Dans son roman « Snow Crash » publié en 1992, Neil Stephenson fait découvrir au grand public le
concept de « métavers », ce dernier faisant référence à un monde virtuel en trois dimensions se
trouvant habités par des avatars de personnes réelles. Avec l’évolution des technologies, ce monde
virtuel est sorti de la fiction et est devenu accessible au grand public, lui donnant des possibilités
d’utilisation presque infinies. Parmi elles, la capacité de créer directement dans le métavers.
Le métavers : un monde virtuel, immersif et interactif
Le métavers, contraction des mots meta (préfixe grec exprimant le fait d’aller au-delà) et univers, est un univers virtuel en 3D au sein duquel ses utilisateurs peuvent interagir les uns avec les autres sans être dans le même espace physique. Ils peuvent l’explorer en temps réel grâce à divers procédés et dispositifs de réalité virtuelle ou augmentée. Ils peuvent ainsi se déplacer dans ce monde virtuel, communiquer entre eux ou encore déplacer des objets. Autrement dit, le métavers est un univers virtuel, immersif et surtout interactif.
D’une certaine manière, il peut être vu comme une forme de réseau social imitant la réalité et offrant une expérience des plus immersives à ses utilisateurs sans qu’ils n’aient besoin de sortir de chez eux. Il faut noter qu’il n’existe pas qu’un seul métavers.
Au-delà de permettre des interactions entre les utilisateurs, le métavers offre d’innombrables possibilités pouvant même toucher au domaine de la propriété littéraire et artistique, que ce soit l’organisation de concert comme ce fut le cas du groupe Metallica qui en a donné un au travers du jeu Fortnite en juin 2024, ou encore la possibilité de créer des œuvres en son sein.
L’usage du métavers dans le domaine artistique a tant augmenté que le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique s’est emparé de la question et a rendu un rapport à ce sujet le 10 juillet 2024, le « Rapport de la Commission sur le métavers ».
Le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique donne tout d’abord sa propre définition du métavers. Pour lui, il s’agit d’un « service en ligne donnant accès à un espace immersif et persistant, où les utilisateurs peuvent interagir en temps réel à travers des avatars, et à terme y développer une véritable “vie virtuelle”, notamment culturelle». La création de contenu est un élément central dans le métavers puisque cette création va comprendre celle de mondes virtuels, de personnages ou encore d’objets, que les utilisateurs pourront utiliser, et d’activités auxquelles ils pourront participer.
La création artistique étant donc omniprésente au sein des métavers, se pose la question de la protection de ces œuvres.
L’œuvre métaversique : une œuvre protégeable par le droit d’auteur
Au sein du métavers, il est possible de créer des œuvres dites « métaversiques » dont la finalité première est d’être exploitée en son sein. Les œuvres ainsi créées sont à différencier de celles créées au sein d’un jeu vidéo, en effet, le rapport du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique les distingue par la place centrale que donne les utilisateurs aux contenus qu’ils ont eux-mêmes crées.
La Commission sur le métavers a considéré que les contenus « métaversiques », qu’elle définit comme « les contenus générés par des utilisateurs dans un métavers, qu’ils y soient directement créés ou importés », pouvaient relever du droit d’auteur et, ainsi, constituer des œuvres à la condition néanmoins de remplir les critères classiques de l’œuvre de l’esprit. Elle privilégie toutefois une approche stricte de l’originalité en ce qui concerne ces œuvres afin de ne pas étendre trop largement la protection offerte par la propriété littéraire et artistique pour assurer son efficacité. Elle ne donne cependant pas de critères et laisse le soin au juge d’apprécier au cas par cas. Globalement, l’originalité de la création métaversique devra être appréciée en fonction de la liberté de conception qui avait été offerte à l’utilisateur.
La titularité de l’œuvre métaversique : l’absence de cotitularité
En ce qui concerne la titularité des droits sur les œuvres métaversiques, la Commission sur le Métavers les qualifie d’œuvres complexes car associant divers éléments. Ainsi, il y aurait une logique distributive, l’utilisateur n’aurait aucun droit sur le logiciel (le métavers lui-même) mais serait titulaire des droits sur l’œuvre qu’il aura produite au sein du métavers.
Se pose alors la question d’une potentielle cotitularité entre l’utilisateur-auteur et le prestataire de service en ligne du métavers. Le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique considère qu’il n’y a pas de cotitularité des droits sur la création car le prestataire de service n’a pas participé à cette dernière et ce, même s’il a mis à la disposition de l’utilisateur les outils afin qu’il puisse créer son œuvre. L’utilisateur-auteur aura donc des droits exclusifs sur sa création, sous réserve qu’il n’ait pas intégré d’œuvres préexistantes, le cas échéant, l’article L. 113-4 du Code de la Propriété intellectuelle (CPI) trouvera à s’appliquer.
Les droits d’auteur sur les œuvres métaversiques : une application classique des règles
Les créateurs de ces œuvres disposent de droits moraux dessus, la Commission a réaffirmé que ces derniers s’appliquaient sur les œuvres métaversiques puisque ces règles sont d’ordre public. Elles répondent donc, comme toute œuvre, à l’article L. 112-1 du CPI qui garantit « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Les conditions générales d’utilisation d’un métavers devront néanmoins contenir des clauses à ce sujet, comme c’est le cas pour le droit de paternité des œuvres crées au sein d’un métavers. Ce sera au juge d’apprécier au cas par cas le respect de ce droit.
Les droits d’exploitation de l’article L. 122-1 du CPI trouvent également à s’appliquer pour les œuvres métaversiques. Se pose alors la question de l’application des exceptions prévues à l’article L. 122-5 du CPI aux droits d’exploitation.
La Commission ne les a pas toutes analysées. Toutefois, elle relève que les exceptions de courte citation et parodique peuvent s’appliquer dans un métavers. Ces exceptions doivent respecter la jurisprudence traditionnelle ainsi que le « triple test » : être limitées à des cas prévus ; ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de la création protégée ; ne pas causer de préjudice injustifié au créateur ou à ses ayants droits.
SOURCES :
- « Rapport de la commission sur le métavers » adopté par le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, 10 juillet 2024.
- « Présentation du rapport du CSPLA sur le métavers », Lexing, 22 novembre 2024.