américaine a décidé de bannir les comptes de Marc et Nadé Blata. Le collectif a salué l’action de Meta. A la suite de ces mesures, le collectif AVI a notamment posté un Tweet dans lequel il remercie Meta France d’avoir pris des « mesures concrètes » pour faire cesser ces pratiques, mais il ne manque pas d’ajouter que d’autres influenceurs sont concernés par ces pratiques. En effet ces pratiques sont connues des réseaux sociaux, et il est de notoriété publique que les produits mis en avant par les influenceurs ne sont pas toujours sûrs. Un média britannique avait par exemple piégé des influenceurs. En effet, la BBC avait demandé à des influenceurs de faire la promotion d’une boisson à base de cyanure ; la boisson s’appelait « Cyanora » et il était clairement indiqué que cette dernière contenait ce poison mortel. Trois influenceurs avaient accepté d’en faire la promotion. Ce qui est flagrant avec cette enquête tient au manque de vigilance des influenceurs sur les produits qu’ils mettent en avant, souvent aux yeux d’un public jeune. 

Une avancée dans la responsabilisation des influenceurs ? 

La question de la responsabilité des influenceurs se pose légitimement. En effet ils sont visés par des accusations d’escroquerie en bande organisée. Cependant, comme mentionnée avant, le projet en cause n’est pas à l’initiative des influenceurs, ils n’ont fait que le diffuser. Cependant, c’est là que leur responsabilité peut être recherchée, car on peut admettre qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis de leur audience et qu’ils devraient faire attention à ce qu’ils publient. Comme mentionné plus tôt, certains influenceurs se montrent peu concernés par ce qu’ils présentent. Autre exemple, une candidate de télé réalité francophone avait fait la publicité d’opération de chirurgie esthétique du vagin.

L’affaire en cause ici se concentre nettement plus sur l’aspect escroquerie. Les plaintes portant sur Animmon sont plus complexes à traiter étant donné que ce projet n’est pas à l’initiative des influenceurs visés par les plaintes. Cependant, concernant le projet Blata gang, ici c’est de leur propre initiative que ce dernier a vu le jour. Malheureusement, les pertes des présumées victimes sont très difficiles à chiffrer étant donné qu’il s’agit d’opérations boursières « conseillées ».

L’enjeu d’une possible condamnation

Le premier obstacle visible que mentionne le collective AVI, c’est la possibilité d’une enquête, sachant que l’influenceur visé réside à Dubaï aux Émirats Arabes Unis. Le collectif exprime l’objectif premier de cette action de groupe : « Le but est de stopper tout ça et de reconnaître les nombreuses victimes qui ont dû compter pour certaines de lourdes pertes ». Mais il faut réaliser que les retombées d’une condamnation seraient bien plus lourdes que la simple réparation de ce préjudice. En effet cette action de groupe est historique car elle est la première action concrète dans l’hexagone contre des placements de produits réalisés par des influenceurs. Une décision dans ce sens pourrait sans doute forcer les influenceurs à être plus vigilants sur les produits dont ils font la promotion.

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Sources :

20 minutes : https://www.20minutes.fr/justice/4019843-20230122-justice-premiere-fois-france-influenceurs-vises-plainte-escroquerie-bande-organisee

BFM tv : https://www.bfmtv.com/replay-emissions/focus-premiere/plainte-collective-contre-des-influenceurs-24-01_VN-202301240181.html

Le Parisien : https://www.leparisien.fr/faits-divers/derives-des-influenceurs-le-couple-blata-vise-par-une-plainte-pour-escroquerie-en-bande-organisee-23-01-2023-EXRFEF6UNJCKXMIZMU3HOTTSFE.php