Le règlement MiCA : une nouvelle régulation européenne pour les crypto-actifs

par Pauline CHARLEUX, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques

Le 30 décembre 2024, le règlement européen sur les marchés des crypto-actifs, intitulé Markets in Crypto-Assets ou MiCA, est officiellement entré en application. Cette réglementation est une réponse à la faillite, en novembre 2022, du géant américain des cryptomonnaies FTX, qui avait révélé une gestion chaotique de la plateforme et causé de graves conséquences pour les investisseurs.  

L’objectif du règlement est de mieux protéger les investisseurs au sein de l’Union européenne, d’assurer un climat de confiance, de lutter contre les activités illicites telles que le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, de protéger les consommateurs, et d’harmoniser les règles afin que les acteurs de la cryptomonnaie puissent se développer davantage dans l’UE.  

Ainsi, pour garantir une mise en œuvre efficace de ces objectifs, le règlement impose aux entreprises du secteur des obligations strictes.

Une obligation pour les entreprises de cryptomonnaies d’obtenir une licence

Les entreprises devant se conformer à cette législation sont celles qui offrent des services de conservation, d’échange de crypto-actifs contre des monnaies fiduciaires ou d’autres cryptos, de gestion de portefeuille, ou de conseil en investissement. Les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) doivent désormais obtenir une licence auprès d’un régulateur, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, et fournir des informations détaillées sur leur identité afin de pouvoir opérer dans les 27 pays de l’UE.  

Pour obtenir un agrément, les PSCA doivent, entre autres, disposer d’un niveau minimal de fonds propres ou d’une garantie prudentielle, ségréger les avoirs des clients des actifs de l’entreprise, mettre en place une gouvernance et des procédures de gestion des risques validées, et démontrer des mesures solides en matière de cybersécurité, avec un niveau d’audit rigoureux.  

De plus, la « travel rule », déjà appliquée dans la finance traditionnelle et consistant à partager des informations spécifiques sur les expéditeurs et bénéficiaires de transactions financières dépassant un certain seuil, s’étend désormais aux transferts de crypto-actifs. Les conditions imposées par le règlement MiCA se rapprochent ainsi des normes appliquées au secteur bancaire et financier traditionnel.  

Bien que les régulateurs nationaux soient généralement chargés de délivrer les licences et de superviser les entreprises crypto, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) peut intervenir directement dans certains cas. Cela inclut, par exemple, les situations où un crypto-actif ou un fournisseur présente des risques transfrontaliers importants. L’ESMA est également responsable de coordonner les régulateurs nationaux pour garantir une application uniforme des règles.

Cependant, cette réglementation stricte soulève des questions quant à son impact sur l’écosystème des crypto-monnaies.

Une réglementation exigeante posant des questions d’efficacité

Une grande partie des États membres de l’UE, dont la France, ont opté pour une période transitoire de 18 mois afin de permettre aux entreprises de décrocher ladite licence. Toutefois, cela n’atténue pas l’impact que cette réglementation exigeante pourrait avoir sur les start-ups du secteur. En effet, le coût financier pour obtenir la licence, notamment en conseil juridique ou en audit de sécurité, est élevé. Cela pourrait donc fragiliser les jeunes entreprises du secteur, au bénéfice des plus grandes, capables d’assumer ces coûts.  

« On a pondu les normes avant tout le monde, parce qu’on voulait absolument protéger les consommateurs, sans se rendre compte que les normes allaient tuer l’écosystème français. On est la seule plateforme d’échange en France parce que les autres sont mortes ou parties. Pour se mettre en conformité avec le règlement MiCA, il faut sortir un million d’euros », déplore Alexandre Stachtchenko, directeur de la plateforme Paymium, seule place de marché française des cryptos enregistrée par l’AMF. 

Les exigences de la licence européenne s’inspirent fortement de celles qui conditionnent aujourd’hui l’obtention de l’agrément français de Prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), délivré par l’AMF. À ce jour, seuls quatre acteurs l’ont obtenu en France : Société Générale Forge, GOin, Deblock et Hexarq.  

Dans ce contexte, un contraste apparaît entre l’approche européenne et la politique américaine en matière de cryptomonnaies.

Un fossé réglementaire entre l’UE et les États-Unis

Les promesses du règlement MiCA avaient attiré dans l’UE de grands acteurs internationaux, tels que Binance, Gemini ou encore Coinbase, à la recherche d’un cadre normatif clair. Cependant, l’élection de Donald Trump pourrait changer la donne. En effet, il a promis tout au long de sa campagne d’être le « président de la crypto », et depuis sa victoire, le cours du bitcoin a explosé.  

Le jeudi 22 janvier 2025, le président américain a édicté un décret visant à promouvoir la cryptomonnaie aux États-Unis, tant dans sa création que dans son usage. Donald Trump avait également affirmé vouloir mettre un terme à la répression menée par la Securities and Exchange Commission (SEC) sous l’impulsion de son dirigeant démissionnaire Gary Gensler, remplacé par Paul Atkins, fervent défenseur des cryptomonnaies. 

En outre, il a annoncé la création d’une réserve stratégique de bitcoins via le « Bitcoin Act », prévoyant la vente d’or pour acquérir 200 000 bitcoins par an pendant cinq ans. Ce projet permettrait au gouvernement américain de posséder 5 % de l’offre de bitcoins en circulation. Enfin, Donald Trump a lancé, avant même son investiture, sa propre cryptomonnaie -$TRUMP- le 17 janvier dernier. Mise sur le marché à une valeur initiale de 7 dollars par jeton, le prix du $TRUMP est actuellement de 38,97 dollars, avec une capitalisation boursière d’environ 7,8 milliards de dollars.  

Face à un cadre américain plus permissif, les plateformes non conformes à la réglementation MiCA pourraient être tentées de s’implanter aux États-Unis pour bénéficier de normes plus souples. Elles pourraient même continuer à contracter avec des résidents de l’Union européenne tout en s’expatriant outre-Atlantique. En vertu du principe de sollicitation inversée, les sociétés domiciliées hors UE ne seront tenues de répondre aux exigences de MiCA que si elles sollicitent activement ces investisseurs, par exemple via des publicités.  

Face à cet écart entre une réglementation européenne de plus en plus stricte et une nouvelle ère américaine pro-cryptomonnaie, certains craignent que l’innovation européenne soit freinée, et que, in fine, la souveraineté numérique du bloc européen soit menacée au profit des États-Unis.

Sources :

  • Les risques des cryptoactifs pour la stabilité financière -Dalloz actualité – Bertrand Corbi, ATER à l’Université Paris Cité – 19 octobre 2022
  • Cryptos : ce que va changer le règlement européen qui entre en application ce lundi – Le Figaro – 29 décembre 2024
  • Trump « premier président crypto »? L’industrie se divise – La Tribune – 23 Janvier 2025
  • Opinion | Trump : quelle réponse européenne face au « président de la crypto » ? – Le Cercle – 22 janvier 2025
  • Cryptos : ce que va changer le règlement européen qui entre en application ce lundi – La Tribune – 27 janvier 2025