LE BRAS DE FER ENTRE COMMERCE ET ACCES A LA CULTURE AU CŒUR DES PROJECTEURS

L’actualité du cinéma est bouleversée par « l’appétit décomplexé » du groupe UGC qui lance le débat sur le projet d’extension de la salle municipale du Méliès de Montreuil.
En effet le groupe est en conflit avec le Méliès par la voie d’un recours devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, tendant à empêcher le projet de relocalisation et d’extension de ce cinéma qui entendait passer de trois à six salles.

En cela, le cinéma élargit son rayonnement et dès lors le risque de concurrence déloyale se fait sentir.
C’est donc sur le fondement d’abus de position dominante et de tarifs anticoncurrentiels qu’UGC reproche au cinéma le Méliès de fausser la libre concurrence.
Le groupe UGC considère, qu’une fois transformé, le cinéma dépassera sa vocation actuelle de service public. Le recours stipule que l’utilisation des fonds publics pour pratiquer dans ces six salles des tarifs subventionnés est constitutive, de la part de la commune, d’un abus de position dominante et d’une violation des règles de la concurrence.
UGC ne conteste pas le Méliès dans son fonctionnement actuel mais bien son agrandissement à six salles qui change totalement « l’attraction et la nature du lieu ».
Dans cette affaire, UGC tient une position offensive qui vise à contester l’existence des salles subventionnées faussant ainsi la libre concurrence et tirant les prix vers le bas. On peut y voir ici une politique générale d’UGC consistant à faire disparaître des salles d’art et d’essai, indépendantes et ou municipales avec notamment le recours engagé contre l’aide octroyée par le CNC au cinéma indépendant le Comoedia de lyon. En effet UGC avait également engagé d’autres procédures contre d’autres cinémas et à chaque fois sur le motif de subventions abusives ou contraires aux règles de la libre concurrence. Le discours récurrent d’UGC est en fait qu’il n’est pas normal qu’il y ait des salles subventionnées par l’argent public. La stratégie procédurière d’UGC consiste donc à faire pression sur le législateur pour qu’il revienne en arrière sur la capacité des pouvoirs publics à intervenir dans le champ de l’exploitation.

A ce propos le SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), s’étonne du fait qu’UGC n’ait jamais renié ni refusé les aides publiques, adoptant ainsi une position ambiguë et marquant sa volonté de déstabiliser à son avantage, l’équilibre des relations économiques avec les professionnels du cinéma et notamment les exploitants indépendants et distributeurs avec la mise en place d’une nouvelle carte illimitée, en association avec MK2, lui assurant ainsi une position dominante sur le marché parisien.

On assiste donc ici à un bras de fer entre la logique commerciale des multiplexes et la politique culturelle des municipalités. En effet, ce recours met à mal l’action positive des cinémas municipaux en faveur de la diversité culturelle et va à l’encontre des efforts engagés par les collectivités locales pour maintenir et développer une offre culturelle sur l’ensemble du territoire.
Si UGC gagne, on peut considérer qu’un coup symbolique conséquent serait porté contre environ 30% des salles françaises cofinancées par les subventions municipales.

Le débat aura eu le mérite d’encourager une initiative du ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, qui consiste à créer une mission de réflexion sur l’application du droit de la concurrence dans le domaine du cinéma. Elle espère aboutir à une régulation qui permettrait de freiner les tentations hégémoniques et les coups de force qui handicapent l’exploitation des œuvres en salles, réduisent la rémunération des auteurs et concourent à une concentration excessive du marché. Dans un contexte mouvant, le ministre considère que le système de subvention peut évoluer sans être totalement remis à plat et que la programmation des salles municipales comme le Méliès n’est pas comparable à celle d’un multiplexe, la logique est différente. Le système lui parait assez bon, mais la rudesse des conflits montre qu’il est nécessaire d’aller vers plus de transparence, notamment sur les cartes illimitées, pour préserver les ayants droit.

Source :
www.ecrans.fr
Ecran total n°676
Le film français n°3230
Dépêches AFP Cinéma

Fanny BAYLE