par Pierre JACOULET, étudiant du Master 2 Droit des médias électroniques
Ce samedi 16 décembre 2023, se déroulait la tant attendue élection de Miss France. Ce concours de beauté féminin, presque devenu une tradition à la Française, a élu pour la 94e fois, la supposée plus belle femme de France.
Cette année, c’est Ève Gilles qui a eu l’honneur de recevoir ce sacrement. Malheureusement pour elle, cet événement fut aussi le point de départ d’une vague de haine à son encontre en raison de son physique. L’émission avait élu une femme aux cheveux courts et avec un physique jugé comme « sans forme », et les internautes s’en sont donnés à cœur joie.
La gagnante témoigne auprès de « Quotidien » le cyberharcèlement qu’elle subit depuis son élection. Entre les remarques sur sa coupe « à la garçonne » et sur son physique en maillot de bain, la Miss s’exprime : « Ça me gave ».
Mais peut-on écrire de tels messages sur les réseaux sociaux sans aucune sanction ? La réponse est bien évidemment non. Il s’agit en réalité de cyberharcèlement.
Qu’est-ce que le cyberharcèlement ?
Le cyberharcèlement est le fait d’harceler quelqu’un via internet. Plus précisément, il s’agit de tout acte agressif et intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime. Par ailleurs, le cyberharcèlement est un délit, réprimé par la loi.
En effet, l’article 222-33-2-2 du Code Pénal, qui incrimine le harcèlement moral, y inclut aussi le cyberharcèlement. Plusieurs points sont à retenir dans cet article.
Dans un premier temps, pour qu’il y ait harcèlement moral, il faut que cette vague de haine cause une altération physique ou mentale de la victime. Ainsi, il faut que le harcèlement ait une conséquence sur la victime ou qu’il ait eu l’intention de la donner.
Dans un second temps, il est important de noter que l’article reconnaît le harcèlement moral dans le cas où une seule personne agirait à l’encontre d’une victime par un comportement répété. Mais surtout, l’article précise bien que la notion de répétition du comportement s’entend aussi lorsqu’il s’agit “d’un groupe de personne qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition”.
Finalement, et c’est ce qui nous intéresse le plus ici, l’article reconnaît le cyberharcèlement comme une circonstance aggravante du harcèlement moral, c’est-à-dire qu’il entraînera des sanctions plus lourdes envers la ou les personnes ayant commis ces faits.
Ainsi, s’agissant du cas du harcèlement subi par Miss France 2024, les auteurs des messages à caractère haineux pourraient être sanctionnés pour cyber-harcèlement, même si ces personnes n’ont écrit qu’un seul message haineux, ou simplement republier un message.
Les sanctions pour les auteurs de ces messages pourront aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amendes, au lieu d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende pour un « simple » harcèlement moral.
Le cyberharcèlement des Miss France : une histoire de longue date.
C’est effectivement ce qui semble être le cas. Bien que le cyber-harcèlement subi par Miss France 2024 fasse couler beaucoup d’encre, l’histoire n’est pas nouvelle. En effet, on peut notamment penser au cyber-harcèlement qu’avait subi April Benayoum, Miss Provence 2020, en raison de sa religion. Mais ce n’est pas la seule. En effet, quand on regarde les réseaux sociaux, l’événement de l’élection de Miss France déchaîne les internautes, et chaque Miss a en réalité déjà subi un tel type de harcèlement.
Mais la ligne à ne pas franchir peut être compliquée à tracer. En effet, sur un événement jugeant le physique d’une femme, et qui demande aux télé-spectateurs de participer directement via un hashtag, il peut être compliqué de se demander à partir de quel moment un message peut être considéré comme du cyber-harcèlement : par exemple, est ce qu’un simple message d’un internaute donnant un avis négatif sur le physique d’une Miss peut être considéré comme tel ? Le tout est d’être dans la mesure. Bien sûr qu’un simple avis ne sera pas considéré comme une injure caractérisant le cyberharcèlement. Il faut que le message soit assez virulent et « objectivement » blessant, pour qu’il soit considéré comme tel.
La lutte contre le cyberharcèlement et Miss France : une lutte qui stagne.
Cette affaire de cyberharcèlement a fait couler beaucoup d’encre chez les internautes. Bien que certains affirment que le fait de participer à un tel concours ne justifie pas une telle vague de critique, d’autres pensent toujours que pour participer à ce type de concours, il faut pouvoir faire face à ces vagues haineuses.
Mais l’exécutif ne l’entend pas de cette oreille. Dans le cadre de la lutte que mène le président de la République Emmanuel Macron contre le harcèlement, ce dernier souhaite intensifier cette lutte. Il a par ailleurs rappeler lors de son passage dans l’émission « C à Vous » le 20 décembre, que ce n’est jamais la faute de la victime. C’est toujours l’agresseur qui pose problème.
Cependant, bien que les mentalités changent et que la lutte face au cyberharcèlement avance, on peut sentir une certaine méfiance des victimes face aux solutions légales. L’exemple des Miss France est parlant : très peu de Miss ont déjà porté plainte. La plus récente date de 2020, avec l’affaire de Miss Provence rappelée plus haut, dans laquelle les 8 des agresseurs ont bien été condamnées pour injure. Cependant, c’est l’une des rares à l’avoir fait.
Ainsi, cette méfiance montre les limites de la lutte face au cyberharcèlement. Face aux millions de messages postés sur Internet, comment réussir à condamner l’entièreté des auteurs de ces messages ?
Il reste bon de rappeler que d’autres solutions sont mises à dispositions des victimes afin de lutter contre le cyberharcèlement. Il existe notamment un système de prévention par les plateformes, qui doivent lutter par elle même contre un potentiel cyberharcèlement grâce à un système de notification mise à disposition des utilisateurs, permettant de retrouver l’identité des auteurs grâce à la plateforme PHAROS.