Par Kenza IKAOUI, étudiante du Master 2 Droit médias électroniques
Meta Platforms Incorporation, anciennement Facebook Incorporation, est la multinationale fondée par Mark Zuckerberg en 2004 qui comprend notamment les entreprises Whatsapp, Messenger, Facebook et Instagram. Ces dernières font partie des plateformes les plus utilisées au monde (2,3 milliards d’utilisateurs mensuels dans le monde pour Instagram et 3 milliards d’utilisateurs mensuels dans le monde pour Facebook).
Une multinationale de cette envergure se doit de respecter les législations en vigueur, dont le règlement sur les services numériques (Digital Services Act – DSA) fait partie depuis peu, si elle ne souhaite pas se voir infliger de nouvelles sanctions par les autorités de régulation des États membres.
Pour rappel, le DSA a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 19 octobre 2022 et est entré en vigueur, en France, le 25 août 2023. Ce règlement européen vient remplacer la directive du 8 juin 2000 dite e-commerce, devenue quelque peu dépassée pour notre époque. Ainsi avec le DSA, le législateur européen veut accroître la protection des internautes en appliquant le principe selon lequel ce qui est illégal hors est illégal en ligne. L’accent est également mis sur la publicité en ligne et particulièrement sur la publicité ciblée qui inonde nos plateformes. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) définit la publicité ciblée comme une technique visant « à identifier les personnes individuellement afin de leur diffuser des messages publicitaires spécifiques en fonction des caractéristiques individuelles ».
Or la publicité ciblée est une spécialité de Meta… qui en paie le prix fort. En effet, elle a récemment été condamnée par la Norvège à une amende d’un million de couronnes norvégiennes (l’équivalent de 88 500 euros) par jour de non-conformité à la législation norvégienne sur la protection des données pour avoir utilisé les données personnelles des utilisateurs de Facebook et Instagram à des fins de diffusion de publicités ciblées.
La solution de Meta pour se conformer au DSA : les abonnements payants
Avec l’entrée en vigueur du DSA dans les pays européens, Meta se voit contrainte d’agir et de se conformer au règlement, notamment en ce qui concerne sa politique en matière de publicité ciblée. Ainsi, elle envisage de mettre en place des abonnements sur ses plateformes Facebook et Instagram qui permettraient aux utilisateurs de naviguer sur les réseaux sociaux de Meta sans publicités. La multinationale prévoit différentes formules :
– Une formule à environ 10 euros par mois pour les utilisateurs Facebook et Instagram sur ordinateur
– Une formule à environ 13 euros par mois pour les utilisateurs Facebook et Instagram sur téléphone
Selon les sources du New York Times, les abonnements payants « pourraient aider Meta à repousser les préoccupations en matière de confidentialité, et d’autres contrôles des régulateurs européens, en offrant aux utilisateurs une alternative aux services de l’entreprise basés sur la publicité reposant sur l’analyse des données personnelles ».
Il faut également rappeler que Meta dispose, depuis février 2023, de la formule Meta Verified permettant aux créateurs Facebook et Instagram d’arborer la célèbre coche de certification de compte pour 13,99 euros par mois sur ordinateur et 16,99 par mois sur téléphone.
S’agissant de la formule sans publicités, Meta ne s’est pas contentée de proposer cette seule solution pécuniaire afin de se conformer aux dispositions du DSA. Elle a aussi prévu de permettre aux utilisateurs européens de retirer leur consentement des contenus personnalisés qui sont proposés par les algorithmes de publicités.
Meta semble faire des efforts pour tenir ses engagements envers l’Union européenne et ainsi garder ses utilisateurs. En effet, lorsqu’une plateforme fait l’objet de sanctions, notamment en ce qui concerne des manquements à la protection de la vie privée des utilisateurs ou de leurs données personnelles, celle-ci peut également remarquer une baisse de popularité de la part des usagers de la plateforme : une sorte de double peine.
Mais ces efforts seront-ils suffisants pour répondre aux objectifs prévus par le DSA ? Il est encore tôt pour répondre positivement à la question.
Quelles sanctions en cas de non-conformité au DSA ?
Le règlement sur les services numériques laisse aux États membres la possibilité de choisir le régime de sanctions applicables aux plateformes en cas de violation du DSA. Cependant, l’article 42 du règlement impose aux États européens de ne pas dépasser 6% des revenus ou du chiffre d’affaires annuels du fournisseur de service s’il est établi que celui-ci à manquer aux obligations prévues par le DSA.
L’article 59 du même règlement permet à la Commission européenne de sanctionner les « très grandes plateformes en ligne » (qui comptent au moins 45 millions d’utilisateurs actifs en Europe), dont font partie Facebook et Instagram, en infligeant « des amendes jusqu’à concurrence de 6% du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice précédent », notamment lorsqu’elles ne respectent pas les « dispositions pertinentes du présent règlement » dispose le texte.
Sources
– vie-publique.fr : « Le règlement européen sur les services numériques (DSA) vise une responsabilisation des plateformes »
– cnil.fr : définitions – publicité
– blogdumoderateur.com : « Meta : bientôt un abonnement payant sans publicité pour Facebook et Instagram ? »
– statista.com : « Nombre total d’utilisateurs actifs du réseau social Instagram dans le monde entre 2013 et 2023 »
– lemonde.fr : « Meta condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros par le régulateur irlandais des données personnelles », Olivier Clairouin et Martin Untersinger, 22 mai 2023
– euractive.fr : protection des données : Meta écope d’une amende de 88 500 euros par jour en Norvège », AFP, 8 août 2023
– nytimes.com : « Meta may allow Instagram and Facebook users in Europe to pay to avoid ads », Mike Isaac, Adam Satariano, 1er septembre 2023