Les tragiques événements qui ont eu lieu à Paris le 13 novembre 2015 ont laissé des traces indélébiles pour l’ensemble des français. Plus d’un mois après les faits, internet et notamment les réseaux sociaux gardent en mémoire ces atrocités. Ils ont joué un rôle capital le soir des faits notamment grâce au service de géolocalisation de Twitter qui a permit à certaines personnes de se mettre à l’abris chez des utilisateurs proposant d’ouvrir leur porte et l’ayant signalé grâce au mot-clef #PorteOuverte. Dès le lendemain, #RecherchesParis se hissait dans les sujets les plus commentés sur la plateforme : des proches inquiets diffusaient les photos de leurs amis ou de leur famille, à la recherche de la moindre information. Une véritable chaine de solidarité se met en place. Seulement 10 heures après les faits, plus de 6,3 millions de tweets avec le mot-clef #PrayForParis ont été envoyés du monde entier afin de montrer son soutien.
Pour autant, il convient de souligner quelques dérapages, des publications choquantes et des contenus vindicatifs de la part de certains internautes.
Des sanctions a posteriori de la part des juges français
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit » : ce principe fondamental précisé à l’article 19 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen semble être l’un des plus utilisés par les internautes. Il semble facile de croire que les réseaux sociaux sont des zones de « non-droit » tant il est aisé pour les utilisateurs de s’exprimer librement sur les sujets de leur choix.
Néanmoins, et à l’instar de la récente condamnation de l’humoriste Dieudonné pour apologie du terrorisme sur le réseau social Facebook, un contrôle a posteriori est toujours possible par nos juges français. En effet, les juges du tribunal correctionnel de Paris retiennent le délit « d’apologie d’actes de terrorisme » au regard de l’article 421-2-5 du Code Pénal qui a été récemment modifié par la loi du 13 novembre 2014. C’est ici la preuve que l’on ne peut pas tout dire sur les réseaux sociaux, encore plus après les dramatiques épreuves qu’a traverser notre pays.
C’est ainsi que l’on peut se demander si les réseaux sociaux doivent être considérés comme des espaces d’expression public ou privé ; en effet, la qualification de caractère privé pourra faire obstacle à toute sanction ou permettra d’atténuer la répression. Un examen au cas par cas est nécessaire par les juges du fonds afin de déterminer si le message était privé ou s’il est diffusé de manière public. Une page Facebook ou un compte privé qui est ouvert à tout public ou encore un compte Twitter non protégé va permettre plus facilement de retenir la qualification de propos publics et faciliter une condamnation.
Aujourd’hui, il reste possible pour les autorités françaises de procéder à un contrôle a posteriori des propos tenus sur internet afin de faire cesser ce genre de pratique. En Janvier, près de 36000 personnes ont tweeté #JeSuisKouachi, parfois pour dénoncer ce « mot clef » indécent mais parfois aussi pour afficher un clair soutien aux terroristes ; il semblerait que ce genre de pratique se soit de nouveau produit pendant les attentats de Novembre. L’Etat français a la possibilité de demander à Twitter l’identité de ces auteurs afin d’approfondir ces enquêtes.
Un contrôle et une prise en main rapide des autorités française en période de crise
Selon les statistiques, environ 5900 tweets sont expédiés chaque seconde sur le réseau social Twitter, soit plus de 500 millions de tweets par jour. Il est facile de prendre conscience de la rapidité de cette plateforme qui est devenu un véritable puit d’information « en direct ». Le soir même des attentats, tout (ou presque) se passait sur Twitter et parfois de manière excessive. En effet, entre la psychose de certains et la volonté de se faire connaitre par d’autre, de nombreuses fausses rumeurs ont alimenté le site de micro-blogging : une fusillade dans le quartier du Louvre ou à Châtelet, un incendie terroriste qui n’était pourtant que d’origine électrique, un message trafiqué par les codes HTML de la page qui prédisait les attaques… Tant d’erreurs qui ont conduit la police nationale à appeler, eux mêmes à l’aide d’un tweet, à ne pas relayer ces fausses informations. Pour autant, les erreurs des internautes continuent à se multiplier et il était inconcevable pour les autorités de ne pas intervenir face à l’urgence et l’importance des propos tenus.
Twitter a prit la décision d’ôter de ces « tendances » (les sujets les plus discutés sur la plateforme), tous les mots-clefs utilisés par les soutiens de Daesh. Facebook quant à lui a censuré une vidéo de propagande de l’Etat Islamique dans laquelle figure deux djihadistes belges. A la demande du Ministère de l’Intérieur, elle n’est plus accessible en France mais le reste dans le monde entier. Pourtant, elle comptabilise aujourd’hui plus de 17 millions de vues.
Sur internet, les vidéos de cette terrible nuit commencent à circuler. Très rapidement, sur l’application Vine qui héberge des courtes vidéos de 6 secondes on y retrouve les deux moments où l’on entend les explosions au stade de France, elle comptabilise aujourd’hui plus de 248 millions de vues. Egalement, l’application Périscope permettant de diffuser en direct des vidéos a été utilisé par des témoins qui filmaient les lieux des drames seulement quelques minutes après les assauts. Sur le site de partage de vidéo Daylimotion, un homme résidant près de la salle de concert Le Bataclan filme la sortie des victimes et comptabilise plus de 12 millions de vues en quelques heures à peine.
Mais c’est surtout la photographie prise à l’intérieur du Bataclan qui a fait l’objet de nombreux débats. Elle apparaît sur les réseaux sociaux seulement deux jours après les faits et fait l’objet d’un partage massif sur Facebook, Twitter ou encore Instagram. Le Ministre de l’Intérieur, par réquisition judiciaire, leur demande donc rapidement de censurer cette photo pour « atteinte grave à la dignité humaine » mais également « atteinte au secret de l’enquête ». Cependant la photographie a été reprise tellement de fois qu’il est difficile de la supprimer complètement. Il est encore possible de tomber sur ces contenus choquants aujourd’hui, d’autant plus que la censure n’a pas lieu au niveau mondial. Malheureusement, l’on constate que l’intervention ne peut se faire qu’a posteriori et qu’aucune mesure n’est prise a priori sur les publications des utilisateurs. Cela amène forcément à des débordements et des partages en masse de contenus parfois choquants.
En France, et selon un rapport officiel du gouvernement, Facebook a restreint l’accès au contenu signalé en vertu des lois interdisant le négationnisme et l’apologie du terrorisme a 295 publications entre janvier et juin 2015. Faisant suite à la loi antiterroriste qui a été votée en Janvier 2015, ce chiffre en hausse risque encore d’augmenter pour la période de juillet à décembre 2015 face aux récents événements.
SOURCES
ANONYME, « Attentats de Paris : le rôle essentiel des réseaux sociaux », rfi.fr, mis en ligne le 14 novembre 2015, consulté le 22 décembre 2015,
COËFFÉ (T), « Attentats : quelles conséquences légales sur internet et les réseaux sociaux ? », blogdumodérateur.com, mis en ligne le 12 janvier 2015, consulté le 22 décembre 2015,
GRONDIN (E), « Attentats à Paris: Les réseaux sociaux, entre aide précieuse et grand n’importe quoi », 20minutes.fr, mis en ligne le 16 novembre 2015, consulté le 22 décembre 2015,
MANILÈVE (V), « Comment les réseaux sociaux ont couvert les attentats du 13 novembre », slate.fr, mis en ligne le 14 novembre 2015, consulté le 22 décembre 2015,