LA FETE DU CINEMA DE ROME : UN NOUVEAU GENRE DE FESTIVAL POPULAIRE

Du 13 au 21 octobre s’est tenue à Rome la première édition de la Fête du cinéma. Cherchant à se démarquer d’un festival, son objectif était d’osciller « entre une manifestation populaire, avec des stars qui viennent à la rencontre de leur public, et un programme beaucoup plus rigoureux » explique Goffredo Bettini, président de la Fête du cinéma. En effet, parmi les 114 films proposés, spectateurs et professionnels ont pu assister aux avant premières de La sconosciuta de Guiseppe Tornatore, de Les infiltrés de Martin Scorsese ou de Napoléon (et moi) de Paolo Virzi, mais aussi à la compétition officielle de 16 longs métrages ou à l’hommage rendu à Marcello Mastroianni. Aux yeux de Jacques Mandelbaum du Monde, cette diversité a parfois pu viré au « confusionnisme esthétique ».

L’annonce d’un « festival » ambitieux
La manifestation faisait déjà grand bruit avant même de commencer. Tout d’abord, le budget de cette première édition s’élève finalement à 12 M€. Celui-ci a doublé avec l’appui de partenaires privés qui ont eu vent des prévisions de hausse de la fréquentation. Les habits étaient-ils trop grands pour une première édition ? C’est ce qu’estime certains pour qui la logistique du festival s’est révélée souvent défectueuse. Ensuite, la Fête du cinéma était vue par beaucoup comme une concurrente directe de la Mostra de Venise de septembre, festival emblématique du cinéma international, en perte de vitesse depuis quelques années. Alors que « Venise a fait le pari d’imposer un profil résolument tourné vers l’amour du cinéma », Rome sert « à coups de millions d’euros sa propre médiatisation » commente Jean-Michel Frodon dans Les cahiers du cinéma. Il est vrai que les organisateurs ont fait de gros efforts de communication, à l’image de Walter Veltroni, maire de Rome et ancien ministre de la culture, qui dispose de nombreuses relations parmi les industriels et les stars du cinéma. « Nous avons choisi de ne pas bâtir en entier la communication sur le secret, explique le directeur Giorgio Gosetti, ce qui nous a permis d’avoir des information à mettre à disposition de la presse et des professionnels au fur et à mesure ». Et d’éveiller la curiosité de tous sur ce projet ambitieux.

Les débuts d’un nouveau marché du film
Baptisé « Business Street », le marché du film de la Fête était présenté comme un marché complémentaire de l’American Film Market (Los Angeles) ou du Toronto International Film Festival. L’émergence d’un nouveau grand marché aurait en effet été difficile compte tenu de la prédominance des deux festivals précités en automne, de Berlin en février et de Cannes en mai. Plus modeste, la Business Street a donc permis de conclure des ventes qui n’avaient pu l’être au cours d’autres manifestations. Elle a aussi su de créer « un lieu de rencontres privilégié entre professionnels, avec un vrai confort d’accueil et de travail », selon le souhait de Sylvain Auzou, directeur artistique de la Fête.

Une réussite populaire
Pour une première édition, l’ambition populaire de la Fête a tenu ses promesses : en une semaine, environ 150 000 spectateurs se sont pressés dans les salles (le festival de Berlin attire environ 180 000 personnes). Quand à la compétition, le jury de cinquante spectateurs – jury lui aussi voulu populaire – a récompensé le film russe Playing the Victim de Kirill Serebrennikov. Ariane Ascaride (Le Voyage en Arménie) et Giorgio Colangeli (L’Aria Salata) ont obtenu les prix d’interprétations.
Sources :
« Rome ville ouverte au cinéma », Le film français, nº3175, 13 octobre 2006.
« Rome s’invente dans le luxe un marché du film », Le Monde, 20 octobre 2006.
« Programmation faible à la Fête du film de Rome », Le Monde, 24 octobre 2006.
« Espaces de liberté », Les cahiers du cinéma, n°616, octobre 2006.

Laurent Fournier