La reprise de Havas par Vincent Bolloré suscite de nombreux conflits internes. En effet, il est prévu que le premier actionnaire et président du sixième groupe mondial dévoile son plan stratégique le 15 décembre. Cependant cette transaction ne se fait pas sans remous. Depuis le départ du directeur financier, Jacques Hérail, plusieurs contestations et remarques émanent des salariés de l’entreprise. Mais beaucoup de salariés de l’agence Euro RSCG ont été unanimes à condamner la mauvaise manière faite à Jacques Hérail.
Les cadres dirigeants de Havas ont accusé M. Hérail de ne pas avoir informé le conseil administratif de tous les détails des clauses de conscience signées par l’ancienne direction avec les anciens dirigeants du groupe (Alain Cayzac, Jacques Séguéla et Fernando Rodes et M. Pouzilhac qui en a bénéficié). Ainsi après 21 ans d’ancienneté, M Hérail est licencié pour faute grave. Cet ancien PDG, M.Pouzilhac, a touché 7,8 millions d’euros d’indemnité de départ (et l’ensemble des autres clauses atteindrait environ 20 millions d’euros).
Le licenciement de M. Hérail pour faute grave peut priver celui-ci de ses indemnités calculées sur ses 21 ans d’ancienneté. Il se dit même prêt à plaider sa cause devant les prud’hommes.
Ainsi s’il paraît évident que M. Hérail ait commis une faute grave à l’égard des autres cadres dirigeants, il en est tout autrement pour certains d’entre eux. Des tensions internes peuvent scinder en deux groupes les salariés de l’entreprise.
L’autre problème que connaît l’entreprise concerne la reconnaissance de la légitimité du directeur général, M. Wahl. Il est le plus souvent considéré par les salariés comme étant un directeur financier et administratif non pas le directeur général de Havas
Cet épisode illustre toute la difficulté de cohabitation que rencontre la nouvelle équipe de direction, entre les financiers et les créatifs et opérationnels. Quant à M. Bolloré, actionnaire d’Havas à 23,8 %, il s’est jusqu’a présent contenté de prendre la présidence non exécutive. Il va devoir s’impliquer davantage dans la gestion directe du groupe. D’autant plus, que le nouvel actionnaire souhaite imposer sa marque dans la maison et surveiller de près les comptes.
Hérail est conscient que M. Bolloré n’est pas prêt à payer pour laisser partir les gens. Aujourd’hui, après la démission de M. de Pouzilhac, puis de M. Hérail, Alain Cayzac du groupe Euro RSCG veut à son tour quitter Havas. Surgira alors le problème lié à l’application de la clause de conscience.
D’autres cadres ont préféré rester, considérant que leur avenir était lié à Havas tant qu’ils gardaient une marge de liberté. “En fait, nous avons deux patrons, le patron au sens classique du terme, et le client. A l’équilibre des deux, nous avons une liberté” , affirmait la semaine dernière Mercedes Erra, l’un des directeurs généraux d’Havas, lors d’une conférence organisée par le quotidien Les Echos.
Un autre départ, par consentement mutuel cette fois, celui de James Heekin, le patron du réseau Euro RSCG, est en cours. Comme les relations étaient tendues entre ce cadre et les équipes françaises, M. Heekin a préféré partir et accepter un poste chez le britannique WPP.
Ces remous interviennent à la veille du dénouement, prévu le 25 novembre, du dossier Aegis, dont M. Bolloré est également le premier actionnaire, et qui pourrait influer sur la stratégie d’Havas. M. Wahl doit annoncer, avant la fin de l’année, dans le cadre du plan stratégique, une réorganisation du groupe publicitaire. Celle-ci devrait concerner en priorité Euro RSCG, qui représente environ 70 % des revenus d’Havas. Autant dire que les tensions sont loin d’être apaisées.
Source: Le Monde du 25 novembre 2005
Amanda MAHABIR