LA LOI SUR LA CONTREFACON DU 17 OCTOBRE 2007 : UN « FOURTOU » ASSEZ BIEN PENSE

Comme un écho à la loi DADVSI du 1er août 2006 (sur transposition d’une directive européenne du même nom de 2001), le Sénat a adopté en deuxième lecture le 17 octobre dernier la loi de lutte contre la contrefaçon transposant une directive européenne du 29 avril 2004 sur le respect des droits de la propriété intellectuelle, destinée à la lutte contre la contrefaçon (dont le rapporteur est Mme Janelly Fourtou, eurodéputé, et épouse de Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi Universal.

Cette loi étend le délit de contrefaçon aux dessins et modèles, avec l’insertion dans le CPI d’un chapitre intitulé « Contentieux des dessins ou modèles nationaux ».
Le texte détaille en outre de nouveaux moyens de lutte contre la contrefaçon (y compris en matière de propriété littéraire et artistique).

L’article 33 de la loi suscite de nombreux débats. En effet, il prévoit que soit amendé le Code de la propriété intellectuelle pour conférer aux « organismes de défense professionnelle » le droit de s’autosaisir lorsqu’ils constatent des actes de contrefaçon alors que la démarche doit encore aujourd’hui être initiée par les « organismes professionnels d’auteurs », soit les maisons de disque ou les studios de cinéma.
A ce jour, en cas d’infraction manifeste au droit d’auteur, les ayant droits doivent commencer par saisir les organismes de défense tels que l’ALPA (Association pour la lutte contre le piratage audiovisuel) qui, ensuite, portent plainte. Ces organes de défense ne peuvent donc s’autosaisir en cas de constatation d’une infraction mais doivent impérativement contacter les ayants droit afin de leur suggérer de saisir ses agents (agréés par le ministère de la Culture) avant le dépôt d’une plainte en bonne et due forme.

D’après le texte, ces organes de défense privés pourront, seuls, glaner les preuves de la matérialité des infractions comme le feraient des officiers ou des agents de police judiciaire.
Ces organismes deviendraient donc « à la fois enquêteur, huissier et partie civile ! », dénonce l’association de défense des internautes EUCD.info, craignant l’apparition d’une « police privée ».

Rappelons tout de même que la collecte du numéro IP doit respecter les dispositions de la loi Informatique, fichiers et libertés, et ne peut se faire sans une autorisation de la CNIL (même si ces autorisations semblent être justifiées au regard de l’étendue du phénomène de piratage – CE 23 mai 2007,SACEM ET AUTRES).

Autre aspect important de la loi, le texte prévoit notamment en ce qui concerne la propriété littéraire et artistique un cadre plus clair pour l’établissement des dommages et intérêts en cas de contrefaçon. Ils doivent s’aligner au minimum sur un “manque à gagner” calculé sur les montants de “licence” habituellement facturés.
« Pour évaluer le préjudice résultant de la contrefaçon (…) le tribunal prend en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et, s’il y a lieu, le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte ».

En ce qui concerne le P2P, il pourrait donc s’agir d’une étape vers la constitution d’une “peine plancher” alignée sur le tarif des services marchands, le gouvernement français ayant en outre choisi d’écarter la référence aux actes commis à “l’échelle commerciale” qui encadrait la directive européenne.

A suivre donc, avec une possible saisine du Conseil constitutionnel, qui pourrait censurer cette nouvelle « réponse graduée », à l’instar de sa décision du 27 juillet 2006 au sujet de la loi DADVSI.

Alexandra ZWANG

Sources :
www.lemonde.fr
– O DUMMONS, « Piratage : le gouvernement voudrait faire passer sa réforme en catimini », article du 16 octobre 2007.
– O DUMONS , « La loi sur la contrefaçon votée au Sénat risque de générer une riposte graduée », article du 18 octobre 2007.
– D. LELOUP, « les associations de défense des internautes dénoncent le projet de loi sur la contrefaçon », article du 16 octobre 2007.

www.lesechos.fr
– « Les députés adoptent un projet de loi sur la contrefaçon », article du 3 octobre 2007,
– « Le Sénat adopte le projet de loi sur la lutte contre la contrefaçon », article du 22 octobre 2007