Depuis quelques années, le Gouvernement français souhaite s’attaquer au business du téléchargement illégal. En mai 2014, un rapport, destiné à organiser la lutte contre la diffusion illégale de films, de musiques ou de séries télévisées en ligne, lui a été remis par la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet (HADOPI). Un rapport commandé par Aurélie Filippetti, qui était, à l’époque, ministre de la Culture. Celui-ci préconise ainsi « d’assécher les plateformes de téléchargement illégal » pour lutter contre la contrefaçon en ligne. Les sites de téléchargement sont donc en ligne de mire comme GKS.gs, qui a fait l’objet d’une procédure judiciaire. Qui est-il ?
GKS.gs est un site de référencement de liens permettant, à ses membres, de télécharger des œuvres protégées sur le réseau Peer To Peer Bittorent ; ces fichiers, appelés « Torrent », étant disséminés sur le réseau Peer To Peer Bittorent. Ouvert en 2010 par quelques internautes dans le but « d’échanger des fichiers principalement légaux », le site a pris, en quelques années, une certaine ampleur, atteignant la 1 296ème place des sites de liens torrents les plus visités en France. Administré par Boris P., plus connu sous le pseudo de « Meska », il aurait causé un préjudice d’1,3 million d’euros, un manque à gagner calculé en fonction des statistiques du site.
En 2012, Meska s’installe en Hongrie. Interrogé par le site nextimpact.fr, il affirme « n’avoir pas voulu fuir la France », mais avoir suivi sa compagne puis décidé de s’y installer définitivement. Son identité étant facilement accessible sur Internet, il assure qu’il espérait obtenir le statut d’hébergeur et ainsi, bénéficier d’une responsabilité aménagée ; cette volonté semblant peu probable pour des sites de torrents. Ou peut-être qu’il se sentait tout simplement intouchable.
C’était sans compter la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) et la Société pour l’Administration du Droit de Reproduction Mécanique (SDRM) qui ont porté plainte, le 21 aout 2013, contre le site GKS.gs pour des faits de contrefaçon d’œuvres musicales. Le 19 février dernier, le Tribunal correctionnel de La Rochelle a condamné le gérant du site à une amende de deux millions d’euros, ainsi qu’à six mois de prison avec sursis ; le Ministère public ayant requis un an de prison ferme et 100 000 euros d’amende.
Blocage du site et absence d’enrichissement
L’affaire a débuté en octobre 2012 lorsqu’un agent assermenté de la SACEM rédige un procès-verbal à propos du site GKS.gs. Par la suite, l’enquête relèvera, qu’entre le 1er janvier 2012 et le 15 avril 2014, trois millions de téléchargements ont été effectués, dont 242 279 films, 240 concerts et 2 240 albums de musique, enregistrés illégalement. Ainsi, l’administrateur est poursuivi pour « mise à disposition du public de logiciel manifestement destiné à la mise à disposition d’œuvres protégées ».
En juillet 2014, le site de téléchargement est définitivement fermé à l’initiative de l’administrateur lui-même, suite au blocage, à de nombreuses reprises, des services de paiement en ligne ; le site étant financé par les dons des internautes. Toutefois, on ne peut difficilement lui reprocher de s’être enrichi, puisqu’il déclare que « de l’enrichissement personnel, il y a dû en avoir. Peut-être 100 à 200 euros par mois, parfois j’ai aussi déboursé de ma poche ».
Son entreprise étant localisée en France, chez sa mère, c’est d’abord cette dernière qui a été contactée par les autorités. « Ils voulaient qu’elle me force à rentrer en France pour que je fasse une garde à vue ». Face à cela, il déclare : « Je n’ai pas spécialement les moyens de rentrer pour voir ma famille, je n’en ai pas davantage pour la Gendarmerie ! ». Témoignant de sa bonne volonté, il affirme pourtant que si la SACEM l’avait contacté pour lui demander de supprimer des torrents, il se serait exécuté.
Absent et lourdement condamné
Absent à son procès, il affirme « avoir été jugé sans le savoir ». L’audience bien avancée et les médias rapportant cette affaire, il a « trouvé un avocat en urgence sur La Rochelle, qui a pris le dossier en main. Mais alors que la décision était en délibéré, il ne pouvait pas bosser sur mon cas ». Affirmant n’avoir reçu aucune convocation, ni directement, ni par le biais de sa mère, il pourrait alors faire état de sa faculté d’opposition et obtenir un nouveau procès, se substituant au premier.
Mais cela ne s’arrête pas là. La Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), qui représente les intérêts des Majors du disque, a décidé de faire appel dès le lendemain du procès, s’estimant « mise sur la touche ». En effet, il semblerait qu’elle n’ait pas suffisamment justifié « que les œuvres ici en cause fassent partie de ceux dont elle protège les droits demandant d’ailleurs une indemnisation par proratisation à hauteur de son répertoire (80 % des téléchargements) ».
En attendant un quelconque revirement de situation, l’administrateur a donc été condamné à payer 470 205 euros à Warner Bros, 242 735 euros à Disney, 228 785 euros à la 20th Century Fox, 221 575 euros à Paramount Pictures, 172 560 euros à Universal City Studios, 158 130 euros à Columbia Pictures et 11 010 euros à Tristar Pictures. La SACEM, elle, doit recevoir 564 762 euros au titre de dommages et intérêts. Le Syndicat de l’édition vidéo-numérique et la Fédération nationale des distributeurs de films seront dédommagés de 5 000 euros chacun. Reste à savoir si, après une confirmation en appel, les ayants-droits arriveront à se faire payer…
Sources :
– ANONYME, « Lourde condamnation pour le gérant d’un site de téléchargement », lemonde.fr, mis en ligne le 21 février 2015, consulté le 23 février 2015, <http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/02/21/lourde-condamnation-pour-le-gerant-d-un-site-de-telechargement_4581058_4408996.html>
– ANONYME, « Site de téléchargement illégal : plus de 2M€ d’amende et prison avec sursis pour un Rochefortais », SudOuest.fr, mis en ligne le 20 février 2015, consulté le 23 février 2015, <http://www.sudouest.fr/2015/02/20/site-de-telechargement-illegal-plus-de-2meur-d-amende-et-prison-avec-sursis-pour-un-rochefortais-1836207-4697.php>
– REES M., « BitTorrent : témoignage de Boris P., condamné pour sont site GKS », nextinpact.com, mis en ligne le 20 février 2015, consulté le 23 février 2015, <http://www.nextinpact.com/news/93148-bittorent-temoignage-boris-p-condamne-pour-son-site-gks.htm>
– REES M., « Procès GKS : après un râteau, les majors du disque ont l’appel », nextinpact.com, mis en ligne le 27 février, consulté le 28 février 2015, <http://www.nextinpact.com/news/93238-proces-gks-apres-rateau-majors-disque-ont-appel.htm>