EBAUCHE DE REGIME POUR LES ŒUVRES MULTIMEDIAS

La séance plénière du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) du 07 décembre a retenu l’attention pour l’examen du rapport relatif à la distribution des œuvres en ligne. Mais, dans l’ombre de ce dernier, un deuxième rapport, fort intéressant, a également été entériné ; il porte sur les aspects juridiques des œuvres multimédias.

Demandé par le Ministre de la Culture, ce texte présente « les moyens juridiques propres à améliorer la place des créateurs » de tels œuvres, sur le plan national et international. Ainsi, après avoir rappelé les difficultés d’appréhension de ces créations au regard du droit commun, le rapport propose de nouvelles pistes afin de leur ériger un régime propre. Ce dernier, in fine, devrait améliorer l’exploitation économique des œuvres multimédias et garantir une parfaite sécurité juridique. Une définition précise est également établie.

L’œuvre multimédia est ainsi caractérisée par cinq points principaux : la présence d’éléments de genres différents ; l’indifférence du support ou du mode de communication ; l’interactivité avec l’utilisateur ; une identité propre, dépassant les éléments qui la composent ; un programme régissant la structure et l’accès à l’œuvre.

L’ébauche de régime proposée reprend un certain nombre d’éléments relatifs aux œuvres de collaboration et aux œuvres collectives. En voici les points principaux.

Tout d’abord, la qualité de coauteur ferait l’objet d’une présomption, comme cela est le cas pour les œuvres audiovisuelles. Cependant, au vu de la spécificité des œuvres en question, l’idée d’une liste d’auteurs présumés a été rejetée. Afin d’assurer plus de souplesse, cette présomption s’apprécierait matériellement, en fonction de quatre types d’apports, considérés comme les plus essentiels : la réalisation ; la création du scénario interactif ; la conception graphique ; la composition musicale. Ce régime de présomption est beaucoup plus conforme à la réalité ; plusieurs personnes peuvent avoir participé à une seule fonction et, inversement, une seule personne peut en avoir assumé plusieurs. Elles seront néanmoins toutes coauteurs au même titre.

Ensuite, pour l’exploitation de l’œuvre, il serait établi une présomption de cession des droits au profit de la personne qui en a pris l’initiative et en a dirigé la création. Ce système devrait être adapté pour le cas spécial du jeu vidéo, afin d’assurer aux studios, non seulement une rémunération forfaitaire initiale, mais aussi une rémunération proportionnelle en fonction des recettes de l’exploitation.

A part ces spécificités, le droit commun de la propriété intellectuelle s’appliquerait pour tous les autres aspects, comme la rémunération des auteurs ou le droit moral. Le régime ad hoc ainsi établi serait néanmoins d’ordre public, c’est à dire qu’il se superposerait automatiquement aux régimes des différentes composantes de l’œuvre. Ces dernières peuvent cependant toujours faire l’objet d’une exploitation séparée par leurs auteurs, pour peu qu’elles soient individualisables. Nous retrouvons là l’une des principales caractéristiques du régime de l’œuvre de collaboration.

C’est donc un statut tout à fait hybride qui a été retenu, afin de mieux appréhender la spécificité du multimédia. Toutefois, celle-ci est telle que le Conseil recommande de lancer de nouvelles études, en partenariat avec les professionnels du secteur, afin de cerner définitivement les besoins à satisfaire juridiquement.

Source : http://www.culture.gouv.fr/culture/cspla/conseil.htm

Philippe MOURON