UN SECRET DES SOURCES BIEN MAL GARDE !

La presse écrite quotidienne d’information générale n’a plus aujourd’hui la côte. L’explication principale est avant tout une crise du lectorat. De là en effet, découle les difficultés économiques qui induisent une concentration en de mêmes mains, des capitaux et des organes de presse. En fin de compte, c’est une uniformisation accrue des contenus rédactionnels auxquels on assiste.

A ce risque d’assèchement de la pluralité interne et externe, vient s’ajouter enfin la concurrence des médias électroniques, au premier rang desquels trône l’Internet.
Dans ce contexte difficile, il semble que la question de la liberté du journaliste, son droit à l’expression, à l’enquête et à l’information du public ne soit pas un sujet qui mobilise les foules. Pourtant il faut se rappeler que, ce dont il est question ici est indépendant du support médiatique. Que d’aventure demain, il n’existe plus de presse quotidienne d’information générale écrite en France, que tout se passe par un canal électronique de diffusion, le travail de journaliste comme « chien de garde de la démocratie » ( CJCE 1996, Goodwin) restera foncièrement le même. A ce titre, et face à toutes les formes de pression, qu’elles soient politiques et/ou économiques, l’arme absolu que représente le secret des sources, pour la profession de journaliste, restera d’actualité.

Le journaliste Guillaume DASQUIE, doit à l’heure actuelle être conscient au plus au point de ce problème, lui qui a été mis en examen le 07/12/07, suite à une plainte du ministre de la défense pour avoir dans le Monde du 17 avril 2007 écrit un papier à propos d’information que la DST aurait eu en sa possession et portant sur les activités et les projets du groupe terroriste Al-Qaida avant l’attenta du 11 septembre 2001…
Une colère du ministre de la défense de l’époque, Mme. ALLIOT-MARIE, plus tard, le tout sur fond de lutte contre le terrorisme en priorité médiatique absolue et voilà notre journaliste accusé d’atteinte au secret défense. Inutile de dire que la France, à cette occasion prouve qu’elle n’en a pas fini avec la liberté de la presse.
La jurisprudence récente et constante de la CEDH (cour européenne des Droits de l’Homme) a pourtant réaffirmé son souci de la liberté d’expression et du respect nécessaire du secret des sources du journaliste, en affirmant avec force que «le droit des journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui leur serait accordé ou retiré en fonction de la licéité ou de l’illicéité des sources, mais un véritable attribut du droit à l’information, à traiter avec la plus grande circonspection … (CEDH, affaire Tillack vs Belgique 27/11/2007).

Une telle célérité de la cour à défendre l’article 10 de la CEDH, ne peut que contraster un peu plus avec la législation française en la matière. Ainsi l’article 109 du code de procédure pénale pose-t-il simplement une faculté laissée au journaliste de ne pas divulguer ses sources… bien maigre protection, notoirement insuffisante comme le démontre les affaires récentes (Le Point et L’Equipe en janvier 2005, France 3 Centre en juin 2006, Midi libre en juillet 2006; Le Monde 07/12/07 Eric FOTTORINO, Protection des sources).
Conscient de cette difficulté qu’a la France à se débarrasser une fois pour toutes de cette tentation d’entrave à la liberté du journaliste via la non protection réelle du secret des sources, les syndicats FNJ (fédération national des journalistes) et FEJ (fédération européenne des journalistes), sont montés aux créneaux par deux déclarations du 7 décembre 2007.
Le SNJ a parlé de la criminalisation de l’enquête du journaliste comme un procède moderne de censure. Le SEJ lui, par la voix de son président Arne KONIG, rappelle qu’il “est urgent de renforcer la législation sur la protection des sources en France. Malheureusement nous ne sommes pas surpris par ce nouvel incident, qui s’est produit précisément à la veille d’une rencontre entre les syndicats de journalistes et les services de la Garde des Sceaux, Mme Rachida DATI, à ce sujet.”

Si l’on considère en définitive l’ensemble des difficultés actuelles de la profession, pour l’ensemble des raisons déjà invoquées, auxquelles on peut ajouter en raison de l’évolution des médias, la place de plus en plus grande que tiennent les simples lecteurs dans l’élaboration des contenus, on peut être en droit de réclamer des pouvoirs publics un peu plus d’attention et de modération. Si le secret des sources, droit qui doit être reconnu aux journalistes, ne peut comme tout droit, être absolu, il doit dans les circonstances actuelles être particulièrement protégé par les pouvoirs publics. Faute de quoi à terme la controverse devrait se régler par la disparition de la profession en temps que telle, et ce au profit de simples rapporteurs de groupe d’intérêt…Une situation dont personne ne veut bien évidemment !

Jean Hervé Roux

Sources :
SNJ

Une perquisition de trop ! Le SNJ solidaire de Guillaume Dasquié(7 décembre 2007)