La 16eme édition du Marché international du film d’animation (Mifa) d’Annecy confirme son retour en grâce auprès des professionnels malgré la grogne suscitée par l’absence de Canal plus. Ce nouvel élan devra s’adapter au boom du long metrage d’animation pour pouvoir perdurer. Dopé par l’essor du secteur et par les des organisateurs – Patrick Eveno et Mickael Marin notamment –, le Mifa 2006 a attiré une cinquantaine d’acheteurs et une quarantaine d’exposants supplémentaires par rapport à l’édition 2005. En effet, les professionnels qui boudaient cette manifestation depuis deux ans étaient de retour. Jusqu’à Véronique Cayla, DG du CNC, venue inaugurer le Marché du film et rencontrer les producteurs français à l’occasion de la publication SFPA-CNC (SPFA, syndicat des producteurs de films d’animations) sur le marché de l’animation. Un document qui confirme le dynamisme d’un secteur qui représente aujourd’hui 10 à 13% des entrées en salle et fourmille de projets, comme en témoigne les huit longs métrages agréés en 2005. Un record historique qui pourrait bien être dépassé en 2006 et en 2007. Canal +, la grande absente du festival
Pourtant, l’inquiétude des professionnels français était palpable, et de nombreux producteurs se sont émus de l’absence de Canal +, longtemps partenaire du festival, ce qui ne faisait que matérialiser le désengagement de la chaîne du secteur depuis quatre ans. Christian Davin, président du SFPA souligne la gravité de la situation : « Ces dernières années, l’animation est passée d’un marché de niche à un marché mature. Pourtant, nous allons vers une crise importante de la pré-production. Il n’y a pas assez d’argent. France télévision ne peut pas tout faire, et même s’il y a une volonté de développer chez M6, voir chez TF1, ce n’est pas suffisant. Avec Canal +, nous somme face à un mur, alors que les budgets commencent à se muscler pour s’attaquer à l’international. »
L’étude SFPA-CNC fait clairement apparaître la montée en puissance des devis. Depuis 2000, huit films d’animation dont le coût s’élève à plus de 7M € ont été agréés dont cinq d’entre eux ces deux dernières années ! Et les investissements de Canal + ont diminués de moitié en cinq ans. Cette situation est dénoncée par les producteurs français alors qu’il se prépare une nouvelle vague de films d’animation ambitieux. Didier Brunner s’insurge : « Avec ce que paie Canal + je ne pourrai plus produire Kirikou et la sorcière […] Personne dans la chaîne ne semble avoir pris la mesure du succès de l’animation française. Il y a une vraie méconnaissance du secteur. »
Canal + a bien mis en place une prime au succès pour les films qui réalisent plus de 500 000 entrées en salle, mais la chaîne aurait envisagé un temps de la remettre en question pour les films destinés à un public de -12ans. Ce projet est vécu comme une double sanction par les producteurs de films d’animation.
Cette politique restrictive s’explique difficilement lorsqu’on sait qu’il y a de quoi être optimiste pour l’avenir du marché, notamment grâce à l’émergence des comédies familiales du type Shrek ou L’age de glace. D’abord ciblé sur un très jeune public, les films d’animations développent un potentiel de prime time intéressant qui pourrait être exploité à conditions de s’en donner les moyens, notamment en se dotant de structures de financement solides. Christian Davin illustre avec humour cette situation critique : « Ce n’est pas le moment de couper les gaz alors que l’avion est en train de décoller ! ».Le défi du long métrage d’animation
Une réforme du festival est prévue pour la prochaine édition car si Annecy est devenu incontournable dans le court métrage d’animation, il a visiblement du mal à passer le cap du long métrage. La sélection 2006, composée d’une majorité de films sortis en salle depuis des mois (Astérix et les vikings, Walace et Gromit : Le mystère du lapin Garou…), s’est attiré toutes les critiques. D’autant que la plupart des nouveautés françaises étaient présentées hors compétition. Le défi consiste donc à bâtir une sélection internationale et crédible. Mais les organisateurs reculent déjà et envisagent de supprimer purement et simplement la compétition de longs métrages en 2007 (pour les présenter hors compétition). Une idée saugrenue au moment ou la production européenne et asiatique décolle et aurait ainsi besoin d’un lieu de diffusion à envergure internationale capable de soutenir l’expansion prometteuse de ce marché.
Sources : Le Film Français du 15 juin 2006
www.annecy.org
Léonie SALDMAN
Etudiante Master II Droit et métiers de l’audiovisuel