SINISTRE MOIS D’AVRIL POUR FRANCE SOIR

Les déboires de France Soir n’en finissent plus de durer ! Depuis sa mise en redressement judiciaire et l’affaire des caricatures de Mahomet, la fin ultime du quotidien a été annoncée maintes fois. Les derniers rebondissements de cette lente agonie remontent au 12 avril, date à laquelle un groupe de repreneurs a officiellement été désignée par le Tribunal de Commerce de Lille ; ce dernier a choisi le projet présenté par M. Olivier Rey, journaliste, et M ; Jean-Pierre Brunois.
Depuis, le quotidien est absent des kiosques ; un nouveau numéro a été boycotté (voir article “Un numéro imprimé mais pas distribué“, 22 avril 2006, par Amanda Mahabir). Les salariés se sont insurgés contre le projet de reprise proposé.

Ce dernier est vivement critiqué, tant sur le fond que sur la forme. Les salariés auraient certainement préféré celui de M. Arcadi Gaydamak, lequel avait d’ailleurs reçu le soutien du SNJ (voir article « Arcadi Gaydamak se présente comme repreneur officiel de France Soir », 03 avril 2006, par Philippe Mouron) ! En effet, les mesures envisagées tendent à réformer en profondeur la gestion et l’orientation du célèbre quotidien.

Naturellement, la mesure qui a principalement provoqué la grogne des salariés est le plan social : près de 80 licenciements de journalistes, sans compter les pigistes ! Au-delà, s’agissant de la ligne rédactionnelle, les deux repreneurs entendent « revenir aux fondamentaux » de France Soir, afin de redynamiser le quotidien ; les tenants et aboutissants de cette réorientation n’ont toutefois pas encore été présentés. Selon les salariés, tout porte à croire que MM. Rey et Brunois veulent faire du journal un tabloïd populaire, à l’anglo-saxonne. Ces derniers affirment néanmoins que leur proposition fera repartir les ventes à la hausse, ce qui permettra par la suite de réembaucher des journalistes, prioritairement ceux qui auront été licenciés.

Peu importe pour les salariés : ils se sont immédiatement mis en grève, et l’ont systématiquement reconduite à une écrasante majorité. Un vaste plan de communication a été mis en place pour soutenir leurs revendications, notamment la distribution de tracts dans Paris, ou encore la création d’un blog par les grévistes. Ces derniers réclament l’annulation du jugement qui a attribué la reprise du quotidien.

Pour cela, différentes actions ont parallèlement été entreprises afin d’écarter le duo Brunois-Rey.

Ainsi, les salariés ont dans un premier temps réclamé une aide financière des pouvoirs publics, laquelle leur a été refusée. Le but était d’obtenir la suspension du jugement, en donnant à la société éditrice Presse Alliance les moyens nécessaires à la survie du journal. Cette demande a été rejetée par le Gouvernement, les aides à la presse étant limitativement prévues et dans des cas bien précis, qui ne comprennent pas celui des journaux en difficultés.

Ne pouvant avoir le soutien de l’Etat, les salariés ont alors fait appel du jugement du Tribunal de Commerce de Lille. Un deuxième appel a été déposé par la société éditrice, et un troisième serait sur le point de l’être de la part de Raymond Lakah, « ancien » propriétaire, qui semble vouloir prendre part au combat des grévistes. Ces derniers ont retrouvé depuis une lueur d’espoir, mais la lutte est loin d’être finie.

Elle se poursuit en effet sur le terrain judiciaire, et tout le débat porte maintenant sur la validité et l’issue de la procédure d’appel. A ce niveau, les avocats de chacune des parties affirment avoir déjà démonté les prétentions adverses. Dans l’attente, il semble bien que la seule solution possible soit de réunir assez de fonds pour redonner une certaine viabilité à France Soir, et invalider du coup le jugement. Ce pari semble moins aléatoire pour les salariés grévistes depuis la prise de position de M. Lakah.

Toutefois, les repreneurs officiels ont déjà entamé l’exécution de leurs projets ; la pression n’en est que plus forte pour les grévistes, et des divisions commencent à voir le jour. M. Rey prétend ainsi pouvoir compter sur une vingtaine de journalistes, qui soutiendraient son projet. Bien que cette information soit démentie par les salariés, certains d’entre eux, irritées de lassitude, plaident en faveur d’une reprise du travail. Un certain fatalisme semble s’installer, même si le mouvement est maintenu.

Dernier geste censé apaiser les tensions : M. Rey a annoncé, ce 25 avril, qu’il ne serait pas directeur de rédaction dans la nouvelle structure, comme initialement prévu. Constituant l’une des cibles principales du mouvement, non seulement en raison du projet de reprise, mais aussi, semble-t-il, de sa réputation au sein de la profession, M. Rey espère que sa décision calmera la colère des salariés, précisant toutefois qu’il conservera des fonctions de direction à France Soir.

Retenons notre souffle jusqu’au prochain épisode de cette affaire interminable ! Une audience est attendue pour début mai, relativement à l’appel interjeté par les salariés. D’ici là, de nouveaux événements impromptus auront peut être encore bouleversé la donne ; la grève reste maintenue à l’heure actuelle.
Source :
http://www.liberation.fr ;
http://www.lemonde.fr ;
http://www.francesoirenlutte.com/ (blog des salariés grévistes).
Philippe MOURON