A la Bibliothèque Nationale de France, se sont réunis les cinémathécaires afin de discuter du devenir et de la destination des bandes, bobines et archives « non-film » qu’ils conservent. En effet, de nouvelles questions se posent : pourquoi, pour qui conserve-t-on ? Le Plan nitrate qui a permis la restauration de 15 000 films sur 15 ans depuis 1990 a pu se faire grâce à l’identification des ayants droit de chaque œuvre restaurée. Le droit est de plus en plus présent, dés qu’on catalogue, on valorise et cela implique de prendre en compte les ayants droit. A priori, rien de nouveau puisque le droit d’auteur n’est pas propre au cinéma, mais les droits d’un film ainsi que son statut d’œuvre de collaboration compliquent les choses, si bien que Pathé-Gaumont Archives, reconnue comme une entreprise privée « modèle » est obligée de ralentir ses initiatives lorsqu’elle veut conserver et valoriser ses fonds. Ainsi sa directrice Martine Offroy, par ailleurs vice-présidente de la Cinémathèque française déclare : « Aujourd’hui c’est trop compliqué de mettre en route une restauration : untel dit « j’ai le matériel », un autre, « j’ai un meilleur matériel », un autre encore, « c’est moi qui détiens les droits », et en attendant, les films s’abîment ». Le rôle du CNC est flou comme le rappelait Boris Todorovitch, directeur des actions patrimoniales au CNC lors des journées 2005. En effet, le CNC finance à la fois le dépôt légal aux Archives françaises du film de Boris d’Arcy et des institutions comme la BNF et la BIFI. Un inventaire national de tous les films, trans-archives qui devrait être une priorité, nécessiterait 20 ans et 2 millions d’euros mais le CNC manque de crédit pour cela, aussi Boris Todorovitch a des difficultés à accomplir sa mission et déclare : si le patrimoine, c’est ce qui est accessible à tous, ce n’est pas le cas pour le cinéma ».
De plus, les archives de cinéma risquent de délaisser l’intérêt national et ne servirent que de fournisseurs de contenu comme par exemple la Cineteca de Boulogne qui permet aux distributeurs un dépôt gratuit contre une projection gratuite par la cinémathèque, de leurs films.
Dans les années 1980, les catalogues de droits de diffusion des films bénéficient d’une forte hausse grâce à la diffusion télé et provoquaient déjà avec les premières ventes de VHS en 1986 puis de DVD en 1997 des tensions juridiques.
Aux 4ème Journées d’études européennes sur les archives de cinéma et d’audiovisuel, les représentants de l’Ina parlaient VOD, Télévision sur portable, haut débit, triple play et promettaient aux professionnels plutôt agacés 240 000 heures en ligne et aux particuliers 10 000 heures.
Devant le durcissement juridique, le directeur de la Bibliothèque du film (BIFI), Marc Vernet se réjouit déjà de la fin de la mise en ligne. En Italie, le Progetto Chaplin (lancé en 2002 par la Cineteca de Bologne) a permis en 2002 de numériser et de mettre à disposition des centaines de milliers de documents non-film et donc de coordonner les intérêts des ayants droit et des investisseurs, cette réussite locale (la Cineteca est municipale) et extraterritoriale (via le Net) promet à l’archive l’espoir d’un bel avenir.
Il est à souhaiter que l’évolution de la technique et du droit poussera le privé et le public à mieux collaborer et à poursuivre un dialogue fructueux.
Source : Cahiers du Cinéma de février 2006
Laurie MOUNE