Le 28 octobre 2021, Mark Zuckerberg rebaptise la maison mère du réseau social Facebook en « méta », diminutif de métavers, qui n’est autre qu’un monde virtuel. Cette initiative témoigne de ces nouvelles préoccupations, à savoir la création d’un monde virtuel dans lequel les utilisateurs pourront communiquer, travailler et se divertir ensemble grâce, notamment, à des casques virtuels. L’intérêt est alors celui « de projeter la réalité des interactions sociales dans le numérique, au travers d’une expérience immersive ». Le monde virtuel mis en place par méta s’appelle « Horizon worlds ». Matérialisés par des avatars, les utilisateurs d’Horizon worlds peuvent provoquer des « contacts » virtuels entre eux. L’immersion qu’offre ce monde virtuel peut s’avérer troublante. En effet, certaines utilisatrices se disent victime d’agressions sexuelles.
La réponse pénale face à la problématique de l’agression sexuelle dans un monde virtuel
En droit français, l’agression sexuelle est définie par le droit à travers l’article 222-22 du code pénal : Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. L’enjeu est de déterminer si le droit pénal inclue le « contact » virtuel dans son interprétation d’atteinte sexuelle. La jurisprudence, sans se prononcer sur les agressions sexuelles dans ces mondes virtuels, semble considérer qu’un contact physique soit nécessaire.
En effet, dans un arrêt rendu le 3 mars 2021, no 20-82.399, la Cour de cassation estime que l’atteinte sexuelle suppose un contact physique entre l’auteur et la victime. En effet, la Cour rappelle que la partie du corps n’est pas déterminante dans la constitution de l’infraction. A l’inverse le contact physique, peu importe la zone, semble être un élément essentiel. En l’espèce, deux éléments sont pris en compte : le contact physique, peu importe lequel et le contexte du contact. Pour dire établi le délit d’agression sexuelle, est retenu le simple fait de caresser sa victime à même la peau du mollet aux genoux, dans un contexte particulier où l’auteur se trouvait en “semi érection”. Il se confirme implicitement que le délit d’agression sexuelle autre que le viol, en tant qu’« atteinte sexuelle », suppose un « contact physique entre l’auteur et la victime », comme le dit en ces termes le résumé de l’arrêt figurant sur le site de la Cour de cassation (mais non pas la décision elle-même…). Par définition, le monde virtuel exclut tout contact physique. C’est pourquoi, aujourd’hui, en droit français, ce genre de comportement ne pourra en aucun cas être constitutif d’une agression sexuelle.
Antoine Trillat, avocat en droit d’auteur et de la propriété intellectuelle, défend la théorie suivante : «celle du miroir déformant du droit pénal dans le métavers. En l’occurrence, les personnes poursuivies le seront, non pour agressions sexuelles ou viols, mais au titre de la loi sur le harcèlement ou de la haine en ligne. De même, si je poignarde dans la réalité virtuelle, je serais peut-être condamné à deux ans pour atteinte à l’identité, par exemple, mais pas à trente ans de prison pour meurtre. On voit donc bien qu’il y a là un droit à inventer.»
De plus, la réponse pénale se heurtera à d’autres obstacles : l’identification, dans le monde virtuel, de ces potentiels agresseurs. Son caractère décentralisé, anarchique et anonymisé n’aide en rien. «C’est bien là toute la difficulté du monde numérique : l’effectivité de la sanction du fait de la dissémination des moyens techniques et des acteurs. Il serait faux de dire qu’il n’y a pas de droit dans le métavers, il commencerait presque à y avoir trop de réglementations. Notre difficulté est bien la détermination des personnes, l’exequatur des décisions ou celle de la détermination du juge compétent.» rappelle Anne Cousin, avocate en droit numérique.
La réponse de Méta face à la problématique de l’agression sexuelle dans son monde virtuel
Méta, qui n’est qu’aux prémices de ses projets, a tout intérêt à proposer des alternatives qui permettront d’agir a priori pour protéger les utilisateurs afin de se préserver d’un départ chaotique. Pour ce faire, méta met en place des boucliers numériques par le biais des boutons de signalement en temps réel permettant de retrouver plus facilement les utilisateurs anonymisés du métavers. Aussi, est mise en place une safe zone. Sur le site officiel, elle est définie comme : “un espace personnel où vous pouvez vous isoler des autres utilisateurs et de votre environnement. Vous pouvez y mettre en sourdine, bloquer et signaler des contenus ou des personnes.”
Un autre moyen de prévention est mis en place : le “Personal Boundary” ou la “limite personnelle”. Cette dernière assure une distance d’un mètre les uns des autres. Vivek Sharma, l’ex-président d’Horizon, dans une interview déclare à ce propos : “Nous avons décidé d’activer la personal Boundary par défaut, tout le temps, parce que nous pensons que cela aidera à instaurer des normes de comportements – c’est important pour un médium relativement nouveau comme la VR (réalité virtuelle)”. Meta assure qu’il n’y aura pas de retour haptique via les manettes, c’est-à-dire une technologie qui reproduit des sensations de touché réelles sur une interface tactile via un mode de vibration. L’expression “code is the word”, qui sous entend que les normes juridiques du métavers émanent du codage informatique de la plateforme et de sa transcription pour les internautes dans les conditions générales d’utilisation n’a jamais semblé aussi vraie.
Sources :
France inter, Une Anglaise victime d’agressions sexuelles dans le métavers : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-m/l-edito-m-du-jeudi-03-mars-2022-1419764
Le figaro, Réalité virtuelle, délits réels: le casse-tête du respect des lois dans le métavers : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/realite-virtuelle-delits-reels-le-casse-tete-du-respect-des-lois-dans-le-metavers-20220817
Lextenso, agressions sexuelle : rencontre du troisième type : https://www-labase-lextenso-fr.lama.univ-amu.fr/gazette-du-palais/GPL421o7
Dalloz, code pénal jurisprudence article 222-22 : https://www-dalloz-fr.lama.univ-amu.fr/documentation/Document?id=CPEN002725&scrll=CPEN002719&ed=etudiants
Cour de cassation 3 mars 2021 no 20-82.399 : https://www.courdecassation.fr/en/decision/60424af53ea60656aa398df2#:~:text=La%20juridiction%20l’a%20relax%C3%A9,relev%C3%A9%20appel%20de%20cette%20d%C3%A9cision.
Huff post, Méta instaure la distanciation social dans son métaverse : https://www.huffingtonpost.fr/technologie/article/meta-instaure-la-distanciation-sociale-dans-son-metavers_191925.html
Lexis Nexis, Actes de colloque – Fiscalité des NFTs et du Metaverse – Une introduction – Etude par Caroline Lequesne-Roth : https://www-lexis360intelligence-fr.lama.univ-amu.fr/revues/Revue_de_droit_fiscal/PNO_RFISC/document/PS_KPRE-641284_0KTG?doc_type=doctrine_revue&source_nav=PS_KPRE-641260_0KTG&source=renvoi#PS_6