« ARTHUR ET LES MINIMOYS », UNE LEÇON DE PRODUCTION A L’AMERICAINE

Noël 2006 sera marqué par la sortie sur les écrans du dernier film de Luc Besson, « Arthur et les Minimoys », adapté de sa série de romans pour enfant du même nom.
Cela ne vous dit rien ? N’ayez crainte, dans très peu de temps et bien malgré vous, vous mangerez Arthur, vous boirez Arthur, vous écrirez Arthur, vous dormirez Arthur ou bien encore, vous vous parfumerez Arthur.

Ce phénomène prochainement en salle et sur le marché est le fruit d’une stratégie empruntée aux américains et généralement méconnue du système de financement des productions cinématographiques à la française, à savoir, la vente de l’image des héros du film aboutissant à ce qu’on appelle communément le marchandising.
C’est ainsi que plus de quatre-vingt contrats de licence ont été conclus avec des grandes marques autorisées à utiliser l’image d’Arthur dans le cadre de leur activité économique. Pour n’en citer que quelques-unes, Mac Donald’s, Teisseire, Nestlé, BNP, Séphora, Clairefontaine ou encore Pannini.

Cette stratégie relève d’une organisation très poussée et très organisée, puisqu’un service spécial au sein d’EuropaCorp, la maison de production de Luc Besson, est chargé de la négociation et de la conclusion des dits contrats. Ayant ainsi obtenu plus de 65 millions d’euros permettant à eux seuls de financer la moitié du film, il est certain que la mission est plus qu’accomplie.

La technique de marketing en question se résume à un objectif : inonder le marché, à l’image des studios Disney pour ne citer qu’eux.
Le système poussé à un tel paroxysme force à se demander si ce sont les produits qui financent le film ou le film qui finance les produits ?
N’y a-t-il pas une limite à la mise en œuvre de la technique en question ?
Certes, l’argent fait relativement défaut dans le cinéma français. On peut donc admettre que le plus américain des réalisateurs français passent par d’autres biais pour financer ses projets. Mais ne serait-il pas quelque peu atteint de mégalomanie au regard de la démesure du procédé ?
Le problème fondamental dans ce cas de figure est celui de la crédibilité du projet artistique en tant que tel. Les intentions artistiques souffrent certainement face à cette surenchère économique et semblent réduites à une peau de chagrin. Dans cette perspective, l’intérêt même d’avoir écrit un livre est remis en question et semble n’avoir été qu’un prétexte à la mise en marche de cette grosse machine financière.

Pourtant, le procédé utilisé ne peut être sur le fond critiqué puisqu’il permet la réalisation de projets ambitieux, la plupart du temps absents du cinéma français faute de moyens financiers, et l’on sait que plus que tout autre domaine culturel, l’activité cinématographique est en effet dépendante de ses sources de financement, cela permet donc de concurrencer les grosses productions américaines tant décriées. De fait, il est déjà question que le film soit vendu aux Etats-Unis. On ne peut donc pas valablement se plaindre de la timidité du cinéma français et dans le même temps condamner sans détour cette approche économique. Il est possible, en revanche, de remettre en cause le caractère démesuré du projet ici étudié et de son arrivée autoritaire sur le marché.

Mais au-delà des considérations morales et éthiques tenant à une certaine idée du cinéma à la française, autant art que loisir mais surtout plus art que business, ne faut-il pas y voir une évolution symptomatique du système économique lié au septième art, moins atypique et plus tourné vers la loi du marché.
Peut-être est ce le début d’une nouvelle ère, celle d’une logique financière à l’américaine, puisque le cinéma est tout autant art qu’industrie, Hollywood l’a compris depuis bien longtemps, n’est-il pas naturel que le cinéma français l’admette enfin.

Source:entretien avec un membre de la production.
Maïlis BONNEAU