LA NOTION DE PRIME TIME BOULEVERSÉE PAR LA CONSOMMATION DE VIDÉOS EN LIGNE

Depuis le développement des offres de vidéos à la demande sur internet, les habitudes des consommateurs américains de contenus audiovisuels ont évolué, bouleversant du même coup, la notion de prime time.

Dans le cadre d’un service de télévision classique, le prime time, appelé aussi période de grande écoute, est une plage horaire s’étalant de 20 heures à 23 heures, durant laquelle les chaînes enregistrent leurs plus fortes audiences en nombre de téléspectateurs. Les éditeurs de programmes profitent de cette période pour diffuser leurs émissions les plus populaires (journaux télévisés, séries ou films à succés, etc.), créant, par là même, une vitrine publicitaire de premier choix pour les annonceurs. Ces derniers sont ainsi prêts à investir des sommes colossales pour promouvoir leurs produits et services lors des prime times.

Or, à l’heure actuelle, la consommation de vidéos à la demande sur internet ne cesse de croître et rend la notion de pic d’audience moins stable, du fait de la non simultanéité des visionnages de contenus en streaming ou de leur téléchargement. Toutefois, il est possible de comptabiliser le nombre de ces téléchargements ou visionnages sur la toile. Ainsi, aux Etats-Unis, le service de diffusion en direct de contenus multimédias sur internet de la société Verizon Wireless, enregistre-t-il un pic d’audience aux heures des sorties de bureau, c’est-à-dire, entre 16 heures et 19 heures. Le service de vidéos à la demande de Time Warner, quand à lui, fonctionne à plein régime de 20 heures à 1 heure du matin. Google Video estime que c’est lors de la pause déjeuner de midi que les demandes de visionnage en streaming sont les plus élevées. Concernant le téléchargement de vidéos à la demande, la période du prime time s’avère impossible à définir, puisque le visionnage du contenu téléchargé peut être reportée à n’importe quel moment choisi par le consommateur.

Ces bouleversements dans la manière de consommer des contenus audiovisuels vont avoir des répercussions sur les émissions proposées à la télévision, leurs horaires de diffusions et, bien évidemment, sur le prix des espaces publicitaires. La chaîne de télévision américaine NBC a, par exemple, décidé de ne diffuser en première partie de soirée, que des programmes peu chers à produire ou à acheter, dans le but d’investir plus efficacement dans la vidéo à la demande. Cela aura pour conséquence, d’une part, la baisse du prix des annonces publicitaires durant le prime time classique et, d’autre part, d’amener les chaînes de télévision à privilégier la diffusion de leurs programmes sur internet à toute heure de la journée. Déjà, la diffusion de séries ou d’émissions de télé-réalité sur le net attire de nombreux internautes, comme c’est le cas avec l’émission Gold Rush sur AOL qui parvient à réunir 7 millions de personnes, en pleine journée pour la plupart. Certains parlent même de la disparition future de la notion de prime time en raison de l’homogénisation des audiences tout au long de la journée.

Toutes les chaînes ne sont pas du même avis. Certaines, comme CBS, souhaitent continuer à privilégier la période classique du prime time pour y diffuser des programmes à succés tout en développant en parallèle une diffusion de ces mêmes programmes sur internet. Cela rejoint la position de Mike Bloxham, du centre d’étude sur les médias de la Ball State University, selon laquelle « le prime time n’est pas en train de disparaître, il évolue ». D’autres chaînes estiment, en revanche, que l’existence de pics d’audiences sur le net n’aura aucune conséquence sur la notion classique de prime time. En effet, le recul des audiences réalisées par les émissions diffusées entre 20 heures et 23 heures reste minime, puisque les publicités durant cette période représentent tout de même plus de 7 milliards d’euros en tout.

Les avis divergent concernant le bouleversement de la période de grande écoute par la consommation de vidéos à la demande. Il semblerait qu’à l’heure actuelle, il soit encore trop tôt pour envisager toutes les conséquences de ce nouveau mode de consommation sur la notion de prime time. D’ici un an, les chaînes de télévision auront collecté assez de statistiques pour choisir leur camp et définir leur statégie pour contrer ou profiter de la vidéo à la demande.
Source : Newsweek, traduit dans Courrier International, édition du 9 au 15 novembre 2006.
Gilles Galeron