Par Margaux CHAUVIN, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Une proposition de révision de la Directive relative à la coopération administrative (DAC) a été annoncée en décembre 2022 par la commission européenne. Elle a été soumise à consultation publique du 8 décembre 2022 au 21 mars 2023, avant d’être adoptée par le Parlement européen en assemblée plénière le 13 septembre 2023, donnant ainsi la DAC8. Les États membres ont désormais jusqu’au 31 décembre 2025 pour transposer cette directive qui entrera en vigueur le 1er janvier 2026.
Cette révision de la DAC a pour objectif de mettre à jour les règles relatives à la chaîne de blocs et aux marchés financiers applicables aux cryptoactifs. Elle crée un nouveau cadre juridique pour les autorités de surveillance financière dans l’UE, avec la mise en place d’une surveillance fiscale des transactions de cryptomonnaie dans l’UE.
La DAC8 s’appuie sur le projet de règlement européen sur les marchés de cryptoactifs (Mica) devant entrer en vigueur en 2024, ainsi que sur le cadre de déclaration des cryptoactifs de l’OCDE du 10 octobre 2022.
Selon le règlement MiCA, on entend par cryptoactif : « toute représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ».
Concrètement, avec la DAC8, les prestataires de services sur cryptoactifs seront soumis à une obligation de déclaration préalable à toute opération de conservation, d’exploitation, d’échange ou de placement de cryptoactif, que ce soit pour leur compte ou celui d’un tiers.
Cette déclaration est mise en place dans le but d’aider les autorités fiscales à suivre les échanges de cryptoactifs et les revenus perçus par les clients des plateformes, et à lutter plus efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales.
La déclaration par le prestataire de service sur actif numérique (PSAN) devra comporter, le nom, l’adresse, l’Etat membre de résidence, le numéro d’identification fiscale ainsi que la date et le lieu de naissance pour une personne physique. Pour les personnes morales, la déclaration reste la même mais des informations complémentaires peuvent être demandées afin de faciliter leur identification en cas de contrôle. Le PSAN devra aussi fournir son nom, son adresse et son numéro d’identification fiscale. Les États membres disposeront d’une marge de manœuvre assez large en ce qui concerne la sanction du non-respect de cette déclaration.
Ces nouvelles dispositions correspondent en réalité à une coopération administrative dans le domaine fiscal à l’échelle de l’Union Européenne, avec un échange automatique d’informations.
Cette révision reste cohérente en droit français, à la lumière de l’article R211-9-7 du code monétaire et financier, qui dispose que l’enregistrement de tous titre financier doit permettre d’identifier directement ou indirectement les propriétaires des titres ainsi que leurs nombres et leurs natures.
Toutefois, malgré toutes les justifications légitimes apportées à la huitième révision de la DAC, elle reste largement controversée au sein de l’Union Européenne. En effet certains considèrent qu’elle vient violer le droit à la protection des données personnelles et le droit à la vie privée des citoyens européens. Ils invoquent ainsi, le règlement général relatif à la protection des données (RGPD) et l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH), deux textes européens majeurs, pour contrer la DAC8.
D’autres refusent les contraintes toujours plus lourdes pour les prestataires de service sur actifs numériques et craignent que certains n’aient pas les ressources nécessaires pour être en conformité avec la nouvelle réglementation.
Toutefois, même si cette révision soulève quelques inquiétudes, elle reste tout du moins considérée comme essentielle, au vu de la complexité et de la place de plus en plus grande des cryptomonnaies dans l’économie.
Aujourd’hui il est en effet très compliqué, voire impossible pour les autorités de tenir un registre de tous les actifs. Même si la DAC8 n’est qu’un premier pas vers la démocratisation des cryptoactifs elle permettra aux autorités de savoir quels citoyens européens détiennent des actifs crypto, et le montant des impôts qu’ils devront ainsi régler.
Selon Florian Wimmer, CEO de Blockpit « les cryptos ont besoin d’être règlementées pour être plus sûres » et « pour augmenter leur adoption les institutions et les investisseurs ont besoin de sécurité juridique ».
Ainsi il semblerait que malgré les contestations que la DAC8 entraîne, l’Union Européenne a aujourd’hui besoin d’un texte sur la régulation des cryptoactifs, non seulement pour des raisons fiscales mais aussi dans le cadre plus large de la transition numérique mondiale. En effet, l’Union Européenne se doit de rester au même niveau sur ces problématiques que les États-Unis qui sont, pour le moment, largement en avance sur ce sujet.
Sources :
Proposition de directive DAC8 : économie générale (deloitte.fr)
Règlement MiCA : réguler la finance numérique et les cryptoactifs (haas-avocats.com)
DAC 8: La directive européenne sur la fiscalité des actifs numériques | Blockpit
Coopération administrative dans le domaine fiscal («DAC 8») (europa.eu)