LA VERSION MAROCAINE DU DADVSI : REPRODUCTION OU ADAPTATION ?

L’adaptation de la propriété intellectuelle à l’environnement numérique devient une nécessité au niveau transnational. Nombreux sont maintenant les Etats à réformer leur législation, depuis les accords ADPIC de 1996 ; le premier a été les Etats Unis, avec le Digital Millenium Copyright Act, de 1998, dont l’esprit a été repris pour le projet de loi DADVSI, récemment débattu et voté à l’Assemblée Nationale française. Le même débat s’est exporté de l’autre côté de la Méditerranée, spécialement au Maroc.

Ainsi a eu lieu, ces 03 et 04 avril, un séminaire national relatif aux Droits d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information ; l’utilisation de l’intitulé du projet de loi français est certainement volontaire, soulignant la grande généralité des problématiques soulevées. Ce séminaire, parrainé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), a été organisé par le Bureau Marocain des Droits d’Auteur (BMDA), ainsi que le Centre National de Documentation marocain.

L’objectif affiché est désormais classique : réformer en profondeur la législation pour l’adapter au contexte du numérique. Le Gouvernement en fait un enjeu de taille d’un point de vue économique, en termes de stratégie de développement, comme l’a évoqué le Ministre de la Communication M. Benabdellah.
Les discussions ont porté précisément sur les thèmes suivants : « Evolution législative du droit d’auteur et des droits voisins aux niveaux national et international » ; « Gestion du droit d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique: défis et opportunités » ; « Application des droits en matière de droits d’auteur et de droits voisins » ; « Lutte contre la piraterie et dans le domaine des droits d’auteur et des droits voisins: mesures, recours et sanctions ».
Ces débats permettront de poursuivre la réforme déjà engagée de la loi du 15 février 2000, relative aux droits d’auteur et droits voisins. Ils anticipent également sur l’application de la loi, telle qu’elle vient d’être réformée tout récemment.

Une première révision y a en effet ajouté les dispositions de base prévues par les conventions de l’OMPI (« dispositions types pour la législation sur le droit d’auteur »). Ces dispositions portent principalement sur : les définitions, la propriété, la durée et le régime de gestion des droits ; les dispositifs techniques ; la responsabilité et les sanctions des prestataires de services. De nouvelles prérogatives ont également été apportées au BMDA, lequel pourra compter sur la collaboration d’autres organismes, publics ou privés, ou plus simplement celle des professionnels eux mêmes.

Le Ministre de la Communication semble de ce fait privilégier la voie du dialogue et de la régulation dans cette adaptation de la loi. Lors du séminaire, il a ajouté que les prochaines réformes porteraient notamment sur les mesures techniques de protection, dont la prise en charge et le contrôle reviendraient aux prestataires de services de l’Internet, grâce à des mécanismes incitatifs. Son but est clairement de créer un climat de confiance et de coopération spontanée entre tous les acteurs du secteur ; une meilleur créativité, une plus grande innovation en ressortiront naturellement.

Au-delà, c’est tout le développement économique et social qui est en jeu, comme l’affirme le Secrétaire Général du Haut Commissariat au Plan, M. Bijaad. Selon lui, la protection des droits d’auteur dans la société de l’information est la condition indispensable à la réalisation de « ses bienfaits en termes de libre circulation des idées, d’échange des connaissances et de démocratisation de leur accessibilité, aussi bien pour les individus que pour les collectivités, sans exclusion ni discrimination aucune ».

Si la réforme annoncée semble s’orienter dans un sens relativement libéral, ces propos paraissent néanmoins illusoires dans un pays qui n’est que 120ème dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières. Attendons de voir quelle application y sera faite de cet arsenal juridique, afin de vérifier s’il existe une société marocaine de l’information.

Sources :
http://www.avmaroc.com , 03 avril 2006 ;
http://www.lematin.ma , 04 avril 2006 ;
http://www.rsf.org .

Philippe MOURON