GOOGLE NEWS : CONTREFACON OU PARASITISME ?

L’Association Mondiale des Journaux (AMJ) dénonce une atteinte aux droits d’auteur des journalistes, qui serait perpétrée par les moteurs de recherche. Beaucoup de ces derniers utilisent les textes et photos publiés par les périodiques, ainsi que les dépêches d’agences, pour des services spécialisés d’information, tels Google News.

Cette pratique est qualifiée d’inadmissible par l’AMJ, qui souhaite y mettre un terme. Selon elle, lesdits moteurs de recherche exploitent et tirent profit du contenu éditorial sans bourse délier, alors même que de telles utilisations devraient être autorisées par les titulaires des droits. Une réunion s’est tenue fin janvier, regroupant différentes organisations professionnelles de la presse, afin d’établir les constats nécessaires pour caractériser ces infractions et envisager des mesures sérieuses. Aucune action n’est encore envisagée sur le plan judiciaire ; il s’agit seulement, pour l’instant, de proposer une solution générale, qui puisse valoir pour l’ensemble de la presse, en concertation avec ses différents acteurs.

La conclusion d’accords au cas par cas semble dépassée aux yeux des responsables de l’AMJ  et ne garantit pas une sécurité juridique adéquate. Une affaire similaire avait déjà opposé l’Agence France Presse (AFP) à Google, il y a presque un an, pour ces raisons. Même si le moteur de recherche avait accepté d’écarter les informations fournies directement par l’AFP, il était évident que celles-ci seraient de toute façon reprises par les nombreux périodiques qui s’y approvisionnent… puis tout simplement par Google News. Une bonne protection des droits d’auteur nécessiterait donc de repenser tout le système pour prévenir de tels contournements. L’AMJ s’orienterait donc en ce sens.

On peut néanmoins se demander si cette attitude ne traduit pas à nouveau une extension contre nature du droit d’auteur, poursuivant des intérêts pécuniaires. Que les journalistes soient rétribués pour la réutilisation de leurs créations est une chose normale, et le régime de propriété intellectuelle qui leur est applicable le prévoit expressément. Mais que cette même protection s’étende à de simples informations peut paraître quelque peu abusif ; nous pensons ici bien sûr aux dépêches d’agence. L’exemple de l’AFP précité nous le démontre : si les mêmes éléments sont susceptibles d’être repris dans différentes publications, leur statut n’est-il pas celui d’informations ? La jurisprudence en la matière a toujours refusé de protéger les dépêches d’agence, justement au motif de leur caractère informationnel (voir, à ce titre, les notes du § 107 figurant sous l’article L 112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle). Seul le commentaire qui en est tiré par un journaliste peut bénéficier de la protection du droit d’auteur. A défaut de cette protection, les agences peuvent toujours intenter une action en parasitisme ou en concurrence déloyale, ce qui a également été reconnu par les juges.

La limite entre informations et idées nécessite donc d’être clairement établie avant de poursuivre la démarche qui vient d’être engagée. Celle-ci devrait logiquement se scinder en deux volets : d’un côté, celui des journalistes dont les articles sont repris, qui peuvent invoquer le respect de leurs droits d’auteur ; de l’autre, celui des agences de presse, qui sont en droit d’alléguer des actes de parasitisme, du fait de la réutilisation de leurs dépêches.

Source : http://www.01net.com


Philippe MOURON