Après une lourde condamnation prononcée par le Conseil de la concurrence le 15 octobre 2007, France Télécom fait désormais face à la justice européenne ; et cette dernière s’est montrée particulièrement peu conciliante envers l’opérateur historique français, comme en témoigne l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes en date du 18 octobre 2007.
L’affaire a pour point de départ une décision de la Commission européenne du 2 août 2004 ; celle-ci avait conclu que le traitement préférentiel accordé à France Télécom par le régime français de la taxe professionnelle était incompatible avec le marché unique et elle avait ordonnée à la France de récupérer l’aide déjà accordée auprès du bénéficiaire. A l’époque des faits, le montant de l’aide n’avait pu être affiné avec précision. Elle avait été estimée dans une fourchette comprise entre 798 millions d’euros et 1,14 milliards d’euros.
Mais l’affaire va se compliquer quelque peu durant l’année 2006. En effet, à cette période, il a été constaté que l’Etat français n’avait pris aucune mesure effective et concrète pour recouvrer cette aide. Par conséquent, la Commission européenne avait saisi la Cour de Justice afin de faire condamner la France en application des règles du Traité CE relatives aux aides d’Etat pour non-respect d’une décision de la Commission.
La Cour de Justice des Communautés européennes a rendu sa décision le 18 octobre 2007 : elle estime que l’opérateur historique a profité pendant 9 ans d’aides publiques indirectes liées au paiement de la taxe professionnelle : « Concernant l’aide d’État mise à exécution par la France en faveur de France Télécom, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent au regard du droit communautaire », indique la Cour. Son jugement confirme donc la précédente décision de la Commission européenne de 2004 ; France Télécom devra donc bien rembourser à l’État français entre 798 millions et 1,14 milliard d’euros, plus les intérêts. Mais cette décision met en exergue la complexité de l’affaire : n’a été jugé le 18 octobre que le manquement des obligations d’exécution incombant à l’Etat français ; en outre, la procédure sur le fond engagée par l’État français et l’opérateur historique, contestant l’illégalité du régime fiscal mis en place entre 1991 et 2002, n’a pas encore été analysée.
Ainsi, deux solutions s’ouvrent pour l’Etat français : soit il devra se soumettre à la première décision de la Commission en réclamant le remboursement des aides octroyées à France Télécom ; soit il soutiendra sa ligne de défense constante depuis 2004, celle-ci étant fondée sur la légalité du régime fiscal instauré durant la période incriminée. Mais dans cette dernière hypothèse, il faudra encore se montrer patient et attendre les résultats de la procédure sur le fond, au risque pour la France de se voir infliger une amende pour non-respect d’une décision émanant d’une instance européenne.
Entre toutes ses condamnations pécuniaires récentes, on serait enclin à penser que France Télécom sortirait quelque peu aigrit de cette dernière affaire ; mais il n’en est rien, l’opérateur historique s’estimant prêt à un éventuel remboursement : « nous allons analyser cette décision et les conséquences qui pourraient en être tirées. Et le cas échant, le groupe prendra toute décision de nature à protéger les intérêts de tous ses actionnaires ».
Arnaud QUILTON