par Adena SEROUSSI, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Le 12 septembre 2023 a marqué le début du procès du géant du Web, Google, ainsi que de sa maison mère, Alphabet, devant le tribunal du district de Washington, D.C. aux États-Unis. Ce procès découle d’une action en justice entamée par le Département de la Justice des États-Unis. Le moteur de recherche est accusé d’avoir bénéficié d’un monopole en recourant à des accords d’exclusivité avec des fournisseurs de logiciels et de terminaux. Ce procès s’inscrit comme l’une des plus grandes affaires que le ministère de la Justice ait engagées depuis le procès contre Microsoft en 1998.
John Lopatka, professeur de droit à la Penn State’s School of Law, souligne que « cette affaire aura une forte incidence sur la manière dont les plateformes technologiques fonctionneront à l’avenir ».
Le droit antitrust aux États-Unis
Aux États-Unis, la première loi antitrust, soit anticoncurrentielle, est adoptée à la fin du XIXe siècle sous le nom de Sherman Act afin de limiter la concentration économique. Cette loi fonde la politique fédérale en matière de concurrence et dispose que tout accord, alliance ou conspiration visant à entraver le commerce entre les États et avec l’étranger est illégal, et qu’une tentative de monopolisation de ce commerce est considérée comme une infraction. Les lois anticoncurrentielles aux États-Unis sont notamment appliquées par la Federal Trade Commission et par la Division antitrust du U.S. Department of Justice (DOJ).
Un supposé abus de position dominante dans le marché de la recherche en ligne
Le gouvernement américain estime que le géant du web a établi sa position dominante dans le domaine de la recherche en ligne en ayant recours à des contrats illégaux avec différentes entreprises technologiques ; nous citons notamment Samsung, Motorola, LG et Apple s’agissant des fabricants de smartphones, Mozilla et Opera s’agissant des barres de recherche des navigateurs. Selon le gouvernement américain, Google verse des milliards de dollars chaque année à ses entreprises pour qu’elles intègrent pas défaut son moteur de recherche, et les empêche fréquemment de collaborer avec des concurrents.
La société de la Silicon Valley, fondée en 1998 est, par ailleurs, le leader mondial avec 92,9 % de part de marché en janvier 2023, selon une étude de Statcounter. Dans le cadre du procès et afin de caractériser un abus de position dominante, il sera essentiel de démontrer en premier lieu que Google a établi et maintenu un monopole.
Google affirme, quant à lui, qu’il a acquis sa position grâce à son propre mérite et à la qualité supérieure de ses outils, et qu’il opère, par ailleurs, dans un environnement concurrentiel où les accords mis en cause ne sont pas exclusifs et où les consommateurs ont la liberté de modifier les paramètres de leurs appareils afin d’opter pour d’autres moteurs de recherche.
Des violations répétées des lois antitrust par Google
La société de la Silicon Valley a, par le passé, déjà fait l’objet d’accusations et de condamnations pour des pratiques anticoncurrentielles à l’échelle nationale et internationale.
Aux États-Unis, le ministère de la Justice a intenté une action (distincte de celle traitée dans le cadre de cette note) contre Google pour abus de son pouvoir de monopole dans la technologie publicitaire.
A l’échelle de l’Union européenne, la Commission européenne a eu l’occasion de se prononcer sur les pratiques anticoncurrentielles de Google. Au sein de l’Union européenne, de telles pratiques sont interdites par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elles peuvent prendre diverses formes, telles que des accords et des pratiques commerciales restreignant la concurrence (comme les ententes horizontales et verticales), ainsi que des abus de position dominante, tous prévus aux articles 101 et 102 dudit traité. En ce sens et à titre d’exemple, en 2019, les juges européens ont condamné le géant du web à une amende de 1,49 milliard d’euros en raison de la violation des règles de l’Union européenne en matière de pratiques anticoncurrentielles. En l’espèce, Google avait abusé de sa position dominante sur le marché en introduisant des clauses restrictives dans ses accords conclus avec des sites web tiers, entravant ainsi la possibilité pour ses concurrents de placer leurs publicités contextuelles sur ces sites.
Nous attendrons de connaître la décision issue des dix semaines d’audience, résultat d’une longue enquête de trois ans menée par le ministère de la Justice. Une décision susceptible d’exercer une influence majeure sur l’industrie de la technologie et qui portera sur « l’avenir d’internet et sur la question de savoir si Google aura jamais, face à lui, une concurrence significative dans la recherche » selon le représentant du ministère public américain, Kenneth Dintzer.
Sources :
- Commission européenne, communiqué de presse du 20 mars 2019, « Antitrust : la Commission inflige une amende de 1,49 milliards d’euros à Google pour pratiques abusives en matière de publicité en ligne »
- The New York Time : «‘Unprecedented’ Secrecy in Google Trial as Tech Giants Push to Limit Disclosures » Jim Wilson
- The Harvard Gazette : « So what exactly is Google accused of ? » Christina Pazzanese
- CNN : « Google’s antitrust showdown : What’s at stake for the internet search titan » Brian Fung
- CNN : « Landmark Google trial opens with sweeping DOJ accusations of illegal monopolization » Brian Fung