GOOGLE ARRACHE UN COMPROMIS FACE AU MINISTRE DE LA JUSTICE AMERICAIN

Dans le cadre du très controversé Child Online Protection Act (COPA), le Ministre de la Justice américain a demandé à Google, en janvier dernier, de lui fournir un échantillon de requêtes formulées par des internautes ainsi qu’un certain nombre de sites Web référencés par le moteur de recherche (un million de chaque). Ce dernier s’y est alors fermement opposé, considérant qu’il y avait atteinte au respect de la vie privée des personnes. Un accord a finalement été trouvé entre les deux parties.

La loi précitée avait été déclarée inconstitutionnelle sous sa première forme en 1998. Révisée depuis, et entrée en vigueur, elle vise à assurer la protection de l’enfance et de l’adolescence face aux contenus en ligne ; les sites à caractère pornographique sont les cibles principales de ce dispositif juridique, qui exige des moteurs de recherche que toutes les précautions soient prises pour en rendre l’accès impossible à des mineurs. Les moyens mis en œuvre pour son application font débat depuis fort longtemps.

D’après le Ministre de la Justice, la collecte des requêtes et des sites visait seulement à en mesurer la fréquentation et à vérifier si les dispositifs techniques étaient suffisamment efficaces. Faux selon Google, qui qualifiait de fallacieux ces arguments ; selon la société, la collecte des données de connexion, qui sont indirectement des données personnelles, ouvre la porte à des dérives beaucoup plus graves, dont le Gouvernement des Etats Unis ne se priverait pas, notamment au nom de la lutte contre le terrorisme. La demande du Ministère de la Justice ne serait qu’un coup d’essai, visant à tester les capacités à recueillir des données sur les individus, dans l’attente de nouveaux projets.

La société a été soutenue dans son argumentaire par bon nombre de juristes et d’associations de défense des consommateurs. Beaucoup voient en effet, dans la demande du Gouvernement, l’immixtion de l’Etat dans la vie privée des personnes et craignent les atteintes portées aux libertés civiles et à la liberté personnelle. Le cas Google est même devenu emblématique, étant le seul à avoir résisté aux requêtes du Ministre, contrairement à ses concurrents tels que Yahoo, AOL, ou MSN.

L’aventure était trop belle pour être vraie et Google cachait mal une certaine hypocrisie. En effet, au même moment, la société parvenait à un accord avec le Gouvernement Chinois dont l’objet était le filtrage de son moteur de recherche pour les internautes de Chine. Toutes les pages Web relatives aux dissidents dans ce pays seraient alors automatiquement exclues ; les mots jugés « subversifs » par le Ministère de la Propagande ne donneraient aucun résultat de recherche. Google s’est trouvée dès lors sous le feu des critiques, accusée de partialité, d’incohérence et d’arrivisme. Même les autres moteurs de recherche, qui avaient aussi collaboré avec le Gouvernement Chinois, n’ont pas été autant lapidés !

Citée à comparaître, la société semblait avoir perdu d’avance cette bataille pour les libertés. Il n’en sera finalement rien, grâce à un jugement qui vient d’être rendu, fixant les bases d’un compromis avec le Gouvernement.
Si le principe d’une collecte est conservé, seules les adresse Web pourront être demandées, leur nombre étant par ailleurs considérablement réduit (50 000, pour n’en étudier qu’un échantillon de 10 000). Le juge a considéré que les données de requêtes n’étaient pas nécessaires pour l’étude du Ministère ; leur utilisation porterait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée des citoyens par rapport aux considérations d’intérêt général censées la justifier. Les internautes sont donc saufs ! Le jugement est déjà porté en nouveau symbole de la lutte contre les ingérences de l’Etat, au nom de la défense des libertés personnelles, tel le respect de la vie privée. Le juge en a fait sa priorité dans cette affaire.
Le Ministre de la Justice déplore cette solution, assurant que toutes les garanties auraient été prises pour la protection des données recueillies.

L’affaire se conclut donc sur une note positive pour les libertés et pour Google, qui a largement été mise à mal dans son déroulement.

Source : http://www.zdnet.fr
Philippe MOURON