Internet a changé notre manière de vivre. Plus besoin de se lever de son canapé pour se faire livrer à manger, commander ses courses alimentaires pour la semaine ou encore recevoir les dernières tendances mode. Cet avènement a vite donné des idées aux dealers professionnels qui espèrent faire prospérer leur commerce de drogue en ligne.
L’Observatoire français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) note que les dealers font de leurs téléphones portables la clé de leurs trafics par le biais des réseaux sociaux. Les trafiquants exploitent les nouvelles technologies pour « fidéliser» le client, et donc le marketing et les outils numériques rivalisent d’originalité pour augmenter leur visibilité et améliorer leur image. Menus bien garnis, horaires de livraison, offres promotionnelles… Le deal de drogue sur les réseaux sociaux reprend le marketing d’une entreprise juteuse, répondant à la demande d’un public de plus en plus large. Oublions donc l’image du vendeur posté sous le porche d’un immeuble au cœur d’une cité ! Désormais, les vendeurs de drogue vont eux-mêmes vers le client et les chouchoutent.
Éphémères ou cryptées, ces applications facilitent le trafic mais complexifient énormément le travail des enquêteurs de police pour démanteler ces réseaux…
Les outils marketing traditionnels au service du monde du deal
Les dealers utilisent de plus en plus les outils marketing que l’on apprend dans des écoles de commerce pour l’appliquer dans l’univers de la drogue ayant pour but de fidéliser de plus en plus leur clientèle. Dans son rapport de 2017, l’OFDT analyse que « l’offre de drogue amène les trafiquants à aller vers les usagers plutôt que l’inverse dans un marché des drogues de plus en plus concurrentiel ».
Les dealers utilisent les réseaux sociaux pour mettre en avant des offres promotionnelles du type « jusqu’à minuit, 1 gramme acheté, 1 gramme offert » ou des ventes flash avec distribution à prix cassés, sur un lieu de rendez-vous annoncé aux clients à la dernière minute. A Marseille, d’autres trafiquants offrent des cadeaux tel que briquets, feuilles à rouler, échantillons avec des formules mises en place qui permettent au client, pour une certaine somme d’argent, de repartir avec sa marchandise mais de profiter également du goodies. Selon le journal « La Provence », les mêmes vendeurs vont jusqu’à éditer des cartes de fidélité. Ces cartes ressemblent à celles distribuées dans les boutiques avec un tampon à chaque passage et un cadeau une fois la carte remplie.
Puis des livres de recettes à base de cannabis, tout comme les fameux space cake, gâteaux cuisinés avec la plante psychotrope, étaient proposés à la vente. Les policiers ont également découvert des prospectus distribués à la sortie des facultés incitant les étudiants à « se détendre comme jamais » ou encore à « voler dans les nuages » avec « Shit and co », un service « d’Uber shit ». Ces offres faites aux étudiants et jeunes actifs s’éloignent du deal de cité et sont donc plus attrayantes pour ces derniers.
Les dealers d’aujourd’hui vont même jusqu’à soigner la présentation de leurs produits et la présentation de la drogue. Ils remplacent le pochon transparent traditionnel servant à transporter la drogue par des sachets plastiques et personnalisés, sérigraphies à l’effigie de leur quartier ou à celle de personnages de fiction comme Captain America ou encore Bob l’Eponge.
Les drogues elles-mêmes sont visuellement plus attractives car elles peuvent se présenter sous forme de comprimés colorés avec de jolis logos branchés, tel Ferrari ou Pacman, en passant par des smileys.
Les influenceurs de la drogue
Le commerce de ces drogues est très facilité par le fonctionnement des applications sur nos smartphones. Aux côtés de SMS et du « dark web », des post sur les réseaux sociaux comme Snapchat, WhatsApp et Instagram, sont de plus en plus nombreux pour la promotion de la drogue à l’ère du numérique.
Ainsi, des « community managers » sont embauchés par les plus gros trafiquants pour gérer les réseaux sociaux et organiser les livraisons. Ils vont même jusqu’à organiser des tombolas et des concours de photos pour fidéliser la clientèle. Le journal « Le Parisien » décrit que « des films, des photos montage et des menus de la marchandise sont envoyés toute la journée aux clients sur la messagerie instantanée ».
L’on peut prendre l’exemple de l’affaire « Shit and co » où quatre hommes ont mis en place un vaste trafic de drogue par l’intermédiaire de Snapchat dans la ville d’Angers. Les chiffres sont spectaculaires en comptant 1300 clients, un chiffre d’affaire allant jusqu’à 50 000 euros par mois, 12 kilogrammes de cannabis écoulés mensuellement et une dizaine d’employés. Les réseaux sociaux facilitent le contact entre consommateurs et dealers et participent donc à une banalisation de la consommation et à la vente de stupéfiants.
Plus récemment, un rappeur, Mister You, avait fait la promotion d’un point de vente de drogue sur l’application au petit fantôme dans une vidéo qui avait été visionnées plus de 27 000 fois. Le rappeur a été condamné fin octobre de cette année à porter un bracelet électronique pendant les douze prochains mois.
Un autre réseau social où trouver son dealer est aussi simple qu’un hashtag est Instagram. Ce réseau compte plus de 10 millions de publications avec l’hashtag #weed, 4,5 millions pour #cannabis, plus de 350 000 pour #cocaine et quelque 150 000 pour #mdma. De plus, certains utilisateurs filment leur prise de drogue et la postent sur Instagram puis sont contactés directement par les dealers. Encore une fois, le contact et le prix sont établis sur le réseau social, l’échange d’argent se fait en face à face ou via des plateformes de paiement en ligne. Sur Instagram, les fervents consommateurs voient également une manière plus simple et moins dangereuse de se fournir en diverses drogues car on ne trouve pas seulement des drogues illégales mais aussi des médicaments dont les prescriptions sont dures à se procurer comme par exemple Xanax, Oxycodone, Adderal… toutes ces marchandises se vendent sur le marché noir qu’est devenu Instagram, à la base réseau social de publication de photo.
Le problème avec les réseaux sociaux, et donc les nouvelles technologies, est que chaque réseau a des fonctionnalités qui ne permettent pas aux policiers et enquêteurs de faire au mieux leur travail. Du coté de Snapchat, les « stories » disparaissent au bout de 24 heures tandis que les conversations sur WhatsApp, pour la vente de cocaïne et MDMA en région parisienne, sont totalement chiffrées. Le service de messagerie rappelle qu’elle « n’a pas le moyen de voir le contenu des messages ni d’écouter les appels parce que le chiffrement et le déchiffrement des messages envoyés sur l’application se font entièrement sur l’appareil de l’utilisateur ». La messagerie ne peut fournir des informations que dans le cadre d’une commission rogatoire. Mais ces services communiquent « seulement les données des comptes en accord avec ses conditions de service et les lois applicables ». Ces conditions sont par conséquent floues et limitent les possibilités pour les autorités d’obtenir des informations.
Concernant Instagram, le porte-parole rappelle que « vendre ou acheter de la marijuana ou d’autres drogues va à l’encontre de nos conditions d’utilisations ». L’application compte sur ses utilisateurs pour faire fermer les comptes en les signalant via l’outil en ligne mais cette fermeture engendre la création d’un autre compte à l’identique dans les plus brefs délais.
Par conséquent, la courte durée de vie des stories, le chiffrement des conversations et la création permanente de comptes illégaux rendent l’exploitation des données contenues dans le téléphone portable des dealers peu efficace. Un véritable casse-tête pour les autorités qui prennent ce nouveau trafic très au sérieux même si elles se retrouvent face à un défi qu’elles vont avoir du mal à relever.
SOURCES :
- CNET – ” Le business de la drogue : quand les dealers s’approprient les codes du marketing digital ” par Fabien Soyez – 6/05/2019
- BFMTV – “Snapchat, Whatsapp : les nouveaux codes du deal 2.0” – 02/08/2019
- Ledauphine.com – “Sur Snapchat, le rappeur avait fait la promotion d’un point de vente de drogue” – 31/10/2019
- Vice – ” Instagram est le nouveau terrain de jeu des dealers”