LA SOCPRESSE AMPUTEE DU POLE RHONE-ALPES : FIN DE LA CONCENTRATION ?

La Socpresse vient de se séparer de ce qui lui semblait être un « boulet » régional : le pôle Rhône-Alpes. Boulet car, d’après les propres déclarations de Serge Dassault, le groupe ne devrait plus se soucier désormais que du Figaro et se débarrasser des journaux qui perdent de l’argent. Cette opération viendrait achever le processus de délestage engagé depuis quelques mois ; récemment encore, une partie de L’Express a été cédée au groupe belge Roularta (article « Cession partielle de L’Express à un groupe belge », par Philippe Mouron, le 24 novembre 2005), suivant ainsi les cessions du pôle Ouest (« Ouest France rachète le pôle Ouest de la Socpresse », par Emilie Rosso, le 07 novembre 2005) ou encore de La Voix du Nord et du Progrès. L’ensemble de ces cessions aura permis à Dassault de récupérer près de la moitié des sommes investies pour le rachat de la Socpresse, qui a eu lieu en 2004.

Les quatre quotidiens régionaux (Le Progrès de Lyon, Le Dauphiné libéré, Le Bien Public et Le Journal de Saône-et-Loire) concernés par la dernière cession, en date du 06 février, vont passer sous le contrôle du groupe France Est Média, filiale de L’Est Républicain. Le groupe deviendrait du coup l’un des plus importants en France, sa zone de diffusion totale s’étendant sur une grande partie de l’Est de la France, avec différents quotidiens régionaux ou locaux. Selon les statistiques, elle représenterait près de 1,3 million d’exemplaires par jour. L’opération doit encore être validée par les autorités de régulation de la concurrence, risquant d’amener le cessionnaire à dépasser les seuils fatidiques en termes de concentration. Outre cela, elle est loin de faire l’unanimité au sein des journalistes, que ce soit du côté des publications cédées comme de celui de celles déjà détenues par le groupe.

En effet, les intentions affichées par le nouveau propriétaire laissent augurer un regroupement informel des moyens financiers et rédactionnels, dans le but de faire des économies. L’échange de contenus rédactionnels, la centralisation des régies publicitaires, l’uniformisation des rédactions, la disparition éventuelle de certains titres, … toutes sortes de mesures, évoquées par Gérard Lignac, patron du groupe, que redoutent les journalistes, déjà échaudés de ne pas avoir été consultés pour la décision de cession. Leur crainte serait de plus corroborée par les dettes très importantes qui grèvent non seulement le groupe cédé mais aussi le groupe cessionnaire. Une vaste restructuration serait en effet la bienvenue pour mettre un terme à cette situation. Le Syndicat National des Journalistes a fait part de ses vives inquiétudes quant à l’avenir des rédactions et entend bien être associé aux prises de décision.

L’ancien empire Hersant, critiqué en son temps pour sa forte concentration, se trouve donc définitivement démantelé, donnant naissance à des oligopoles non négligeables, comme celui qui vient d’être évoqué. La nouvelle politique de survie des titres de presse semble donc passer à une nouvelle phase de déconcentration des blocs nationaux, alimentant la concentration des titres locaux.

Sources :
http://www.liberation.fr ;
http://www.lemonde.fr .

Philippe MOURON