La nouvelle a résonné comme un coup de tonnerre le 22 mai dans les couloirs du journal Le Monde.En effet, les journalistes du Monde et ceux de ses ex publications de La Vie catholique, qui détiennent un droit de veto sur la nomination du président du Directoire, ont rejeté la reconduction de Jean-Marie Colombani.
Ce dernier était le seul candidat à sa propre succession au poste du Président du directoire du groupe Le Monde.
Embauché en 1977, il a gravi très rapidement tous les échelons et exercé le pouvoir pendant 13 ans. Il disait de lui-même, « j’incarne le Monde comme aucun de mes prédécesseurs.Je n’y peux rien. C’est comme ça. Ce sont les lecteurs qui le disent » Malgré cette apparente confiance en lui et en son statut, il se savait depuis quelques temps déjà dans le collimateur d’une partie des journalistes du quotidien.
Cette décision n’est en effet rien de plus que la douloureuse conséquence de treize années passées à la présidence de ce quotidien, tache rendue d’autant plus difficile qu’être patron suppose une soumission au vote d’une rédaction de plus en plus inquiète pour son avenir. Colombani le Roi du Monde est donc désavoué par sa rédaction, comme l’ultime sanction de sa stratégie d’acquisition à tout va. De même cet homme tout puissant était accusé par ses collaborateurs de « gouverner seul » en « monarque absolu »
En dehors de l’idée de faire de son journal un des quotidiens les plus lu et les plus célèbres, le patron de ce quotidien n’a eu de cesse de se constituer un Empire à force d’acquisition et surtout à crédit.
En effet, en 2000 le Monde n’a plus un sou dans sa trésorerie, mais cela n’empêche pas JMC d’acquérir le Midi Libre et ses nombreuses filiales. De même en 2003 quand il absorbe les publications de la Vie catholique riche de nombreux magazines (Télérama…) et de quelques immeubles dans les beaux quartiers de la capitale. Il ne signe véritablement son « arrêt de mort » quand il cherche à boucler son opération dite « pole sud », qui n’est autre que le rapprochement de sa filiale Midi Libre et des journaux régionaux de Hachette (La Provence et Nice Matin). Or cette opération est lourde de conséquence car trop importante en termes financiers pour les salariés.
Pour éviter une déroute financière c’est à dire tenter de limiter les dettes, qui s ‘élèvent toutefois à 100 millions d ‘euros, il a fallu faire appel à des capitaux extérieurs, comme Lagardère, Prisa, Saint-Gobain…. Cela, au risque de marginaliser les actionnaires internes, au premier rang desquels les journalistes réunis dans la Société des rédacteurs du Monde.
On peut aussi trouver comme raison à cette si vive chute, le fait que depuis quelques temps JMC s’était bien éloigné de la fonction de rédacteur, fonction confiée aux bons soins d’Edwy Plenel. Cet éloignement, il le paiera au prix fort en 2003, avec la sortie de ce que bon nombre de partisans du journal le Monde s’amusaient à qualifier de pamphlet « La face cachée du Monde ».Fier de son expérience et de son « savoir parler », JMC répondra aux deux journalistes auteurs de cet ouvrage qui le dépeignent en despote, maître en manipulation et menaces tentant de se faire domicilier fiscalement en corse. « Lorsque l’orage s’abat sur une foret, c’est l’arbre le plus grand [le Monde], qui est touché par la foudre » D’abord unis, le couple Colombani-Plenel finit par se séparer, surtout lorsque Plenel demande à être nommé directeur du quotidien.
Lucide sur sa situation, JMC disait « C’est mécanique, je suis minoritaire depuis qu’Edwy est parti ».
Meme si la question JMC semble acquise pour la majorité des journalistes de la Société des Rédacteurs du quotidien, reste encore à régler l’épineuse et douloureuse question de la succession de JMC, figure emblématique et reconnue de ce fameux quotidien. Cette chute pourtant prévisible de ce colosse aux pieds d’argile, marque un tournant dans le domaine de la presse écrite qui, aux vues des nouvelles configurations techniques et technologiques a du soucis à se faire. Que va devenir le Monde ?
Astrid KAYL