L’usage des lunettes IA : l’avenir du smartphone, comme l’affirme Mark Zuckerberg, ou une menace pour notre vie privée ?

par Laure MONTIGNEAUX, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques

Source : réseaux sociaux Threads, explootech.

L’évolution fulgurante des progrès des lunettes connectées nous pousse à nous interroger sur la dimension intrusive qu’elles peuvent avoir dans la vie de chacun. Mark Zuckerberg a présenté, lors de la conférence Meta tenue le mois dernier, l’intégration de l’IA dans les lunettes.

Lors de la conférence du 17 septembre 2025 qui s’est tenue à Menlo Park en Californie, le PDG de Meta a tenu ces propos : « Les lunettes seront fondamentalement le seul facteur de forme où vous pouvez laisser l’IA voir ce que vous voyez, entendre ce que vous entendez ». Selon lui, c’est le successeur du smartphone. Il a présenté le modèle Meta Ray-Ban Display, qui possède une lentille sur le verre droit pour afficher l’écran. Le bracelet Meta Neural Band, quant à lui, permet de piloter et d’activer discrètement l’écran, la caméra et les fonctionnalités de l’IA. En réalité, l’usage des lunettes IA dans la vie de tous les jours pose une question quant à l’intrusion abusive de cette technologie dans la vie de chacun. L’usage de ces lunettes IA ne viendrait-il pas troubler notre droit à l’image et notre sécurité en collectant et analysant des données personnelles ? Leur usage est une innovation mais leur bonne utilisation nécessite le respect des dispositions réglementaires.

Une technologie qui brouille les frontières avec notre droit à la protection des données personnelles 

Cette technologie présentée par Meta, qui arrive sur le marché européen début 2026, permet de passer des appels, de lire des messages, de faire des captures vidéo et photo de façon discrète, de suivre un itinéraire et d’obtenir des réponses à nos questions directement. Elles seront en quelque sorte nos yeux et nos oreilles en capturant des visuels discrètement et en nous facilitant nos recherches. Ces possibilités sont révolutionnaires mais peuvent être un risque pour le respect de notre vie privée. Par exemple, filmer une personne sans son consentement porte atteinte à son droit à l’image ou à son droit à la vie privée prévu dans le code civil.

Ces captations peuvent nous pousser à nous questionner quant à la sécurisation de nos données personnelles. À ce sujet, deux étudiants de Harvard ont conçu un logiciel d’IA fonctionnant avec le système de caméra des Ray-Ban de Meta pour analyser, grâce à un outil de reconnaissance faciale, le visage de chaque passant pour obtenir l’identité grâce aux informations trouvées sur internet. Ce projet a été fait pour démontrer la frontière entre assistance par l’IA et surveillance. Toutefois, Meta assure qu’il n’y a pas de problématique, car les lunettes possèdent une lumière qui s’active lors de la capture vidéo et photo, prévenant ainsi autrui.  Mais est-ce réellement suffisant ?

Ainsi, l’utilisation de ces lunettes IA peut toutefois être intrusive en captant des visages, des voix, qui peuvent être des données biométriques, dites sensibles au sens du RGPD, permettant d’identifier une personne. Tout traitement de ces données nécessite donc de respecter l’obligation de transparence en vertu des dispositions du RGPD et obtenir l’accord de la personne concernée.

Un droit au respect de la vie privée :  respect des dispositions du RGPD ? 

Selon la CNIL, l’obligation de respecter le RGPD dépend de l’usage qui est fait des lunettes. Si elles sont utilisées dans un cadre strictement personnel, le RGPD ne s’applique pas. Toutefois, on reste soumis au droit à l’image lorsqu’une photo ou une vidéo d’une personne est faite sans son consentement. En revanche, si on publie la vidéo en ligne ou qu’on l’utilise à des fins professionnelles ou commerciales, il faut appliquer les dispositions du RGPD. Par exemple,  un influenceur filme du contenu pour une marque et le poste en ligne. Il faudra donc indiquer sur quelle base légale les données sont collectées et analysées. En effet pour que le traitement des données soit licite, il faudra se fonder sur l’une des bases légales du RGPD : le consentement, le contrat, l’intérêt légitime, les missions d’intérêt public ou l’obligation légale. Il faudra également limiter la collecte des données à celles qui sont nécessaires au but poursuivi, en vertu du principe de minimisation des données.

Vers une régulation des lunettes IA avec l’AI Act

Par ailleurs, ces dispositifs technologiques pourraient être soumis à l’AI Act, qui est le règlement européen sur l’intelligence artificielle. Ce règlement serait le garde fou pour les lunettes IA en posant des limites lorsqu’il n’y a pas simplement une collecte mais une analyse des données qui sera jugée à haut risque.

Donc, l’usage de ces lunettes connectées pose un débat sans fin sur le cadre juridique qui devra s’appliquer. Le progrès et l’innovation technologique ne doivent pas porter atteinte à nos droits fondamentaux.

26 octobre 2025.