On imagine les cinémas d’art et d’essai comme des salles inconfortables et mal équipées, ayant une clientèle d’érudits. Le 18 octobre dernier, le Ministre de la culture a célébré le cinquantenaire de ces établissements. Cet anniversaire est l’occasion de balayer ces clichés.
Pour commencer, il faut dire que ces salles sont plus nombreuses et plus performantes qu’on les imagine. En effet, on compte en France 1991 écrans dans 1024 établissements et 52,3 millions d’entrées en 2004, ce qui représente plus d’un tiers des salles françaises et plus d’un quart des places. Ainsi, 70% des communes équipées en cinéma possèdent des salles d’art et d’essai (chiffres communiqués par l’association française des cinémas d’art et d’essai –AFCAE-). Le Centre National de la Cinématographie (CNC) exige, pour la classification art et essai , des critères précis : proportion et diversité des films recommandés d’art et d’essai dans la programmation, un certain nombre de séances en version originale, une politique d’animation (comme des débats publics avec le réalisateur), etc. Quand un tel établissement est classé, il recevra une subvention du CNC qui peut atteindre 11 millions d’euros chaque année.
Pour qu’un film soit recommandé d’art et d’essai, un collège d’une centaine de personnes passe au crible les films en salle et procède à un vote, tout cela sous l’égide de l’AFCAE qui est mandaté par le CNC. On peut compter dans ce collège des distributeurs, des producteurs, des réalisateurs ou des personnalités des médias. Ainsi, en 2004, 60.5% ont reçu le label art et essai (les films français représentaient la moitié des décisions positives) dont Un long dimanche de fiançailles, Kill bill volume 2, Ladykiller ou Comme une image . Il n’y a donc aucun genre a priori qui ne puisse être classé d’art et d’essai. Mais les lois du marché obligent les multiplexes et salles classées à se partager la programmation de certains films, d’où l’existence de certaines tensions réglées par un médiateur nommé par le CNC. Néanmoins, il arrive parfois que la collaboration entre ces deux types d’exploitation donne lieu à une belle surprise tel que le succès des films d’animation d’Hayao Miyazaki, qui doit une partie de son succès en France aux cinémas classés.
Aujourd’hui la résistance des cinémas d’art et d’essai prend une nouvelle ampleur. Ainsi, le 15 janvier dernier s’est créée la Fédération des associations des spectateurs de cinéma (FASCINÉ), qui se bat pour les salles indépendantes classées ou non. Pour cela, le 3 décembre, FASCINÉ va organiser une journée nationale des cinémas indépendants. L’association est déjà soutenue par des réalisateurs tels que Ken Loach et Bertrand Tavernier. De ce fait, on peut dire que les cinémas d’art et d’essai ont de beaux jours devant eux et ne sont pas prêts de céder face aux géants que sont les cinémas multiplexes.
Source :
Studio magazine (numéro 212 de décembre).
Audrey RAPUZZI