NOM DE DOMAINE : LA COUR DE CASSATION CONFIRME L'APPLICATION DU PRINCIPE DE SPECIALITE.

Le principe de spécialité posé à l’article L713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle énonce dans son alinéa 1 que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. »
Dans un arrêt du 13 décembre 2005, la Cour de Cassation a ainsi rappelé qu’en cas de litige entre un nom de domaine et une marque, le principe de spécialité devait s’appliquer.
Cette décision remet en cause la pratique de certaines sociétés qui déposaient leur marque dans différentes classes et, notamment, dans la classe 38 correspondant aux «  services de télécommunication » afin de se prémunir contre la réservation par un tiers de mauvaise foi d’un nom de domaine similaire a leur marque. Leur raisonnement se base sur le fait qu’un site internet étant un service de télécommunication, le nom de domaine qui y est associé est nécessairement contrefaisant.
La première chambre civile de la Cour de Cassation vient de condamner cette théorie en cassant l’arrêt d’appel qui s’en est fait l’écho. En l’espèce, une société spécialisée dans l’organisation et la vente de voyages qui avait enregistré la marque « Locatour » pour des produits et des services de la classe 38 a assigné en contrefacon une société ayant réservé le nom de domaine « locatour.com ». la cour de cassation a rappelé que pour être contrefaisant, le nom de domaine doit être associé a un site internet offrant des produits ou des services identiques ou similaires à ceux de la classe 38. Or en l’espèce, le site n’étant pas exploité, il n’y avait ni produits ni services proposés. Il n’était donc pas possible d’effectuer une comparaison avec les services de télécommunication.
De plus, la société défenderesse étant spécialisée dans l’acquisition, la gestion, le contrôle et la cession de portefeuille de participation, il est probable que les activités offertes par le site n’auraient pas été identiques ou similaires avec celles de la classe 38.
Mais le principe semble conserver son exception : une marque antérieure ne peut obtenir le retrait d’un nom de domaine postérieur utilisé pour des activités différentes sauf si la marque est notoire puisque précisément cette renommée permet d’aller au delà du principe de spécialité.
C’est ce qu’a rappelé le TGI de Nanterre dans un jugement du 14 mars 2005. Mme Milka BUDIMIR, qui exercait une activité de couturière depuis 14 ans, était titulaire du nom de domaine Internet milka.fr. La société KRAFT FOODS, titulaire de la marque MILKA déposée il y a plus d’un siècle et dont la notoriété n’est pas contestable dans le domaine des chocolats, a assigné Mme BUDIMIR afin d’obtenir la rétrocession du nom de domaine. Le TGI de Nanterre lui donne raison par jugement du 14 mars 2005 en considérant que le fait d’utiliser le prénom de Mme BUDIMIR ne lui donne aucun droit, pas plus que le fait d’avoir réservé un nom disponible sur Internet.
Le Tribunal retient ainsi que Madame MILKA BUDIMIR a fait une utilisation injustifiée de la marque notoire MILKA de nature à banaliser la dite marque et à affaiblir son pouvoir distinctif (le site de Madame MILKA BUDIMIR était sur fond de couleur mauve comme la couleur des emballages du chocolat).

Sources : avocats-publishing.com ; legalis.net

Juliette PRAVIN