Les réseaux sociaux sont dotés de plusieurs outils qui permettent la modération de contenu. Le premier est situé en dessous de la publication et permet aux utilisateurs de la plateforme de signaler un contenu. Le second est un algorithme ou Intelligence Artificielle (IA) qui permet d’effectuer un premier tri. Enfin, arrive le modérateur. Ces personnes physiques doivent traiter les milliers de signalement que reçoivent les plateformes chaque jour en suivant des consignes précisent qu’un algorithme ne peut pas prendre en compte.
En l’espèce, plusieurs musées autrichiens ont été censurés pour avoir publié des œuvres jugées indécente. La plateforme a retiré leurs publications concernant la collection comportant des nus. Ce n’est pas la première affaire concernant la censure d’œuvres d’arts par les réseaux sociaux avec pour justification constante la présence de nudité.
La censure excessive, une problématique difficile à résoudre pour Facebook
Dans le cas précité, plusieurs musées viennois ont relayés via leurs compte Facebook des tableaux de nu célèbre ainsi que des sculptures tels que la Vénus de Willendorf, une petite statuette âgée de 30 000 ans. La publication de ces œuvres leurs a value une censure de la part de Facebook pour nudité. D’autres artistes ou simple utilisateurs de la plateforme avait déjà subit le même traitement, à titre d’exemple on peut citer la photo de la « la fille au napalm ». En 2016, la plateforme a bloqué plusieurs comptes d’internautes norvégiens ( notamment celle du 1er ministre) pour avoir partagé cette photo.
“La petite fille au napalm”, 1972, Nick Ut. Prix Pulitzer 1973.
Pour comprendre les nombreux problèmes que rencontre la plateforme il convient de s’attarder sur le travail des modérateurs. Les « éboueurs du web » (1) sont confrontés à une réalité logistique les empêchant de pouvoir travailler correctement. Le rythme de modération imposé par la plateforme Facebook est de 2000 photos par heure, ils disposent d’une dizaine de seconde par publication afin de décider si cela est choquant ou non (2).
L’alternative de l’algorithme n’est pas envisageable à l’heure actuelle. En effet, aucune intelligence artificielle ne peux distinguer la nudité présente dans une œuvre d’art de la nudité sur un cliché à caractère pornographique, il faut nécessairement une intervention humaine. Ajoutons que les subtilités du langage tels que l’ironie ne sont pas détectable par une machine seul l’avis d’une personne physique peut être fiable concernant des subtilités de langage. Là encore, l’humain a ses limites, la plupart des centres de modérateurs se situent en Inde la culture et les références sont différentes de l’Europe ou des Etats-Unis. De plus, les critères de censure diffère d’un modérateur à l’autre. La plateforme essaie d’unifier ses critères de modération pour pallier ce problème. Néanmoins, dans la pratique ce système comprend de nombreuses failles.
Le manque de moyen, la censure préventive et la difficulté à distinguer l’art de la pornographie sont de nombreux obstacles à la diffusion de ces œuvres sur les réseaux sociaux. La confusion faite par les plateformes entre pornographie et nudité artistique se retrouve dès la possibilité de signaler un contenu. En effet, la case de signalement pour ce type de contenu s’intitule “nudité ou pornographie”.
Même si la plateforme Facebook a reconnu son erreur et dit avoir changé sa politique de modération dans les faits ce genre de problème arrive encore. C’est pourquoi, les musées viennois ont trouvé une solution originale pour contourner cette censure absurde.
Un site sans frontières ni censure, Onlyfans : une plateforme créée pour la diffusion libre de contenu
Après de nombreuses censures et plusieurs œuvres classées dans la rubrique nudité par l’algorithme de Facebook, les musées ont décidés de changer de plateformes. Ils se sont tournés vers la plateforme Onlyfans qui diffuse de nombreuses images et vidéos à caractères pornographiques. Cela est rendu possible sur cette plateforme par la mise en place d’abonnements privé pour filtrer le public.
Le choix des musées viennois de s’inscrire sur cette plateforme pour proposer ces nus d’artiste ne s’inscrit pas dans une réelle démarche d’entretenir ce type de compte ou d’assimiler ces œuvres à de la pornographie. Au contraire, les musées veulent dénoncer les problèmes de censures causés en premier lieu par les algorithmes et les modérateurs des réseaux.
Là encore, le caractère pornographique des œuvres d’arts est discutable dans la mesure ou certains artistes ont la volonté de choqué avec la nudité. Néanmoins, une œuvre représentant un nu est-elle moins choquante de par sa dimension artistique qu’une photo à caractère pornographique ? Il tiendra aux modérateurs d’apprécier au cas par cas la dimension artistique de chaque œuvre afin de ne pas généraliser l’équation nu égale pornographie et ainsi privé d’un accès à des chefs d’oeuvres à la jeunesse.
Concernant les œuvres réellement à caractère pornographique, ces dernières ont pu être considéré comme des œuvres de l’esprit relevant d’une certaine originalité par la cour de cassation (cass crim 6 mai 1986 « tout en déplorant voir l’esprit humain se consacrer à des tâches avilissantes, on est obligé malgré tout de constater que, même dans ce genre de films, la composition du scénario(…) représentent un certain travail que l’on doit bien qualifier de création intellectuelle ». Néanmoins leurs qualités d’œuvres de l’esprit n’emporte pas la libre diffusion de ces contenus choquants qui doivent être modérés pour que seul un public majeure libre et éclairé puissent y accéder.
La problématique de la censure sur les réseaux sociaux est en vogue depuis quelques années. En effet, après l’ascension des réseaux sociaux et la mise en place de ses outils de régulation nécessaire à leurs maintient, il est désormais important de mettre en perspective cette régulation pour éviter de tomber dans la censure automatique.
SOURCES :
- Pauline Chevalereau ,Arts-in-the-city.com, « Censurées sur les réseaux, des œuvres d’arts finissent sur le site pornographique Onlyfans», 26 octobre 2021
- Marin TEZENAS DU MONTCEL, ladn.eu, « Sur OnlyFans, les musées d’art autrichiens se déshabillent », 21 octobre 2021
- Annabelle Laurent, Usbeketrica.com, « Les règles de censure de Facebook (et leur absurdité) révélées », 22 mai 2017
- Hélène Bielak, Capital.fr, « Censure, fake news… qui sont les modérateurs du web ?», 12 janvier 2021, (1)
- Adrian Chen and Ciaran Cassidy, Documentaire « The Moderators», http://bit.ly/2oT5Zdb ,(2)