Les pouvoirs renforcés de la DGCCRF dans l’espace numérique

par Emma GARRIC, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été créée en 1985 après la fusion de deux autres administrations investies d’une mission de contrôle du marché et de protection du consommateur. Après quelques années, son action s’est considérablement intensifiée avec l’avancée d’internet. 

« En 2024, plus de 260 influenceurs ont ainsi été contrôlés, dont 40 % présentaient des anomalies, justifiant 40 avertissements, 65 injonctions de mise en conformité et 8 procès-verbaux pénaux. » 

Ces résultats ont été constatés lors de la présentation du bilan annuel de l’année 2024 de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Ces chiffres illustrent l’accroissement de l’action de la DGCCRF, dont les pouvoirs ont été récemment renforcés par la loi du 30 juin 2025, entrée en vigueur le 2 juillet 2025. Grâce à cette loi, la DGCCRF a obtenu de nouveaux pouvoirs, notamment des moyens d’enquête plus larges et des sanctions plus strictes, mieux adaptés au monde numérique.

Cette réforme permet à la DGCCRF d’agir plus efficacement contre les pratiques trompeuses, dans un contexte où la protection des consommateurs et la transparence des entreprises sont devenues des priorités. Les nouveaux outils juridiques à sa disposition démontrent une volonté de la part du législateur de garantir la loyauté des pratiques commerciales dans un espace devenu quasiment exclusivement numérique. 

Dès lors, il convient de se demander comment la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pu voir ses pouvoirs doublement renforcés dans un monde numérique ? 

Nous verrons d’abord les nouvelles prérogatives de la DGCCRF (I), pour ensuite étudier l’alourdissement des sanctions avec la loi de 2025 (II), avant d’étudier les champs d’action étendus de la DGCCRF et les limites face aux défis du numérique (III). 

Nouvelles prérogatives de la loi de 2025 : un renforcement juridique et des pouvoirs d’enquêtes accrus 

Face à la montée en puissance du e-commerce ainsi que des plateformes d’intermédiation, le législateur a progressivement étendu les pouvoirs de la DGCCRF afin de lui permettre de remplir efficacement sa mission de protection du consommateur. 

La loi du 30 juin 2025 a marqué une étape décisive pour la DGCCRF, en lui conférant des pouvoirs d’enquête élargis, qui permettent d’agir rapidement et de manière autonome dans l’espace numérique. 

Les agents de la DGCCRF disposent désormais d’un droit d’accès élargi aux données informatiques des entreprises contrôlées. En effet, les agents peuvent exiger la communication de tout document nécessaire à l’accomplissement de la mission sous format numérique exploitable et accéder aux algorithmes utilisés par les entreprises pour la fixation des prix ou encore le classement des produits. Cette nouvelle disposition est issue de l’article 4 de la loi. Paradoxalement, avant cette loi, le code la consommation ne laissait pas cette possibilité à la DGCCRF de contraindre les entreprises de fournir les documents sous format informatique. 

L’efficacité des contrôles est également renforcée par la possibilité de recourir à des experts techniques pour les investigations complexes. En effet, les agents peuvent bénéficier d’une aide de professionnels experts lorsque les investigations nécessitent des techniques particulières, comme cela peut être le cas pour une fraude numérique avec des outils très complexes. 

Un dispositif a également été généralisé par cette loi : les agents peuvent désormais se faire passer pour des clients ordinaires, en ligne mais également en hors ligne, afin de tester l’intégralité du parcours client et possiblement détecter des pratiques trompeuses ou déloyales. Avant cette loi, l’usage de l’identité d’emprunt était possible mais seulement pour certains secteurs. 

Enfin une procédure d’anonymisation a été instaurée afin de protéger l’identité des agents d’éventuelles représailles. Cette mesure a été inspirée du droit de la concurrence, elle renforce la sécurité des enquêteurs tout en préservant l’efficacité des investigations. 

Des sanctions administratives alourdies avec la loi de 2025 

La loi représente des nouveautés majeures en matière de sanctions administratives. L’ensemble des sanctions est renforcé pour rendre les opérations de contrôle plus efficaces avec des amendes dissuasives et permettre de mieux lutter contre les fraudes. 

La DGCCRF peut désormais imposer des amendes plus élevées et des injonctions immédiates aux acteurs économiques pratiquant des pratiques trompeuses ou déloyales, sans avoir besoin d’un passage automatique devant le juge. En effet, il y a eu un renforcement du pouvoir de sanction administrative, qui permet d’imposer des amendes importantes sans possibilité de recours systémique au juge judiciaire. 

À présent, les injonctions peuvent être assorties d’astreintes financières, et celles-ci peuvent atteindre jusqu’à 0,1% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. Cette mesure s’ajoute aux sanctions de publication des décisions de la DGCCRF ; en effet, les entreprises qui refusent de publier les sanctions administratives à leur encontre peuvent se voir appliquer des astreintes financières pour manque de transparence. 

Enfin, un dispositif de transactions administratives et pénales a été mis en place, ce qui permet d’offrir une alternative aux poursuites judiciaires. Ce dispositif s’applique seulement sous réserve d’engagement de la personne concernée de ne pas réitérer les infractions constatées. 

Le bilan de la loi de 2025 : des champs d’action étendus face à des défis persistants 

Avec les pouvoirs renforcés et les nouvelles prérogatives introduites par la loi du 30 juin 2025, la DGCCRF peut désormais agir sur divers secteurs du numérique tels que les influenceurs, les marketplaces ou plateformes de e-commerce et enfin le commerce transfrontalier et international. 

Les pouvoirs de la DGCCRF incluent la coopération avec d’autres autorités nationales et européennes, comme la CNIL pour la protection des données des consommateurs dans le monde numérique ou encore l’OCDE afin d’assurer la régulation du e-commerce et la protection à l’internationale du consommateur. 

Cependant, malgré toutes ces évolutions, la DGCCRF se heurte à de nombreuses difficultés, comme, l’insuffisance des effectifs et des ressources face à l’évolution constante des plateformes et des contenus numériques à contrôler. Une autre contrainte, qui est de respecter la liberté d’entreprendre, bloque les pouvoirs de la DGCCRF, qui doit intervenir de manière efficace tout en respectant le droit des entreprises, pour que les sanctions restent proportionnées et justes. 

En conséquent, même si la DGCCRF dispose désormais d’un champ d’action considérablement élargi, la complexité de l’espace numérique, les acteurs internationaux et les limites de moyens et de ressources constituent des défis majeurs. Il est donc nécessaire pour la DGCCRF de combiner les pouvoirs renforcés, la coopération internationale et l’adaptation continue. 

Sources : 

https://presse.economie.gouv.fr/presentation-du-bilan-2024-de-la-dgccrf

https://www.cnil.fr/fr/protection-des-consommateurs-et-des-donnees-personnelles-la-cnil-et-la-dgccrf-cooperation

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051824277