Par Louna GANDREY-MUNOZ, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Suite à son rachat par Elon Musk, le réseau social X, anciennement connu sous le nom de Twitter, traverse une période tumultueuse. La plateforme fait face à un climat d’incertitude marqué, notamment en cette période de conflits en Europe.
Le réseau social devient alors de moins en moins apprécié par ses utilisateurs, c’est pourquoi beaucoup cherchent une alternative afin de pouvoir quitter le réseau social.
On voit alors de nombreux concurrents émerger sur le marché des réseaux sociaux. Toutefois, l’un d’entre eux se distingue particulièrement : BlueSky.
Fondé par Jack Dorsey, le créateur de Twitter, BlueSky attire l’attention. Actuellement, l’accès à cette plateforme est restreint, étant disponible uniquement sur invitation ou sur liste d’attente.
Qu’est-ce que BlueSky ?
Derrière son visage familier se cache une nouvelle plateforme qui réinvente discrètement l’expérience de Twitter. En effet, son interface ressemble à s’y méprendre à celle de son prédécesseur, et tout a été soigneusement conçu pour que les utilisateurs se sentent chez eux.
BlueSky promet une transition en douceur pour les habitués de l’application à l’oiseau bleu.
La plateforme BlueSky, bien que visuellement très proche de Twitter, va au-delà de l’apparence. Son interface, dominée par les couleurs bleues et blanches caractéristiques, permet aux utilisateurs de parcourir des “skeets,” qui équivalent aux tweets. Parallèlement à Twitter, BlueSky autorise le partage de textes, d’images, de liens vers des articles, ainsi que l’usage d’emojis et de mentions. De plus, les publications peuvent être commentées, appréciées et partagées, de manière similaire à son homologue bien établi.
Les pages de profil ressemblent de près à celles de Twitter, comportant un pseudonyme, un avatar, une bannière et fournissant des informations telles que la description du profil, le nombre de “skeets,” d’abonnés et d’abonnements.
Cependant, les ressemblances ne se limitent pas à l’interface. BlueSky introduit deux flux d’actualités distincts : l’un basé sur les abonnements des utilisateurs, l’autre sur les tendances générales.
Il convient de noter toutefois que BlueSky ne prend pas encore en charge les messages privés ou les vidéos, selon les informations disponibles.
L’accès à la plateforme BlueSky est soumis à des restrictions. Pour y être admis, il est nécessaire de recevoir une invitation après avoir préalablement souscrit à une liste d’attente. En outre, BlueSky propose une solution de cooptation, où les nouveaux membres se voient attribuer un code d’invitation toutes les deux semaines. De plus, les utilisateurs qui se distinguent en invitant des “participants dignes de confiance” auront la possibilité d’obtenir des invitations supplémentaires, selon les informations fournies par le réseau social lui-même.
Cette approche vise à prévenir la présence de “spammers” et de “mauvais acteurs” qui pourraient chercher à manipuler les échanges publics au sein de la plateforme. Le système d’invitation et de cooptation est conçu pour assurer un environnement en ligne de qualité, où la confiance et la fiabilité des participants sont des éléments essentiels. BlueSky met ainsi en place des mécanismes visant à réguler et à garantir l’intégrité des interactions au sein de sa communauté.
Une architecture décentralisée
Les réseaux sociaux décentralisés se distinguent nettement des plateformes bien connues telles que Facebook ou Instagram. Ils reposent sur un fondement technologique spécifique : la blockchain.
La blockchain est une base de données qui consigne l’historique de toutes les transactions entre ses utilisateurs depuis sa création. Ce registre est partagé par l’ensemble des utilisateurs, sans l’intervention d’une tierce partie, ce qui autorise chaque participant à vérifier l’intégrité de la chaîne.
L’utilisation de la blockchain dans ces réseaux sociaux décentralisés revêt une importance cruciale, garantissant la transparence et la sécurité des échanges. Elle offre aux utilisateurs la capacité de vérifier la validité des données et des transactions, en contribuant ainsi à l’instauration d’un environnement de confiance.
Les réseaux sociaux décentralisés, un concept en pleine expansion, reprennent le modèle de la communication en « peer to peer ». Cela signifie que chaque machine connectée à Internet via la blockchain, ou chaque utilisateur, assume le rôle d’un serveur à part entière. Par conséquent, des milliers de serveurs se rassemblent pour créer une multitude de nœuds dispersés à travers le monde. Cette structure en nœuds a pour avantage de considérablement réduire les interruptions de communication au sein du réseau.
Pour approfondir, il est essentiel de comprendre que les réseaux sociaux décentralisés sont des applications gérées par des contrats intelligents. Ces contrats intelligents, en réalité des programmes informatiques, sont exécutés à partir de la blockchain Ethereum. Cette technologie blockchain constitue le socle sur lequel repose le fonctionnement de ces réseaux sociaux novateurs. Elle assure la fiabilité, la sécurité et la transparence des interactions, tout en offrant un niveau de contrôle aux utilisateurs qui peut s’avérer décisif dans un monde numérique en constante évolution.
Une approche innovante de la modération
L’examen du modèle actuel de la plateforme X révèle que son système de modération repose sur une synergie entre des technologies automatisées et une intervention humaine pour l’identification et la filtration du contenu problématique.
Effectivement, les plateformes utilisent des algorithmes alimentés par l’apprentissage automatique pour détecter automatiquement le contenu enfreignant les règles établies. La fiabilité de ce système reste efficace, cependant il diminue en présence de contenus ambigus ou contextuels.
Des erreurs peuvent survenir, notamment dans les cas où les modérateurs humains doivent évaluer le contenu signalé en prenant en compte le contexte et la nuance.
La plateforme BlueSky, sous un ciel bleu prometteur, adopte une approche novatrice en matière de modération des contenus.
Effectivement, les utilisateurs pourront spécifier s’ils souhaitent voir, bloquer ou cacher sous un avertissement les contenus violents ou sexuels.
Cette initiative témoigne d’une évolution significative dans la manière dont la plateforme envisage la gestion des contenus sensibles. Elle met en avant le rôle central de l’utilisateur dans la définition de ses propres paramètres, ouvrant ainsi la voie à une expérience en ligne plus adaptée et personnalisée, tout en préservant les sensibilités individuelles.
De plus, BlueSky a déclaré son intention de ne pas baser son modèle économique sur la publicité, ce qui signifie que la plateforme n’a pas l’intention de générer des revenus en monétisant les données de ses utilisateurs.
Ce positionnement pourrait avoir des implications significatives en termes de protection de la vie privée et de respect des données des utilisateurs au sein de l’écosystème numérique.
Ces évolutions dans les mécanismes de modération et les modèles économiques des plateformes numériques soulignent les enjeux juridiques croissants liés à la protection des utilisateurs et à la gestion des contenus en ligne, ainsi qu’à la protection de la vie privée et de la confidentialité des données.
L’évolution des mécanismes de modération sur les réseaux sociaux, comme examiné précédemment, soulève une question essentielle quant à la réaction des utilisateurs face à ces changements. Il est envisageable que les utilisateurs de la plateforme X envisagent de migrer vers d’autres réseaux sociaux qui offrent une modération plus efficace de leurs contenus.
En fin de compte, la migration des utilisateurs d’une plateforme à une autre dépendra de l’adéquation de l’alternative proposée à leurs besoins individuels. La concurrence entre les réseaux sociaux pour offrir une expérience en ligne sécurisée et personnalisée est un élément crucial du paysage numérique actuel. Les utilisateurs ont de plus en plus de choix pour trouver la plateforme qui correspond le mieux à leurs préoccupations en matière de modération, de protection de la vie privée et de confidentialité des données.
La modération des contenus en ligne en tant qu’outil concurrentiel
L’écosystème des réseaux sociaux est marqué par une diversité de plateformes, chacune ayant ses propres conditions de modération. Cette variété de pratiques contribue à favoriser une saine concurrence sur le marché.
Si l’on se réfère au droit américain, il est possible de s’appuyer sur l’affaire PragerU c./ Youtube. Cette affaire a soulevé des questions importantes concernant la modération des contenus sur les plateformes en ligne, la liberté d’expression et la réglementation des plateformes numériques. Elle a clarifié que les plateformes telles que Youtube ne sont pas soumises aux mêmes obligations de liberté d’expression que le gouvernement, mais elles sont tenues de respecter leurs propres politiques et de fournir des mécanismes de recours pour les créateurs de contenus.
En l’occurrence, PragerU disposait d’autres moyens de communication, en dehors de Youtube, tels que son propre site web et d’autres plateformes de médias sociaux. Cela relativisait la portée des décisions de modération dont ses vidéos avaient fait l’objet sur ce service, démontrant ainsi la capacité des créateurs de contenu à diversifier leurs canaux de communication en réponse aux politiques de modération des plateformes.
De ce fait, les créateurs de contenu qui estiment que leur contenu est injustement modéré ou limité ont la possibilité de chercher des alternatives, soit en diversifiant leurs canaux de communication, soit en rejoignant d’autres plateformes qui peuvent avoir des politiques de modération différentes.
Cette affaire met en lumière les enjeux juridiques complexes liés à la réglementation des plateformes numériques et à la manière dont elles modèrent le contenu, tout en préservant leur droit à définir leurs propres politiques éditoriales. Les créateurs de contenu ont la possibilité de choisir des plateformes qui correspondent le mieux à leurs besoins et à leurs valeurs, ce qui peut influencer le paysage concurrentiel.
En ce qui concerne le droit européen, le Digital Services Act (DSA) est l’un des textes clés qui visent à réglementer les services en ligne, y compris les plateformes et réseaux sociaux. Le DSA vise à établir des règles et des obligations pour les fournisseurs de services en ligne en ce qui concerne la modération du contenu, la lutte contre la désinformation, la protection des utilisateurs, et la transparence. L’objectif est de garantir un environnement en ligne plus sûr et transparent pour les utilisateurs.
Le DSA prévoit des obligations spécifiques en matière de modération, y compris la nécessité pour les plateformes de mettre en place des mécanismes de signalement et de réexamen du contenu signalé. Il exige également une plus grande transparence dans la manière dont la modération est effectuée. Ces règles sont conçues pour équilibrer la protection des utilisateurs et la préservation de la liberté d’expression.
C’est donc dans ce paysage complexe des plateformes en ligne que la modération des contenus émerge comme un élément central des stratégies commerciales. Elle s’avère être un outil concurrentiel puissant, impactant divers aspects de l’environnement numérique.
En effet, les utilisateurs recherchent des environnements en ligne sécurisés et conviviaux. Les plateformes qui investissent dans la modération pour garantir une expérience utilisateur de qualité ont un avantage concurrentiel en attirant et en fidélisant les utilisateurs.
La “course à la modération” se produit lorsque les plateformes concurrentes cherchent à offrir un environnement en ligne de plus en plus sûr. Cette dynamique de concurrence encourage chaque plateforme à surpasser les autres en termes de qualité de modération.
Sources
- Afp. 2023, 12 octobre 2023. Que vaut Bluesky, réseau alternatif à Twitter sans Elon Musk ? RTBF.
- Thiso Thach, 18 juillet 2023. Réseaux sociaux décentralisés : de quoi s’agit-il exactement ? HubSpot.