JEUX VIDEO ET CINEMA : L'EQUATION DU SUCCES

Bien qu’appartenant à une seule et même industrie, celle de ” l’entertainment ” ou du divertissement, jeux vidéo et cinéma ont longtemps suivi des chemins séparés au royaume du multimédia. Le 7 ème art voyait en effet d’un mauvais œil que l’on considère les jeux, produits ludiques par excellence, et pour la plupart dénués de véritables qualités artistiques ou scénaristiques, comme des œuvres à part entière… Mais l’avènement du numérique et les difficultés rencontrées par le cinéma ont profondément remis en question cet état de fait : les jeux vidéo, grâce aux progrès technologiques, ont gagné en puissance, en graphisme et en réalisme   ; les studios d’Hollywood, boudés en salles par leur public mais disposant de juteux catalogues de droits, ont décidé de valoriser leur patrimoine par le biais de contrats de licence de droits d’auteur. Aujourd’hui, on ne compte plus les jeux tirés de longs métrages à succès : Star Wars, Matrix , Shrek, Le Seigneur des Anneaux, Spiderman,…(1)

Extrait du jeu vidéo Le Seigneur des Anneaux

© www.playfrance.com

Les jeux vidéo proposent désormais des scénarios, et une réalisation proche de celle d’un film (séquences vidéos, motion capture , etc.) ; l’éditeur américain Electronic Arts a ainsi fait appel à Steven Spielberg en personne pour trois projets de jeux, et Walt Disney a embauché l’équipe d’effets spéciaux du réalisateur Peter Jackson pour mener à bien le développement du jeu Le Monde de Narnia . Mais ce n’est pas tout : dorénavant, la sortie des jeux vidéo précède parfois celle des long métrages… pour des raisons marketing. Ce délai permet aux distributeurs de mettre les nouveaux jeux dans leurs rayons pour la sortie des films, et aux studios d’organiser des campagnes de publicité conjointe avec les fabricants de produits dérivés. Edité par Electronics Arts, le programme Harry Potter et la coupe de feu a ainsi été lancé en France le 10 novembre ; le film produit par Warner Bros., lui, ne sortira sur les écrans que le 30 novembre… Chicken Little et King Kong suivront un planning de lancement similaire.

Depuis quelques années, le cinéma s’inspire également des jeux vidéo, soit directement (en adaptant les jeux à l’écran – Resident Evil, Final Fantasy, Tomb Raider…), soit indirectement, en recréant un univers onirique proche du monde virtuel auquel sont habitués les gamers (Matrix, Matrix Reloaded, Matrix Revolutions…). Mais seule la trilogie Matrix (1999-2003) et Tomb Raider , ont connu du succès au box-office   ; les autres adaptations se sont soldées par de cuisants échecs commerciaux. Comment expliquer que l’alchimie entre jeux vidéo et cinéma soit si fragile ? La réponse tient dans la nature du média   : actif dans un cas, narratif dans l’autre. Pour le joueur, ce qui importe avant tout, c’est le plaisir de maîtriser, de gérer, de diriger, même s’il n’est au final qu’illusoire… Pour le spectateur, c’est l’histoire, l’émotion, la contemplation ; la performance technique ne suffit pas. L’équation du succès est ainsi faite qu’elle n’est pas complètement réversible.

Source :

•  Marc Cherki, « Jeux vidéo et cinéma : la combinaison gagnante », Le Figaro Economie , 31 octobre 2005

Notes :

(1) Dans certains cas, les films, tirés de romans, résultent eux-mêmes d’une adaptation. C’est le cas de Spiderman , du Seigneur des Anneaux…

Benoît LANDOUSY